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22/06/2021 | FRANCE | N°20NC03638

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 22 juin 2021, 20NC03638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions du 18 octobre 2019 par lesquelles la préfète du Territoire de Belfort lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1903038 du 25 octobre 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé l'obligation de quitter le territoire français, le

refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destina...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions du 18 octobre 2019 par lesquelles la préfète du Territoire de Belfort lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1903038 du 25 octobre 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé l'obligation de quitter le territoire français, le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1903038 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision refusant à M. D... la délivrance d'un titre de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2020, le préfet du Territoire de Belfort demande à la cour d'annuler le jugement n° 1903038 du tribunal administratif de Nancy des 25 octobre 2019 et 21 octobre 2020.

Il soutient que c'est à tort que, pour annuler les décisions contestées, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2021, M. C... D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de M. D....

Considérant ce qui suit :

Sur le bien-fondé du jugement en ce qui concerne le refus de séjour :

1. Pour annuler le refus de séjour, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation, par le préfet, des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D....

2. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., ressortissant gabonais né en 1992, après être entré régulièrement en France le 2 septembre 2013, s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui a été renouvelé jusqu'au 14 octobre 2016. Sans établissement d'accueil pour l'année universitaire 2016/2017 en raison de l'échec aux épreuves du diplôme universitaire de technologie " génie civil " qu'il préparait, il n'a pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour. L'année suivante, il s'est néanmoins inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur auprès duquel, à l'issue de l'année universitaire 2017/2018, il a obtenu un diplôme d'études universitaires scientifiques et techniques option bâtiment et construction, puis dans un autre établissement d'enseignement supérieur au titre de l'année universitaire 2018/2019, à l'issue de laquelle il a obtenu un diplôme de " manager de travaux - BIM (Building Information Modeling) ". Dans le cadre de ces études, il a effectué plusieurs stages du 3 avril au 2 juin 2018, du 18 juin au 10 août 2018, puis, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, du 29 octobre 2018 au 12 juillet 2019, au sein de la SARL Georges Husson, laquelle, estimant que les qualités professionnelles et humaines de l'intéressé pourraient contribuer à son expansion, est disposée à l'accueillir dans le cadre d'une formation de " directeur de travaux " en alternance sur deux années. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. D... a tenté de régulariser sa situation en sollicitant un titre de séjour en septembre 2018 et qu'en dépit de plusieurs relances faites par son avocat, il n'a reçu aucune réponse. Compte tenu de ces réussites et de l'intégration professionnelle de l'intéressé, et bien que ce dernier se soit maintenu en France en dépit de l'obligation qui lui avait été faite, le 17 juin 2017, de quitter le territoire et que, afin de pouvoir poursuivre ses études et obtenir des stages, il ait fait usage de copies de son titre de séjour faisant apparaître une date de fin de validité falsifiée, le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

Sur le bien-fondé du jugement en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'obligation de quitter le territoire français, le tribunal a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

4. En second lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été interpellé le 16 juin 2015 pour rébellion, outrage et menaces à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, faits pour lesquels il a été condamné à deux mois de prison avec sursis sans suivi judiciaire. Toutefois, ces premiers faits sont isolés et ont été commis plus de quatre ans avant la décision contestée. Par ailleurs, s'il est constant que l'intéressé a fait usage de copies de son titre de séjour faisant apparaître une date de fin de validité falsifiée, il n'a pas falsifié le titre de séjour lui-même, ainsi que l'a relevé le tribunal judiciaire de Belfort dans son jugement correctionnel du 11 septembre 2020 prononçant sa relaxe. En outre, ces faits, pour regrettables qu'ils soient, ont présenté un caractère ponctuel et ont été commis dans le but de poursuivre et d'achever ses études en France, et ne permettent ainsi pas, par

eux-mêmes de caractériser un comportement constituant une menace pour l'ordre public. Par conséquent, le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal a jugé que la décision contestée, prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1, aurait pu être légalement prise sur le fondement des dispositions précitées du 7° de ce même article.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, la décision refusant à l'intéressé le bénéfice d'un délai de départ volontaire et celle fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par suite, les conclusions à fin d'annulation présentées par le préfet du Territoire de Belfort ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

7. M. D... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat

D E C I D E :

Article 1 : La requête du préfet du Territoire de Belfort est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me B..., avocate de M. D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... D....

Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.

N° 20NC03638 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20NC03638
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : KOHLER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-22;20nc03638 ?
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