Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté daté du 19 janvier 2016 par lequel le maire de la commune de Bouzonville a procédé à sa nomination sur un nouveau poste à compter du 1er février 2017.
Par un jugement no 1701507 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et enjoint au maire de la commune de Bouzonville de réintégrer M. A... au sein du service technique municipal et de l'urbanisme et de l'affecter sur un poste compatible avec les missions qu'un agent de maîtrise principal a vocation à exercer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2019 et le 21 novembre 2020, la commune de Bouzonville, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2019 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont admis la recevabilité de la demande de M. A... dès lors que la mesure contestée constitue une mesure d'ordre intérieur ;
- les premiers juges n'ont pas tenu compte des nécessités de service qui ont conduit au changement d'affectation de M. A... tout en tenant compte de ses intérêts ; l'intéressé a occupé sans difficulté son nouveau poste ;
- la réintégration ordonnée par les premiers juges est impossible compte tenu de la suppression envisagée de son poste et à tout le moins de sa modification.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 août 2020, le 8 octobre 2020, le 23 octobre 2020 et le 24 décembre 2020, M. C... A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête de la commune de Bouzonville et demande qu'il soit ordonné à cette dernière de le rétablir dans l'ensemble de ses avantages antérieurs, notamment sa rémunération, avec la liquidation des rappels correspondants, et que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Bouzonville en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le changement d'affectation prononcé d'office par le maire lui fait grief dès lors qu'il modifie ses attributions et entraîne une perte de rémunération ;
- la mutation d'office s'analyse en fait comme une sanction disciplinaire sans les garanties correspondantes ou une mesure prise en considération de la personne ;
- il a été muté d'un poste relevant d'un cadre " administratif " à un poste relevant d'un cadre " technique " ;
- il n'est pas établi que son précédent poste a été supprimé ;
- la prise de poste ne vaut pas acceptation de sa nouvelle affectation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n°88-547 du 6 mai 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,
- et les observations de M. A....
1. M. A..., agent de maîtrise principal, a été recruté par la commune de Bouzonville sur un poste de dessinateur, le 1er mars 1990, et affecté, depuis cette date, au sein du service technique municipal et de l'urbanisme. A la suite d'une réorganisation des services municipaux et du redéploiement des effectifs, le maire de la commune l'a affecté sur un poste de " contrôleur de maintenance et d'exploitation du complexe sportif et culturel ", à compter du 1er février 2017, par un arrêté devant être regardé comme ayant été pris le 19 janvier 2017. La commune de Bouzonville demande à la cour d'annuler le jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et enjoint au maire de la commune de Bouzonville de réintégrer M. A... au sein du service technique municipal et de l'urbanisme et de l'affecter sur un poste compatible avec les missions que les agents de maîtrise principal ont vocation à exercer.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération.
3. Il ressort de la comparaison des fiches de poste que le nouveau poste de " contrôleur de maintenance et d'exploitation du complexe sportif et culturel " sur lequel M. A... a été affecté à compter du 1er février 2017 entraîne une perte de responsabilités techniques et ne correspond pas, eu égard à la nature des tâches qui lui sont attribuées, à ceux que son grade d'agent de maîtrise principal lui donne vocation à occuper, portant ainsi atteinte à l'une des garanties fondamentales des fonctionnaires selon laquelle ils ont le droit de recevoir une affectation conforme à leur grade. En outre, il est constant que ce changement d'affectation a entraîné la suppression de la nouvelle bonification indiciaire que percevait l'intéressé sur son précédent poste. Enfin, il n'est pas contesté que M. A... est désormais soumis à des gardes et des astreintes qui modifient ses conditions de travail. Ainsi, quand bien même le changement affectation, qui s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation des services, aurait été pris dans l'intérêt du service, la commune de Bouzonville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision attaquée ne constituerait pas une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.
4. En second lieu, aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le grade est distinct de l'emploi. /Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent. (...) ".aux termes de l'article 3 de ce même décret, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Les agents de maîtrise principaux sont chargés de missions et de travaux techniques nécessitant une expérience professionnelle confirmée et comportant notamment : / 1° La surveillance et l'exécution suivant les règles de l'art de travaux confiés à des entrepreneurs ou exécutés en régie ; / 2° L'encadrement de plusieurs agents de maîtrise ou de fonctionnaires appartenant aux cadres d'emplois techniques de catégorie C ; ils participent, le cas échéant, à l'exécution du travail, y compris dans les domaines du dessin et du maquettisme ; / 3° La direction des activités d'un atelier, d'un ou de plusieurs chantiers et la réalisation de l'exécution de travaux qui nécessitent une pratique et une dextérité toutes particulières ". Il résulte de ces dispositions que sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche de poste de " contrôleur de maintenance et d'exploitation du complexe sportif et culturel ", que le poste sur lequel M. A... a été affecté au 1er février 2017 consiste à accueillir et orienter les usagers du service, à nettoyer les locaux, à participer à l'entretien des espaces verts attenants au complexe, à préparer et participer à la manutention de mobilier, à superviser les petits travaux de maintenance, à gérer les accès du complexe sportif, surveiller les installations et ponctuellement assurer des tâches de gardiennage des manifestations qui se déroulent dans le complexe sportif. Ces missions, qui ne nécessitent aucune expérience professionnelle confirmée et qui n'impliquent ni un encadrement, ni un savoir-faire particulier, ne relèvent pas de celles qui incombent à un agent de maîtrise principal, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif.
6. En admettant même que cette décision de changement d'affectation, consécutive à une réorganisation et à un redéploiement des effectifs, puisse être regardée comme motivée par l'intérêt du service, il n'en demeure pas moins que M. A... devait être affecté sur un emploi conforme à son grade. Par ailleurs, la commune de Bouzonville ne saurait utilement se prévaloir de l'occupation effective par M. A... de son nouveau poste, dès lors qu'il était tenu de prendre le poste sur lequel il a été affecté, même s'il estimait qu'il ne correspondait pas à ceux que son grade lui donne vocation à occuper.
7. Enfin, la modification du contenu de la fiche de poste de M. A... est sans incidence sur la légalité de la décision en litige, dès lors qu'elle est intervenue postérieurement au changement d'affectation en litige. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'essentielle des missions dévolues à l'intéressé correspondraient davantage à celles qu'un agent de maîtrise principal a vocation à exercer.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bouzonville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 19 janvier 2017.
Sur les conclusions d'appel incident de M. A... :
9. M. A... demande à la cour d'enjoindre à la commune de Bouzonville de le rétablir dans l'ensemble de ses avantages antérieurs, notamment sa rémunération avec la liquidation des rappels correspondants. Toutefois, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a déjà enjoint à la commune de réintégrer l'intéressé au sein du service technique municipal et de l'urbanisme et de l'affecter sur un poste compatible avec les missions qu'un agent de maîtrise principal a vocation à exercer. L'exécution de ce jugement, confirmé par le présent arrêt, n'implique aucune autre mesure d'exécution que celles déjà prononcées par le tribunal. Par suite et en tout état de cause, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les dépens et les frais liés à l'instance :
10. D'une part, la présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées par la commune de Bouzonville sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
11. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Bouzonville demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Bouzonville une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Bouzonville est rejetée.
Article 2 : La commune de Bouzonville versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune de Bouzonville.
N° 19NC02522 5