Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 19 février 2020 par laquelle la rectrice de l'académie de Reims a refusé d'annuler une créance de 209,88 euros, mise en recouvrement par un titre de perception émis le 6 mai 2019, ainsi que la décision du 17 février 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de la Marne a rejeté sa contestation de la saisie administrative à tiers détenteur effectuée le 13 janvier 2020 pour un montant de 230,88 euros, d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques de la Marne de lui restituer la somme de 230,88 euros, d'enjoindre au directeur des ressources humaines du rectorat de l'académie de Reims de retrouver les 32 pièces manquantes dans son dossier administratif et de la laisser consulter ce dossier pour en vérifier le caractère complet.
Par une ordonnance n° 2000835 du 13 mai 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme étant manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 juillet 2020 et 8 avril 2021, Mme D... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ou, subsidiairement, réformer l'ordonnance n° 2000835 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 mai 2020 en tant qu'elle a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions des 17 et 19 février 2020 ;
2°) d'annuler les décisions des 17 et 19 février 2020, ainsi que le titre de perception émis le 6 mai 2019 et la décision de rejet de son recours administratif formé contre ce titre ;
3°) de prononcer la décharge de la créance et d'enjoindre à l'Etat de lui restituer la somme de 230,88 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en omettant de répondre à l'intégralité de son argumentation, ainsi qu'à son moyen tiré de l'irrégularité de la notification de l'avis de saisie administrative à tiers détenteur ;
- sa demande dirigée contre la décision du 17 février 2020 est recevable, dès lors que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, cette décision est détachable de la procédure de recouvrement, qu'elle lui fait grief, que sa demande a été précédée d'un recours administratif, qu'elle n'a pas été présentée tardivement, et qu'elle s'analyse comme une opposition à l'exécution du titre de perception émis le 6 mai 2019 ;
- sa demande dirigée contre la décision du 19 février 2020 est recevable, dès lors que cette décision lui fait grief, que sa réclamation contre le titre de perception a été adressée au comptable chargé du recouvrement, et aurait dû, en application de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, être transmise à ce dernier par le rectorat, lequel, en sa qualité d'ordonnateur, est l'autorité compétente pour y répondre, et que sa demande n'a pas été présentée tardivement ;
- les décisions des 17 et 19 février 2020 ont été prises en méconnaissance des dispositions de des articles 6 ter A et 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dès lors que le directeur des ressources humaines du rectorat, eu égard à son comportement à son égard, n'avait aucune légitimité pour lui réclamer la somme de 209,88 euros ;
- compte tenu de l'irrégularité de la tenue de son dossier administratif, et de l'entrave à son droit à la communication de son dossier que constitue l'exigence d'acquitter des frais de reprographie pour en obtenir la copie, cette créance n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2020, la rectrice de l'académie de Reims, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel contient des moyens nouveaux et, par suite, irrecevables ;
- sa demande présentée devant le tribunal est également irrecevable aux motifs qu'elle n'a pas été présentée par un avocat, qu'elle n'est pas dirigée contre des décisions ;
- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 8 avril 2021, l'instruction a été close le 23 avril 2021.
Par lettre du 10 mai 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions de la demande présentée devant le tribunal dirigées contre la décision du directeur départemental des finances publiques de la Marne du 17 février 2020.
Le 17 mai 2021, Mme C... a présenté des observations en réponse à cette information.
Le 28 mai 2021, Mme C... a déposé un mémoire, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'organisation judiciaire ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, président assesseur,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,
- et les observations de Me B... pour Mme C....
Une note en délibéré, présentée par Me A... pour Mme C..., a été enregistrée le 18 juin 2021.
Une note en délibéré, présentée par Mme C..., a été enregistrée le 21 juin 2021.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la consultation de son dossier administratif, le 13 février 2019, Mme C..., alors professeure certifiée de documentation affectée au collège Louis-Pasteur de Suippes, a sollicité la communication de copies de ce dossier. Par un courrier du 28 février 2019, le directeur des ressources humaines du rectorat de l'académie de Reims l'a informée de ce que les frais de reprographie s'élevaient à la somme de 209,88 euros, et l'a invitée à régler cette somme. Faute de règlement, un titre de perception a été émis pour ce montant le 6 mai 2019. Le 17 octobre 2019, la direction départementale des finances publiques de la Marne a émis une saisie administrative à tiers détenteur d'un montant de 230,88 euros correspondant à la somme réclamée, majorée de 10 %, laquelle a été exécutée sur le compte bancaire de Mme C... le 13 janvier 2020. Par des courriers du 15 février 2020, Mme C... a demandé, respectivement, au directeur départemental des finances publiques de la Marne de lui rembourser la somme prélevée sur son compte, et à la rectrice de l'académie de Reims, de la décharger de cette créance. Par des décisions des 17 et 19 février 2020, le directeur départemental des finances publiques de la Marne et la rectrice de l'académie de Reims, respectivement, ont rejeté ces demandes.
2. Mme C... relève appel de l'ordonnance du 13 mai 2020 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
En ce qui concerne la motivation :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance que les conclusions de la demande ont été rejetées, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, comme étant manifestement irrecevables aux motifs, s'agissant de la décision du directeur départemental des finances publiques de la Marne du 17 février 2020, qu'elle n'est pas détachable de la procédure de recouvrement et, s'agissant de la décision de la rectrice de l'académie de Reims du 19 février 2020, que Mme C... n'a pas, à l'encontre du titre de perception du 6 mai 2019, régulièrement formé le recours administratif préalable requis en la matière. Le tribunal, qui n'était nullement tenu de répondre à l'intégralité de l'argumentation développée par la requérante, en particulier pas, eu égard aux motifs qu'il a retenus, de se prononcer sur la computation des délais de recours ou le bien-fondé de la créance, a ainsi motivé de manière suffisamment précise et complète sa décision.
En ce qui concerne le rejet des conclusions de la demande dirigées contre la décision du 17 février 2020 :
5. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire : " Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. (...) ".
6. Par son courrier du 15 février 2020 adressé au directeur départemental des finances publiques de la Marne, Mme C... a contesté la saisie administrative à tiers détenteur émise le 17 octobre 2019 au motif qu'elle ne lui a pas été régulièrement notifiée. Sa contestation ayant ainsi porté sur la régularité en la forme de l'acte litigieux, il résulte des dispositions précitées que son recours contre la décision du 17 février 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de la Marne l'a rejetée relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution. Par suite, en rejetant ce recours comme étant irrecevable, alors qu'il ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, le premier juge a entaché d'irrégularité son ordonnance.
7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, pour la cour, d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle statue sur les conclusions de la demande dirigées contre la décision du 17 février 2020, et, statuant immédiatement par la voie de l'évocation, de rejeter, dans cette même mesure, la demande présentée par Mme C... devant le tribunal comme ne relevant pas de la compétence de la juridiction administrative.
En ce qui concerne le rejet des conclusions de la demande dirigées contre la décision du 19 février 2020 :
8. Aux termes de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 susvisé : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : / 1° Soit d'une contestation portant sur l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité ; / 2° Soit d'une contestation portant sur la régularité du titre de perception. (...) ". Aux termes de l'article 118 de ce décret : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause. / Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. / La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent ".
9. Il résulte de l'instruction que le titre de perception du 6 mai 2019 a été notifié le 25 mai 2019 à Mme C... qui, dès le 29 mai a adressé aux services du rectorat un courrier électronique exposant les raisons pour lesquelles elle ne s'estimait pas redevable de la créance en cause. Si Mme C... fait valoir que ce courrier électronique a également été adressé au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer, la seule mention, sur le document qu'elle présente comme étant la copie de ce courrier, de l'adresse électronique de ce comptable dans la liste de ses destinataires, ne permet pas d'établir que ce dernier l'aurait reçu. Du reste, il n'en a pas accusé réception. Par ailleurs, Mme C... ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration pour soutenir que sa réclamation doit être regardée comme ayant été transmise au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer, dès lors qu'en vertu de l'article L. 114-1 de ce même code, ces dispositions ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents. Enfin, dès lors qu'elle ne porte ni sur l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité, ni sur la régularité du titre de perception, mais se borne à critiquer la régularité en la forme de l'acte distinct que constitue la saisie administrative à tiers détenteur émise le 17 octobre 2019, contre laquelle elle est dirigée, la contestation que Mme C... a adressée au directeur départemental des finances publiques de la Marne le 15 février 2020 ne peut être regardée comme constituant, au sens des articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 précités, une contestation du titre de perception du 6 mai 2019.
10. N'ayant ainsi pas, au préalable, adressé au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer la contestation, portant sur l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité ou sur la régularité du titre de perception, à laquelle les dispositions des articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 précités subordonnent la recevabilité de la saisine de la juridiction compétente, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, pour ce motif, rejeté comme irrecevable la demande présentée directement devant lui.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle statue sur les conclusions de la demande dirigées contre la décision du 19 février 2020, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la décharge de la créance et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui restituer la somme de 230,88 euros, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à verser à Mme C... au titre des frais par elle exposés en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros à verser à l'Etat.
D E C I D E :
Article 1 : L'ordonnance n° 2000835 du tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne du 13 mai 2020 est annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions de la demande dirigées contre la décision du 17 février 2020.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal, en tant qu'elle est dirigée contre la décision du 17 février 2020, est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Mme C... versera à l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques de
Champagne-Ardenne et Marne.
N° 20NC01640 4