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06/05/2021 | FRANCE | N°19NC03771

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 mai 2021, 19NC03771


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Heco B... consulting a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes, ainsi que des cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de sa présidente, Mme B... au titre des mêmes

années.

Par un jugement n° 1706133 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Heco B... consulting a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes, ainsi que des cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de sa présidente, Mme B... au titre des mêmes années.

Par un jugement n° 1706133 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé irrecevables les conclusions tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu notifiées à Mme B... et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces enregistrés les 30 décembre 2019, 23, 28 et 29 septembre 2020, la SASU Heco B... consulting, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 octobre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes, ainsi que des cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de sa présidente, Mme B... au titre des mêmes années ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contestant avoir tacitement accepté les redressements, la charge de la preuve ne lui incombe pas ;

- la vérification de comptabilité a excédé le délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; si la comptabilité de la société devait être regardée comme non probante, en application de l'instruction 13 L 10-08 du 18 décembre 2008 reprise au BOI-CF-PGR-20-30 n°140 du 4 février 2015, le vérificateur devait l'aviser de la prolongation des opérations de contrôle ;

- elle a régulièrement produit des observations dans le délai de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; le défaut de prise en compte par l'administration entache d'irrégularité la procédure ;

- le vérificateur ayant procédé à des traitements informatiques de sa comptabilité, en application du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, elle n'a jamais été informée par écrit de la nature de ces investigations, entachant d'irrégularité la procédure ;

- elle n'a été informée ni de la teneur des documents sur lesquels l'administration s'est fondée ni de la possibilité d'en demander la communication en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- la TVA relative à la facture Pennarun doit être déduite, ces charges ayant contribué à sa promotion ; il en sera de même pour l'impôt sur les sociétés ;

- la TVA relative aux déplacements de sa gérante doit être déduite en raison de leur caractère professionnel ;

- les rappels de TVA étant contestés, elle doit être déchargée du profit sur le Trésor ;

- les avoirs non justifiés correspondent à la mise à disposition de locaux et de matériels nécessaires à son fonctionnement ;

- elle a régularisé sa comptabilité quant à la créance de la société RSI vidéo technologies ;

- les dépenses relatives aux prestations du cabinet CL Conseil sont déductibles ;

- les impositions relatives aux distributions correspondantes aux charges non déductibles doivent être déchargées par voie de conséquence ;

- c'est à tort que l'administration a considéré qu'un prêt avait été conclu avec sa présidente, les sommes en cause ont été mises à disposition par virement sur son compte bancaire personnel ;

- les dividendes versés à sa présidente en 2013, 2014 et 2015 n'étaient passibles de l'impôt sur le revenu qu'après application d'un abattement de 40 % en application de l'article 158 3-2 du code général des impôts ;

- il y a lieu de décharger les dividendes qualifiés à tort de fictifs ;

- les majorations ne sont pas fondées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juin et 30 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SASU Heco B... consulting ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 10 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2021 à 12h00.

La SASU Heco B... consulting, représentée par Me C... a adressé à la cour un mémoire, enregistré le 21 janvier 2021, non communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., représentant la SASU Heco B... consulting.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Heco B... consulting, dont le capital est entièrement détenu par Mme B..., unique salariée et dirigeante, qui avait pour activité le conseil en gestion d'entreprises, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Par proposition de rectification du 29 juin 2016, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. La SASU Heco B... consulting relève appel du jugement du 29 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a jugé irrecevables les conclusions tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu notifiées à Mme B... et a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et majorations mises à a charge de la société.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : 1° Pour l'instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable, après l'achèvement des opérations de vérification ; (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. "

3. Ces dispositions, qui ont notamment pour objet d'alléger les contraintes que fait peser le contrôle fiscal sur la gestion des petites et moyennes entreprises, définissent, au bénéfice des contribuables qu'elles mentionnent, une garantie qui s'oppose à ce que le vérificateur poursuive, au-delà de trois mois à compter du début du contrôle, la vérification des livres ou documents comptables au sein de l'entreprise vérifiée ou, lorsqu'ils ont été apportés par le contribuable ou ont été emportés par le vérificateur avec l'accord du contribuable, dans les locaux de l'administration.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 29 juin 2016, que les opérations de contrôle ont débuté le 28 janvier 2016 et se sont déroulées, sur demande de la société dans les locaux du cabinet de son expert-comptable. Quatre interventions ont ainsi eu lieu dans les locaux du cabinet comptable de la société requérante les 28 janvier, 17, 18 et 25 février 2016 en l'absence de la présidente, Mme B.... La proposition de rectification indique que les opérations se sont terminées le 25 février 2016. Afin de permettre à la présidente de la société Heco B... d'apporter personnellement des précisions qui n'ont pu être données par le cabinet comptable, le vérificateur a proposé à Mme B... le 18 avril 2016 de la rencontrer le 19, 20 ou 21 avril 2016. Par courrier électronique du 20 avril 2016, Mme B... a sollicité auprès du service une nouvelle date entre le 3 et 6 mai 2016. Une entrevue a ainsi eu lieu le 3 mai 2016 dans les locaux de l'administration ayant pour objet, selon les termes du vérificateur, " de procéder à la présentation des conclusions du contrôle et à recueillir les observations de Mme B... ". Il est également indiqué dans la proposition de rectification, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible et de la déductibilité de charges du résultat soumis à l'impôt sur les sociétés, que c'est suite à cet entretien du 3 mai 2016, que le service a considéré que les dépenses listées par le vérificateur étaient dépourvues de tout lien avec l'activité de l'entreprise. En outre, dans un courrier du 22 avril 2016 adressé à Mme B..., le service lui rappelle que l'entrevue, finalement reportée au 3 mai 2016, était destinée à lui permettre d'apporter des justifications concernant certaines pièces comptabilisées. Eu égard à ces mentions concordantes, cette rencontre du 3 mai 2016 ne s'est pas limitée à une réunion de synthèse mais doit être regardée comme se rattachant aux opérations de vérification de comptabilité. La vérification de comptabilité de l'activité de la SASU Heco B... consulting s'est donc prolongée au-delà du délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales précité.

5. Si le vérificateur a fait bénéficier à la société requérante de la poursuite du débat oral et contradictoire avec sa présidente, absente des interventions précédentes, et a prolongé d'une durée raisonnable la vérification, il résulte de ce qui vient d'être dit que ce n'est que le 18 avril 2016, soit neuf jours avant le terme du délai de trois mois, que le vérificateur a sollicité un rendez-vous avec Mme B... en lui proposant des dates dans un délai de trois jours seulement, les 19, 20 ou 21 avril 2016. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur ne pouvait pas solliciter, dans la continuité de l'entrevue avec le cabinet comptable du 25 février 2016, un entretien avec la présidente de la société requérante. Il n'est par suite pas établi qu'un débat oral et contradictoire ne pouvait être raisonnablement assuré avec Mme B... en lui accordant un délai plus long afin qu'elle puisse confirmer sa disponibilité, et ce, dans le délai de trois mois. Il s'ensuit que la société requérante, laquelle ne saurait être regardée comme ayant renoncé par son comportement au bénéfice de la garantie de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, est fondée à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière pour ce motif.

6. Le ministre fait valoir en défense que la durée de la vérification a pu se prolonger jusqu'à un délai de six mois en raison des graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité de la SASU Heco B... consulting. Il résulte cependant de l'instruction que les irrégularités relevées dans la proposition de rectification du 29 juin 2016, notamment quant aux modes de comptabilisation utilisés par l'entreprise conduisant à un décalage temporel entre la réalisation de l'opération et la date de la pièce justificative, ou celle du dépôt de la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, ne faisaient pas obstacle à tout contrôle. Ces anomalies n'étaient ainsi pas de nature à priver de son caractère probant l'ensemble de la comptabilité présentée. Par ailleurs, si l'absence de lien avec l'activité de la société de certaines dépenses, l'inscription d'écritures destinées au règlement par la société d'une dette personnelle de Mme B..., l'existence de prélèvements personnels du compte courant d'associé, affectent la sincérité de la comptabilité de l'entreprise, ces écritures comptables ne peuvent suffire à écarter la comptabilité comme irrégulière et non probante. Par suite, l'administration n'établit pas qu'elle était fondée à rejeter la comptabilité de la SASU Heco B... consulting comme entachée de graves irrégularités. Par conséquent, le ministre ne peut se prévaloir des dispositions du 4° du II de l'article L. 52 précité du livre des procédures fiscales en opposant à la société appelante un délai de six mois pour réaliser des investigations sur place.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Heco B... consulting est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : La SASU Heco B... consulting est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de la SASU Heco B... consulting en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Heco B... consulting et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC03771


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03771
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité. Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SCHNEIDER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-06;19nc03771 ?
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