Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite par laquelle la rectrice de l'académie de Reims a rejeté sa demande du 14 mars 2018 tendant au retrait de son dossier administratif de la lettre de mise en garde du 18 décembre 2013.
Par un jugement n° 1801509 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 février 2020 et 8 avril 2021, Mme E... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ou, subsidiairement, réformer le jugement n° 1801509 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de retirer la lettre de mise en garde en litige de son dossier administratif individuel ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement, en ce qu'il n'a pas répondu à son moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée tel qu'elle l'a soulevé, et en ce qu'il n'a pas pris en considération l'intégralité de son argumentation au titre de la légalité interne ;
- alors que la décision est au nombre de celles qui doivent être motivées, elle n'a pas, en dépit de sa demande en ce sens, reçu communication de ses motifs ;
- la lettre de mise en garde en litige, qui présente un caractère diffamatoire et porte atteinte à sa réputation professionnelle, s'analyse comme une sanction disciplinaire, repose sur des faits non établis et lui est préjudiciable, ne peut pas légalement figurer dans son dossier individuel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, la rectrice de l'académie de Reims conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 8 avril 2021, l'instruction a été close le 23 avril 2021.
Le 28 mai 2021, Mme D... a déposé un mémoire, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,
- et les observations de Me C... pour Mme D....
Une note en délibéré, présentée par Me A... pour Mme D..., a été enregistrée le 18 juin 2021.
Une note en délibéré, présentée par Mme D..., a été enregistrée le 21 juin 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Le 14 mars 2018, Mme D..., professeure certifiée de documentation, a demandé à la rectrice de l'académie de Reims de procéder au retrait de la pièce n° V-19 de son dossier administratif, consistant en une lettre intitulée " Mise en garde sur votre manière de servir ", que lui avait adressée la rectrice de l'académie d'Orléans le 18 décembre 2013. Mme D... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la rectrice sur sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. En premier lieu, après avoir rappelé, dans les visas de son jugement, que la requérante a soutenu devant lui qu'elle avait vainement sollicité la communication des motifs de la décision implicite de rejet contestée, le tribunal a, au point 2 du jugement, écarté comme inopérant ce moyen tiré du défaut de motivation au motif que cette décision n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Alors que la requérante ne discutait pas, en outre, la qualification de la décision contestée au regard de ces dispositions, et que la solution énoncée privait le défaut de communication de ses motifs de toute incidence sur la légalité de cette décision, le tribunal a ainsi régulièrement motivé sa réponse à ce moyen tel qu'il lui a présenté.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante a soulevé devant le tribunal, au titre de la légalité interne, le caractère illégal de la présence dans son dossier de la lettre en litige au regard des dispositions de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983, compte tenu de son caractère diffamatoire et de son illégalité. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a expressément répondu à ce moyen aux points 4 et 5 de son jugement. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par Mme D... à l'appui de ces moyens, a ainsi régulièrement motivé son jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée :
5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ".
6. La décision par laquelle l'autorité administrative refuse de procéder au retrait d'une pièce du dossier d'un fonctionnaire, y compris lorsque, comme le soutient la requérante, cette pièce constitue une sanction infligée à ce dernier ou une décision prise en considération de sa personne, n'entre dans aucune des catégories, limitativement énumérées par les dispositions précitées, de décisions administratives individuelles défavorables devant être motivées. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée constituerait par elle-même, en l'espèce, une sanction que la rectrice aurait entendu infliger à Mme D....
7. Les dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, dont se prévaut Mme D..., ne s'appliquant qu'aux décisions implicites intervenues dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée, il s'ensuit que l'absence de réponse de la rectrice à sa demande tendant à ce qu'elle lui communique les motifs de la décision implicite contestée est sans incidence sur la légalité de cette dernière.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 :
8. Aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. / Il ne peut être fait état dans le dossier d'un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé. (...) ".
9. Dans sa lettre de mise en garde du 18 décembre 2013, la rectrice relève que deux rapports établis les 26 juin et 16 octobre 2013 par le principal du collège Albert-Camus de Dreux, où était alors affectée Mme D... mettent en évidence un comportement inadapté, de sa part, pour un fonctionnaire d'Etat, consistant en la remise en cause de l'autorité du chef d'établissement, un manquement grave au devoir de réserve et rupture de confidentialité des décisions prises lors d'un jury d'examen. La rectrice rappelle à l'intéressée qu'elle est soumise à l'autorité hiérarchique du chef d'établissement et tenue à un devoir de réserve et de discrétion professionnelle, que son attitude doit demeurer pondérée et ses propos, respectueux. Enfin, elle lui indique que de nouveaux manquements à ses obligations pourraient la conduire à prendre à son encontre des mesures disciplinaires.
10. En premier lieu, aucune des mentions prohibées par les dispositions précitées ne figure dans ce courrier qui, eu égard à son auteur, autorité hiérarchique de l'intéressée, à son objet, la manière de servir de cette dernière, et aux termes dans lesquels il est rédigé, ne revêt aucun caractère diffamatoire.
11. En deuxième lieu, il ressort tant des pièces du dossier, que des propres déclarations de Mme D..., qu'à la suite d'une réunion d'harmonisation des notes d'une épreuve d'oral d'histoire de l'art du brevet des collèges, organisée au sein de l'établissement le 27 mai 2013, elle a divulgué des informations sur cette réunion aux parents d'élèves et à la presse en critiquant ouvertement cette harmonisation, et qu'elle a, en outre, notamment dans des courriers adressés au directeur académique des services l'éducation nationale les 17 et 24 juin 2013 à ce sujet, remis en cause la régularité et l'opportunité des décisions du chef de son établissement. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que les faits relatés dans la lettre de mise en garde sont matériellement inexacts.
12. En troisième lieu, si la lettre de mise en garde comporte une appréciation défavorable sur la manière de servir de Mme D..., elle ne mentionne pas qu'elle sera versée au dossier individuel de l'intéressée. La décision de l'y verser n'ayant ainsi, en
elle-même, le caractère ni d'une sanction disciplinaire, ni d'une mesure prise à l'encontre de Mme D... en considération de sa personne, elle n'avait pas à être précédée de l'exercice par l'intéressée des droits de la défense ou par une procédure contradictoire, ni à être portée à la connaissance de cette dernière. Pour la même raison, Mme D... ne peut pas utilement discuter le bien-fondé de l'appréciation portée par la rectrice sur sa manière de servir.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme D..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
N° 20NC00455 5