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06/05/2021 | FRANCE | N°20NC01094

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 mai 2021, 20NC01094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juin 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement numéro 1905668 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une

requête, enregistrée le 12 mai 2020, Mme D..., représentée par Me B... demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juin 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement numéro 1905668 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2020, Mme D..., représentée par Me B... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2019 ;

3°) de faire injonction au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour : méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation personnelle ; viole l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire : est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; viole l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi : viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; viole l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 août 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'ordonnance n°2020-1402 et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née le 16 janvier 1988, de nationalité algérienne, est entrée en France munie d'un visa de court séjour le 15 décembre 2012. L'intéressée a sollicité le 23 avril 2019 son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale, et, subsidiairement, de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 21 juin 2019, le préfet du Haut-Rhin l'a refusée au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Aux termes des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. Il ressort d'une part des pièces du dossier que la requérante est entrée régulièrement le 15 décembre 2012 à l'âge de 24 ans en France, accompagnée de son ex-mari, dont elle a divorcé le 6 décembre 2012 alors qu'elle résidait encore en Algérie. Le couple s'est reformé en France, où il a eu deux enfants en 2013 et 2015, avant de se séparer de nouveau peu après la naissance du second enfant. Elle n'a sollicité son admission au séjour que sept années après son arrivée en faisant valoir sa durée de présence continue sur le territoire, la scolarisation de ses enfants et l'implication de leur père pour leur entretien et leur éducation. Toutefois et d'une part, elle ne saurait utilement se prévaloir de ses sept ans de présence en France, dès lors qu'elles n'ont été rendues possibles que par son maintien continu en situation irrégulière à l'expiration de son visa. Par ailleurs, et malgré la durée significative de son séjour, la requérante ne produit aucun élément attestant de sa propre insertion en France tant sur un plan privé que professionnel. A cet égard, la production d'une unique attestation de suivi de cours de français entre octobre 2018 et février 2019 et d'une promesse d'embauche pour un emploi de boulangère, dont la teneur ne saurait toutefois lui conférer aucun caractère probant, n'est pas suffisante pour établir qu'elle a déplacé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, alors qu'elle n'est pas dépourvue de toutes attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et frères et soeurs. Enfin, la circonstance que les enfants mineurs de la requérante soient nés et scolarisés en France n'est pas davantage de nature à lui conférer à un droit au séjour autonome au titre de la vie privée et familiale. Dès lors, eu égard aux conditions de son séjour en France, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet, en prenant à son encontre la décision attaquée, a porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale et partant, qu'il a méconnu les stipulations des articles 6-5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

4. D'autre part, la requérante, divorcée du père de ses enfants, fait valoir la circonstance que ces derniers, âgés de 6 et 3 ans et dont elle a la garde, sont nés et scolarisés en France, que leur père serait impliqué dans leur vie et qu'un renvoi en Algérie affecterait grandement leur équilibre en ce qu'il les séparerait de l'un de leur parent. Toutefois, ni les attestations de témoins produites, rédigées dans des termes convenus et peu circonstanciés, ni le courrier rédigé par le père qui soutient les chercher régulièrement à l'école et donner de l'argent en espèce à la requérante afin de subvenir à leurs besoins ne sont de natures à établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation des enfants. Au demeurant, il y a lieu de relever que les enfants vivent déjà séparés de leur père en France, que ce dernier s'est remarié après la naissance de son fils en 2015 avec une ressortissante française et dont il a depuis divorcé. Enfin, il n'est pas établi ni allégué que les enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité, eu égard à leur jeune âge, en Algérie, pays dont ils ont la nationalité, ni que leur père, également de nationalité algérienne, ne pourrait leur rendre visite. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de son recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire.

6. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 3 et dès lors que la requérante n'établit pas avoir déplacé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale au sens des stipulations des articles 6-5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 4, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou qu'elle repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Eu égard à ce qui a été dit aux points ci-dessus et alors que la requérante se borne à soutenir sans autres développements que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant, elle n'est pas fondée à soutenir que les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N°20NC01094 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01094
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-06;20nc01094 ?
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