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01/06/2021 | FRANCE | N°20NC02704

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 juin 2021, 20NC02704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé de son expulsion du territoire français, et l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel il a décidé de sa reconduite à destination de la Pologne.

Par une ordonnance n° 2005062 du 20 août 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi

strée le 15 septembre 2020, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé de son expulsion du territoire français, et l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel il a décidé de sa reconduite à destination de la Pologne.

Par une ordonnance n° 2005062 du 20 août 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2020, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2005062 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 août 2020 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté comme tardive sa demande présentée le 14 août 2020, alors que, en application de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les motifs de l'arrêté d'expulsion pris le 9 juillet 2010 devaient faire l'objet d'un réexamen le 9 juillet 2020 et, qu'en l'absence de décision explicite, une décision implicite de maintien de cet arrêté est née le 9 septembre 2020 ;

- le tribunal ne l'a pas invité à justifier de la recevabilité de sa demande ;

- le tribunal n'a pas vérifié les conditions dans lesquelles l'arrêté du 9 juillet 2010 lui a été notifié, et l'arrêté du 20 mai 2019 ne lui a pas été régulièrement notifié, dès lors qu'il l'a été en langue française, qu'il ne maîtrise pas, et sans l'assistance d'un interprète ;

- l'arrêté du 9 juillet 2010 a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'aucun bulletin de notification ne lui a été remis au préalable ;

- la mise à exécution de cet arrêté, neuf années après son édiction, n'a fait l'objet d'aucun examen préalable de sa situation personnelle et professionnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Haut-Rhin, qui n'a pas déposé de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel de l'ordonnance du 20 août 2020 par laquelle la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable du fait de sa tardiveté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé de l'expulser du territoire français, et de l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le même préfet a décidé qu'il sera reconduit à destination de la Pologne.

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". L'article R. 421-5 du même code dispose : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Enfin, aux termes de l'article R. 612-1 de ce code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. (...) ". Et aux termes de l'article L. 524-2 de ce code, alors applicable : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. / A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission prévue à l'article L. 522-1 ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 juillet 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé d'expulser du territoire français M. B..., ressortissant polonais, en raison de nombreuses infractions pour lesquelles il a été condamné à de multiples reprises entre 1995 et 2008, a été notifié à l'intéressé le 3 août 2010. Cette notification, que ce dernier a signée, comporte la mention des voies et délais de recours. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait été effectuée de manière irrégulière. Les délais de recours contre cette décision du 9 juillet 2010 étaient ainsi opposables à M. B... et largement expirés à la date d'introduction de sa demande, le 14 août 2020.

5. Par ailleurs, l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé que M. B... sera reconduit à destination de la Pologne mentionne qu'après avoir été expulsé de France à plusieurs reprises, en dernier lieu le 7 août 2016, l'intéressé y est entré de manière irrégulière une nouvelle fois à une date indéterminée et que, depuis la notification de l'arrêté du 9 juillet 2010, il a commis de nouveaux délits pour lesquels il a été condamné. En outre, le préfet se prononce sur le droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale en France. Il résulte de ces mentions que le préfet ne s'est pas borné à fixer le pays à destination duquel M. B... doit être expulsé, mais a procédé au réexamen des motifs de son arrêté du 9 juillet 2010. Compte tenu du délai écoulé depuis cet arrêté et des circonstances de fait intervenues dans l'intervalle et relevées par le préfet, une nouvelle décision d'expulsion est issue de ce réexamen. De l'intervention de cette nouvelle décision résulte, de manière implicite mais nécessaire, l'abrogation de la précédente.

6. Par conséquent, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en vertu du mécanisme de réexamen quinquennal automatique prévu par l'article L. 524-2 précité, une décision implicite de refus d'abrogation de l'arrêté du 9 juillet 2010 serait née le 9 septembre 2020. Au surplus, cette décision implicite, qu'il n'a pas contestée, n'aurait pas pu avoir pour effet de rendre recevables ses conclusions dirigées contre la décision du 9 juillet 2010.

7. Si la demande présentée par M. B... devant le tribunal peut être regardée comme étant dirigée également contre la décision d'expulsion contenue dans l'arrêté du 20 mai 2019, il ressort des pièces du dossier que ce dernier lui a été notifié le 20 mai 2019. Cette notification, que l'intéressé a signée, comporte la mention des voies et délais de recours. M. B... ne peut pas sérieusement soutenir que cette notification, rédigée en langue française, est irrégulière au motif qu'il ne maîtrise pas cette langue et ne sait pas la lire, alors que la demande dont il a saisi le tribunal est rédigée dans cette langue et écrite de sa main. Les délais de recours contre la décision d'expulsion et la décision fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 20 mai 2019 étaient ainsi opposables à M. B... et largement expirés à la date d'introduction de sa demande, le 14 août 2020.

8. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. B... était manifestement irrecevable du fait de sa tardiveté. Cette irrecevabilité n'étant, par définition, pas susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, le tribunal n'était nullement tenu d'inviter l'intéressé à la régulariser. Par suite, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg n'a commis aucune irrégularité en se fondant sur les dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative précité pour rejeter comme irrecevable la demande de M. B....

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. B..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. D... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 20NC02704 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02704
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : MARTIN-KEUSCH - LUTTENAUER AURORE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-01;20nc02704 ?
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