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03/06/2021 | FRANCE | N°20NC02420

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 juin 2021, 20NC02420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et lui délivrer dans cette attente une autori

sation provisoire de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2002267 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02420 le 19 août 2020, Mme A... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 28 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour et, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les conséquences d'une absence de prise en charge médicale de son fils, qui souffre d'autisme et de déficience intellectuelle et bénéficie d'un suivi médical pluridisciplinaire en France ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant : au Congo, les enfants atteints de troubles psychiques sont accusés de sorcellerie, stigmatisés et exclus de la société ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :

- elles sont illégale par la voie de l'exception en raison de l'illégalité du refus de titre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., de nationalité congolaise, est entrée en France le 2 novembre 2017 selon ses déclarations, accompagnée de son fils mineur B..., pour y solliciter le statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 23 juillet 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 août 2019. Mme D... a alors sollicité, le 16 avril 2019, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de l'état de santé de son fils B.... Le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 28 janvier 2020, refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... fait appel du jugement du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jeune B... souffre d'autisme et de déficience intellectuelle, pour lesquels il bénéficie d'un suivi au sein du service de pédopsychiatrie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, ainsi que d'une prise en charge orthophonique et kinésithérapique. Pour refuser à Mme D... le titre de séjour qu'elle avait sollicité en se prévalant de l'état de santé de son fils, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé notamment sur un avis émis le 4 septembre 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que l'état de santé de l'enfant nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'enfant pouvait voyager sans risque. Les pièces produites par la requérante, notamment les certificats médicaux établis les 30 octobre 2018 et 8 février 2020 par le Dr Kleinklaus, ainsi que les certificats médicaux établis le 27 août 2018 par le Dr Saint Martin et le 20 février 2020 par le Dr Gras Vincendon, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Bas-Rhin. Dès lors, la requérante ne peut utilement soutenir qu'il n'existe pas, dans son pays d'origine, de traitement permettant de guérir complètement les troubles dont souffre son fils. Par suite, et nonobstant la circonstance que Mme D... bénéficie de l'allocation d'éducation d'un enfant handicapé, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leurs missions doivent être écartés. Eu égard aux circonstances qui viennent d'être analysées, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas bénéficier l'intéressée de son pouvoir de régularisation.

4. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Ainsi qu'il a été dit plus haut, les pièces produites par la requérante ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Bas-Rhin au vu de l'avis émis le 4 septembre 2019 par le collège des médecins de l'OFII. En outre, si la requérante affirme que les enfants atteints de troubles psychiques sont accusés de sorcellerie, stigmatisés et exclus de la société au Congo, elle ne l'établit pas par la seule production d'un rapport de l'OFPRA datant de 2015. Enfin, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme D... de son fils, lequel a vécu au Congo jusqu'à ses 6 ans. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée ci-dessus doit par suite être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 28 janvier 2020. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour et, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme D... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 20NC02420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02420
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-03;20nc02420 ?
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