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22/06/2021 | FRANCE | N°20NC03658

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 22 juin 2021, 20NC03658


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1901934 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 21 novembre 2018 et a enjoint au préfet de la Moselle de

réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1901934 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 21 novembre 2018 et a enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020, le préfet de la Moselle doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901934 du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. A....

Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur de droit en considérant que M. A... avait sollicité une demande de protection contre l'éloignement prévue par le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non pas une demande d'admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2021, M. D... A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle, sous astreinte journalière de cent cinquante euros, de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui remettre un récépissé l'autorisant à travailler et à la mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la requête n'est pas recevable, dès lors qu'elle se borne à reprendre le mémoire en défense présenté en première instance et qu'elle ne comporte pas de critique du jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg ;

- le moyen invoqué par le préfet de la Moselle n'est pas fondé.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, accordé à M. A... le 15 janvier 2019, a été maintenu par une décision du 18 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me B... pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... est un ressortissant albanais, né le 8 août 1988. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 14 décembre 2015. Il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 septembre 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 25 janvier 2017. En conséquence du rejet de la demande de délivrance d'un titre de séjour, présentée par son épouse le 2 février 2017 sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle, par un arrêté du 4 décembre 2017, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1800019 du tribunal administratif du 4 avril 2018, a refusé d'admettre le requérant au séjour en qualité d'accompagnant d'un étranger malade et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour. Par courrier du 28 août 2018, M. A... a sollicité " une autorisation provisoire de séjour pour soins ". Estimant qu'il était saisi d'une demande de protection contre l'éloignement au titre des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle, par une décision du 21 novembre 2018, prise après avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 novembre 2018, a refusé d'y faire droit. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 21 novembre 2018. Le préfet de la Moselle fait appel du jugement n° 1901934 du 15 octobre 2020, qui annule cette décision et lui enjoint de réexaminer la demande de l'intéressé dans un délai de deux mois suivant sa notification.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du même code, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-22 du même code, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code, alors en vigueur : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ".

4. Enfin, il résulte des dispositions de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 que, si les articles 1 à 8 du premier chapitre déterminent la procédure régissant les demandes d'admission au séjour pour raison de santé, les articles 9 à 11 du deuxième chapitre sont applicables aux étrangers qui se prévalent de leur état de santé pour s'opposer à l'exécution de la mesure d'éloignement dont ils font l'objet. Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent, ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 9 du même arrêté : " L'étranger qui (...) sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 (...) est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 11 du même arrêté : " Au vu du certificat médical, un collège de médecins (...) émet un avis dans les conditions prévues à l'article 6 et au présent article et conformément aux modèles figurant aux annexes C et D du présent arrêté. ".

5. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'étranger a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration se prononce au vu d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office. Ce n'est que lorsque l'étranger qui n'a pas présenté une telle demande se prévaut de son état de santé pour faire obstacle à l'exécution d'une mesure d'éloignement que le médecin de l'Office en charge de l'établissement du rapport médical n'est pas saisi et que le collège de médecins se prononce uniquement au vu d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou par un médecin praticien hospitalier.

6. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du 28 août 20918, réceptionné par les services de la préfecture de la Moselle le 30 août suivant, a pour objet une " demande d'autorisation provisoire de séjour pour soins " et indique notamment que M. A... " sollicite la délivrance d'un titre de séjour pur [lui] permettre de bénéficier de soins appropriés à [son] état de santé sur la base du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Dans ces conditions, contrairement aux allégations du préfet de la Moselle, qui ne saurait utilement soutenir que l'intéressé faisait l'objet, depuis le 4 décembre 2017, d'une mesure d'éloignement non exécutée, qu'il n'a pas précisé expressément sur quelles dispositions il entendait fonder sa demande et que, bien qu'informé de la nature de la procédure mise en oeuvre par l'administration, il ne s'y est pas opposé, le requérant doit être regardé comme ayant demandé, non pas une protection contre l'éloignement au titre du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de

l'article L. 313-11 du même code. Par suite, la décision en litige du 21 novembre 2018 est entachée d'un défaut d'examen de la demande de M. A....

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au rejet de la demande présentée en première instance par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt n'impliquant pas de mesures d'exécution, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. A... doivent être rejetées.

Sur les frais de justice :

9. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, accordé à M. A... le 15 janvier 2019 ayant été maintenu par une décision du 18 mars 2021, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que le second renonce à percevoir la contribution du premier à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir sa contribution à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N° 20NC03658 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20NC03658
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : DOLLE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-22;20nc03658 ?
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