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22/06/2021 | FRANCE | N°20NC00143

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 22 juin 2021, 20NC00143


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 mars 2018 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle l'a suspendu de ses fonctions, d'autre part, l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel cette même autorité a prononcé, à titre de sanction disciplinaire, la résiliation de son contrat d'engagement de sapeur-pompier volontaire.

Par un jugement n° 1805032, 1807368 du 19 nov

embre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l'annulation parti...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 mars 2018 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle l'a suspendu de ses fonctions, d'autre part, l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel cette même autorité a prononcé, à titre de sanction disciplinaire, la résiliation de son contrat d'engagement de sapeur-pompier volontaire.

Par un jugement n° 1805032, 1807368 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l'annulation partielle de l'arrêté du 22 mars 2018 en tant que la durée de suspension a excédé le délai de quatre mois et l'annulation totale de l'arrêté du 26 octobre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représentée par Me B..., doit être regardé demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1805032, 1807368 du tribunal administratif de Strasbourg du 19 novembre 2019 en tant qu'il a prononcé respectivement l'annulation partielle et totale des arrêtés du 22 mars et du 26 octobre 2018 et qu'il lui a fait injonction de reconstituer sa carrière du 20 juin au 30 juillet 2018, de le réintégrer dans l'ensemble de ses fonctions à la date de " la décision attaquée " et d'en tirer toutes les conséquences de droit ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. D... A... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que, en méconnaissance des articles R. 741-7 et R. 751-2 du code de justice administrative, il ne comporte aucune signature et que son expédition n'a pas été signée et délivrée par le greffier en chef ;

- l'arrêté du 22 mars 2018, qui suspend M. A... du 29 mars au 29 juillet 2018, n'a pas méconnu le délai de quatre mois prévu à l'article R. 723-39 du code de la sécurité intérieure ;

- contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, M. A... n'a fait l'objet d'aucune mise à pied irrégulière entre le 19 février et le 29 mars 2018 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 26 octobre 2018 prononçant, à titre de sanction disciplinaire, la résiliation du contrat d'engagement de sapeur-pompier volontaire de M. A... ;

- les faits reprochés à l'intéressé sont établis et suffisamment graves pour justifier la mesure litigieuse ;

- c'est à tort que les premiers juges l'ont enjoint à reconstituer la carrière de M. A... du 20 juin au 30 juillet, période au cours de laquelle il a été illégalement suspendu, à le réintégrer dans ses fonctions à compter de la date de la " décision attaquée " et à en tirer toutes les conséquences de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2020, M. D... A..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle aux " entiers frais et dépens " et à la mise à sa charge de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers ;

- le décret 2013-412 du 17 mai 2013 relatif aux sapeurs-pompiers volontaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,

- et les observations de Me B... pour le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et de Me E... pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Titulaire du grade de sergent-chef, M. D... A... a été engagé, à compter du 1er août 2003, en qualité de sapeur-pompier volontaire par le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle. D'abord affecté au centre d'incendie et de secours de Courcelles-Chaussy, il exerce ses fonctions, depuis le 1er mars 2007, au sein du centre d'incendie et de secours de Montigny-lès-Metz. Lui reprochant, lors d'une intervention effectuée dans la nuit du 20 novembre 2017, d'avoir filmé au moyen de lunettes connectées une personne en arrêt cardio-respiratoire et d'avoir ainsi manqué gravement aux devoirs de la charte nationale du sapeur-pompier volontaire, annexée au code de la sécurité intérieure, en portant notamment atteinte aux droits de la victime, à son devoir de discrétion et de réserve et à l'image du service, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, par deux arrêtés des 22 mars et 26 octobre 2018, a décidé successivement de suspendre M. A... pour une durée de quatre mois à titre conservatoire, puis de résilier son contrat d'engagement de sapeur-pompier volontaire à titre de sanction disciplinaire. A la suite du rejet le 14 juin 2018 du recours gracieux formé le 28 avril 2018, M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg de deux demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 22 mars et 26 octobre 2018. Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle relève appel du jugement n° 1805032, 1807368 du 19 novembre 2019, qui prononce respectivement l'annulation partielle et totale des arrêtés des 22 mars et 26 octobre 2018 et lui fait injonction de reconstituer la carrière du défendeur du 20 juin au 30 juillet 2018 et de le réintégrer dans ses fonctions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Aux termes de l'article R. 751-2 du même code : " Les expéditions des décisions sont signées et délivrées par le greffier en chef ou, au Conseil d'Etat, par le secrétaire du contentieux. ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement de première instance contesté a été signée par la présidente de la formation de jugement, par la rapporteure et par le greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation de ce jugement, qui a été notifiée à la partie appelante, ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de celui-ci. D'autre part, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle ne saurait utilement soutenir que l'expédition du jugement adressée aux parties ne comporte pas la signature du greffier en chef. Les irrégularités affectant la notification d'un jugement, si elles sont susceptibles d'empêcher le délai d'appel de courir, ne sont pas de nature à en affecter la régularité. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement de première instance ne peuvent qu'être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté du 22 mars 2018 :

4. Aux termes de l'article R. 723-39 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité de gestion peut suspendre de ses fonctions le sapeur-pompier volontaire auteur d'une faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations de sapeur-pompier volontaire ou d'une infraction de droit commun. Elle doit saisir sans délai le conseil de discipline départemental mentionné à l'article R. 723-77. La suspension cesse de plein droit lorsque la décision disciplinaire a été rendue. La durée de cette suspension ne peut excéder quatre mois. / Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité de gestion, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. ".

5. La suspension d'un sapeur-pompier volontaire, sur la base de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. Eu égard à la nature de l'acte de suspension prévu par les dispositions de l'article R. 723-39 du code de la sécurité intérieure et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu'ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l'acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d'un recours en excès de pouvoir contre cet acte. L'administration est, en revanche, tenue d'abroger la décision en cause si de tels éléments font apparaître que la condition tenant à la vraisemblance des faits à l'origine de la mesure n'est plus satisfaite.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 22 mars 2018 a suspendu M. A... pour une durée de quatre mois du 29 mars 2018, date à laquelle la mesure litigieuse lui a été notifiée par voie administrative, au 29 juillet 2018 et que celui-ci a été rétabli dans ses fonctions le 30 juillet 2018 en l'absence de décision disciplinaire prise au cours de cette période par l'autorité de gestion. S'il est vrai que le défendeur, après avoir été entendu individuellement par sa hiérarchie le 19 février 2018 sur les circonstances de l'intervention du 20 novembre 2017, a été contraint de restituer son récepteur de radiomessagerie et que son nom n'apparaît plus, à compter de cette date, sur les plannings de garde, le document versé aux débats portant, en ce qui le concerne, la mention " suspendu ", ces seuls éléments ne suffisent pas à établir que l'intéressé aurait fait l'objet d'une mise à pied ou d'une suspension anticipée. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressé avait interdiction de retourner à sa caserne afin notamment d'y suivre ou d'y assurer des actions de formation ou encore d'y accomplir toute tâche administrative entrant dans les attributions d'un sapeur-pompier de son grade. Par suite, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg, a annulé partiellement l'arrêté du 22 mars 2018 en tant qu'il a méconnu le délai de suspension de quatre mois prévu à l'article R. 723-39 du code de la sécurité intérieure.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'encontre de l'arrêté du 22 mars 2018.

8. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. A... ne saurait utilement soutenir qu'il aurait fait l'objet, à compter du 19 février 2018, d'une mise à pied irrégulière. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

9. En deuxième lieu, contrairement aux allégations de l'intéressé, aucun texte législatif ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n'enferment l'exercice du pouvoir disciplinaire dans un délai déterminé, ni ne font obligation à l'autorité administrative compétente d'initier une telle action avant l'expiration de la mesure de suspension. Par suite, et alors même que le conseil de discipline départemental des sapeurs-pompiers volontaires, qui s'est réuni le 19 octobre 2018 pour émettre un avis sur la sanction envisagée par l'autorité de gestion, n'a été saisi que le 2 octobre 2018, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige du 22 mars 2018 serait entaché d'un vice de procédure au motif que, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 723-39 du code de la sécurité intérieure, cette instance n'aurait pas été saisie " sans délai ".

10. En troisième lieu, la mesure de suspension litigieuse, prise à titre conservatoire et dans l'intérêt du service, ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'avait donc pas à être précédée des garanties que confère la procédure disciplinaire. Dans ces conditions, M. A... ne saurait utilement se plaindre des conditions dans lesquelles se sont déroulés, le 19 février 2018, son entretien individuel et celui de ses deux coéquipiers, également présents sur les lieux lors de l'intervention du 20 novembre 2017, ni faire valoir que la communication de son dossier individuel a été tardive, incomplète et falsifiée. Par suite, ces différents moyens doivent être écartés comme inopérants.

11. En quatrième lieu, pour justifier le prononcé, à l'encontre de M. A..., d'une suspension d'engagement de quatre mois, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle s'est fondé principalement sur un courrier daté du 26 janvier 2018, adressé par le chef du service des urgences du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, dénonçant le comportement inapproprié d'un des sapeurs-pompiers présents lors de l'intervention du 20 novembre 2017, qui se serait permis de filmer l'intubation de la victime en arrêt cardio-respiratoire au moyen de lunettes connectées et aurait rétorqué au médecin urgentiste, qui lui faisait une remarque sur son attitude, que " le fait de filmer faisait partie de sa formation ". Il s'est également appuyé sur un compte rendu du 19 février 2018 dans lequel un officier du corps des sapeurs-pompiers atteste que M. A... lui aurait avoué, de manière informelle, avoir filmé à des fins pédagogiques un médecin urgentiste confronté à une situation délicate. En outre, s'il est vrai que les deux coéquipiers de M. A..., présents sur les lieux le 20 novembre 2018, ont initialement déclaré le 2 février 2018 qu'il n'avait en aucun cas filmé ou photographié l'intervention, ils ont concédé, à l'issue de leur entretien individuel du 19 février 2018, ne pas savoir ou ne pas avoir vu si l'intéressé avait fait ou non usage de ses lunettes connectées. Dans ces conditions, alors que le défendeur ne conteste pas avoir porté de telles lunettes, les faits reprochés présentaient, eu égard aux éléments dont disposait l'administration à la date de l'arrêté du 22 mars 2018, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier la mesure de suspension litigieuse. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur d'appréciation.

12. En cinquième lieu, alors même qu'aucune procédure pénale ou disciplinaire n'a été engagée à son encontre au cours de la période de quatre mois, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la suspension de quatre mois, dont il a fait l'objet, était disproportionnée. Par suite, son moyen doit être écarté.

13. En sixième et dernier lieu, contrairement aux allégations de l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 22 mars 2018 présente le caractère d'une sanction déguisée ou a été pris pour des raisons étrangères à l'intérêt du service, dans le seul but de lui nuire. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'étant pas établi, le moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne l'arrêté du 26 octobre 2018 :

14. D'une part, aux termes de l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure : " L'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres. ". Aux termes de l'article L. 723-8 du même code : " L'engagement du sapeur-pompier volontaire est régi par le présent livre ainsi que par la loi n°96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers. / Ni le code du travail ni le statut de la fonction publique ne lui sont applicables, sauf dispositions législatives contraires (...). ". Aux termes de l'article L. 723-10 du code de la sécurité intérieure : " Une charte nationale du sapeur-pompier volontaire, élaborée en concertation notamment avec les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, est approuvée par voie réglementaire. / Elle rappelle les valeurs du volontariat et détermine les droits et les devoirs des sapeurs-pompiers volontaires. (...) Elle est signée par le sapeur-pompier volontaire lors de son premier engagement. ". Aux termes de l'article D. 723-8 du même code : " La charte nationale du sapeur-pompier volontaire prévue à l'article L. 723-10 constitue l'annexe 3. / Le sapeur-pompier volontaire signe la charte devant l'autorité de gestion dont il relève. ". Aux termes de la charte nationale du sapeur-pompier volontaire, approuvée par le décret n° 2012-1132 du 5 octobre 2012 et constituant l'annexe 3 du code de la sécurité intérieure : " (...) / La charte nationale du sapeur-pompier volontaire a pour objet de rappeler les valeurs du volontariat et de déterminer les droits et les devoirs du sapeur-pompier volontaire. (...) / Lors de son premier engagement, cette charte est signée par le sapeur-pompier volontaire. / Toute personne, qu'elle soit ou non en activité et quelle que soit son activité professionnelle, peut devenir sapeur-pompier volontaire, sous réserve de satisfaire aux conditions d'engagement : / (...) / En tant que sapeur-pompier volontaire, j'oeuvrerai collectivement avec courage et dévouement. / En tant que sapeur-pompier volontaire, je respecterai toutes les victimes dans leur diversité ; je serai particulièrement attentionné face à leur détresse et j'agirai avec le même engagement, la même motivation et le même dévouement. / En tant que sapeur-pompier volontaire, je ferai preuve de discrétion et de réserve dans le cadre du service et en dehors du service. Je respecterai une parfaite neutralité pendant mon service et j'agirai toujours et partout avec la plus grande honnêteté. / En tant que sapeur-pompier volontaire, je m'attacherai à l'extérieur de mon service à avoir un comportement respectueux de l'image des sapeurs-pompiers. / (...) ".

15. D'autre part, aux termes de l'article R. 723-40 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité de gestion peut, après avis du conseil de discipline départemental, prononcer contre tout sapeur-pompier volontaire : 1° L'exclusion temporaire de fonctions pour six mois au maximum ; 2° La rétrogradation ; 3° La résiliation de l'engagement. ".

16. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un sapeur-pompier volontaire ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

17. Il ressort des pièces du dossier que, à la suite de l'avis favorable du 19 octobre 2018, rendu par le conseil de discipline départemental des sapeurs-pompiers volontaires de la Moselle à l'unanimité de ses membres, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a, par l'arrêté en litige du 26 octobre 2018, prononcé la résiliation du contrat d'engagement de M. A... pour avoir, lors de l'intervention du 20 novembre 207, filmé au moyen de lunettes connectées une victime en arrêt cardio-respiratoire, qui devait décéder malgré l'intubation pratiquée par le médecin urgentiste. Si le défendeur ne conteste pas avoir porté de telles lunettes le 20 novembre 2017, il réfute fermement en avoir fait usage pour filmer ou photographier cette intervention. Il affirme avoir indiqué au médecin urgentiste s'en servir comme lunettes de vue ou, éventuellement, comme " GPS ", ainsi que pour filmer à des fins pédagogiques les exercices d'entraînement.

18. Pour justifier la matérialité des faits ainsi reprochés à M. A..., l'administration se prévaut du courrier du chef du service des urgences du centre hospitalier régional de Metz-Thionville du 26 janvier 2018 et du compte rendu d'un supérieur de l'intéressé du 19 février 2018. Toutefois, ces deux documents ne constituent que des témoignages indirects, postérieurs aux faits litigieux, assez peu circonstanciés et, pour le second, entachés d'une inexactitude matérielle. En outre, si les plaintes de M. A... pour dénonciation mensongère et harcèlement moral ont été classées sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée le 21 mars 2019, le médecin urgentiste à l'origine de sa mise en cause a admis, lors de son audition par les services de police de Metz du 2 août 2018, ne pas être en mesure de certifier si les lunettes connectées filmaient ou pas. De même, les deux coéquipiers de l'intéressé, auditionnés les 19 et 20 juillet 2018, ont confirmé leurs déclarations initiales du 2 février 2018 dans lesquelles ils avaient affirmé que M. A... n'avait en aucun cas filmé ou photographié l'intervention, l'un d'entre eux précisant alors qu'il était resté en permanence auprès de lui et que, ayant déjà utilisé ces lunettes lors d'exercices d'entraînement, il savait qu'une lumière apparaît sur la branche lorsqu'elles fonctionnent. Par suite, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que les faits reprochés à M. A... étaient suffisamment établis par les éléments du dossier.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant est seulement fondé à demander l'annulation du jugement de première instance en tant qu'il a prononcé l'annulation partielle de l'arrêté du 22 mars 2018 et lui a fait injonction de reconstituer la carrière de M. A... pour la période allant du 20 juin au 30 juillet 2018. Par voie de conséquence, il est également fondé à solliciter le rejet de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'elle est dirigée contre l'arrêté du 22 mars 2018.

Sur les dépens :

20. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par M. A... en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de justice :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées le requérant en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1805032 et 1807368 du tribunal administratif de Strasbourg du 19 novembre 2019 est annulé uniquement en tant qu'il prononce l'annulation partielle de l'arrêté du 22 mars 2018 et qu'il fait injonction au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle de reconstituer la carrière de M. A... du 20 juin au 30 juillet 2018.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg contre l'arrêté du 22 mars 2018 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et à M. D... A....

N° 20NC00143 8


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure - Conseil de discipline.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : PONSEELE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 22/06/2021
Date de l'import : 29/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NC00143
Numéro NOR : CETATEXT000043699132 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-22;20nc00143 ?
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