La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2021 | FRANCE | N°19NC02894

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 mai 2021, 19NC02894


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1723851 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus de la deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1723851 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 26 septembre 2019 et le 14 mars 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ;

2°) d'annuler ce jugement du 26 juillet 2019 ;

3°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 6 décembre 2012 est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- concernant l'imposition au titre de 2010, l'administration n'apporte pas la preuve que les factures en litige auraient été établies par la société Axis Propreté, ni la preuve de ce qu'il aurait appréhendé le montant de ces fausses factures ;

- s'agissant de l'appréhension du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés reconstitué de la société Axis Propreté au titre de l'année 2011, l'administration ne pouvait pas prendre en compte les fausses factures de la société Eny, dont le montant total de 166 522 euros est irréaliste puisqu'il correspond à un montant supérieur au chiffre d'affaires annuel de la société Axis Propreté et à 11 101,52 heures de travail sur moins de onze mois ; en excluant ces factures, le résultat reconstitué de la société est déficitaire et l'administration ne pouvait pas faire jouer la présomption de distribution prévue par le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n°2020-1402 et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me B..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... était le gérant et unique associé de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Axis Propreté. Suite à la vérification de comptabilité de cette société, l'administration fiscale lui a notifié, par une proposition de rectification du 6 décembre 2012, établie selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et les pénalités y afférentes pour un montant total de 71 419 euros au titre des années 2009 à 2011, résultant de la réintégration dans son revenu global de sommes regardées comme des revenus distribués, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Les trois réclamations de l'intéressé ont été rejetées par le service. Le requérant relève appel du jugement du 26 juillet 2019 du tribunal administratif de Nancy, ci-dessus visé, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.

3. Il résulte de l'instruction que, par une proposition de rectification du 6 décembre 2012, l'administration a informé le requérant qu'elle envisageait, au titre des années 2009 à 2011, d'imposer entre ses mains, en tant que maître de l'affaire, à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des 1° et 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et aux contributions sociales sur le fondement des articles 1600-0 C à 1600-0 M du même code, les revenus distribués correspondant aux recettes omises constatées dans le cadre de la vérification de comptabilité de l'EURL Axis Propreté au titre de la période vérifiée et imposées à l'impôt sur les sociétés. Comme l'ont retenu les premiers juges, la proposition de rectification en litige, qui précise le montant des revenus distribués, leur fondement légal, la catégorie de revenus, les années d'imposition et le calcul des bases d'imposition, cite également des extraits de la proposition de rectification adressée le même jour à l'EURL Axis Propreté. Il y est expressément indiqué que les dissimulations de recettes ont été analysées comme des revenus distribués au motif qu'il s'agit de sommes qui, n'étant pas comptabilisées, ne sont pas restées investies dans l'entreprise et que le contribuable avait, sur la période d'imposition vérifiée, la double qualité de dirigeant de droit et d'associé unique au sein de I'EURL Axis Propreté. De la même manière, et contrairement à ce qu'affirme le requérant, il a expressément été informé de l'analyse de l'administration qui le considère, en tant que maître de l'affaire, comme ayant appréhendé les sommes regardées comme distribuées. Par suite, et nonobstant la circonstance qu'il n'est pas fait mention dans cette pièce de procédure du caractère réfragable de la présomption de revenus distribués, le contribuable doit être regardé comme ayant disposé des informations lui permettant de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien fondé de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; ". En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir bénéficié des distributions effectuées par la société qu'il contrôle, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard.

5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société Axis Propreté, dont le requérant était le gérant et l'unique associé pendant les années vérifiées, le service a constaté qu'au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010, la comptabilité de l'EURL Axis Propreté était irrégulière et non probante et que les factures qu'elle avait émises au nom de la société Eny Service, obtenues dans le cadre de la vérification de cette dernière société, n'avaient pas été comptabilisées pour un montant de 15 824 euros, constituant ainsi des omissions de recettes regardées comme des distributions en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts précité. Au titre de l'exercice clos le 30 juin 2011, un procès-verbal de défaut de comptabilité de la société Axis Propreté a été établi le 10 juillet 2012 et le chiffre d'affaires a été reconstitué à partir, d'une part, des encaissements bancaires pour un montant de 103 109 euros toutes taxes comprises (TTC), et d'autre part, de factures non comptabilisées adressées à la société Eny Service pour un montant de 119 019 euros, soit 205 231 euros hors taxe de recettes non comptabilisées regardées comme des distributions en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts précité.

6. Pour contester l'existence de ces distributions, le requérant soutient que les factures non comptabilisées en litige sont en réalité des fausses factures émises par la société Eny Service au sujet desquelles il établit avoir porté plainte le 15 juillet 2013 auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Strasbourg contre l'entreprise Eny pour faux et usage de faux et s'est constitué partie civile le 31 juillet 2015. Il fait également valoir que le caractère frauduleux de ces factures est établi par les irrégularités formelles qu'elles présentent par comparaison avec celles émises par la société Axis Propreté dont il était le gérant, ainsi que leurs mentions erronées visant les anciens sièges et coordonnées téléphoniques de ladite société. Toutefois, comme cela a été exposé au point précédent, dès lors que la comptabilité présentée par la société Axis Propreté au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010 était dépourvue de caractère probant, et que cette société n'a pas présenté de comptabilité au titre de l'exercice clos le 30 juin 2011, les factures présentées au vérificateur, qui comportaient elles-mêmes des irrégularités leur ôtant tout caractère probant, ne sauraient permettre une comparaison avec les factures litigieuses et établir leur caractère frauduleux. De même, si le requérant invoque le caractère irréaliste des factures en litige pour l'exercice 2011, cet argument, au demeurant non démontré en raison de l'absence de comptabilité au titre de cet exercice, ne permet pas d'établir qu'elles étaient en réalité fictives. Par ailleurs, et comme l'ont relevé les premiers juges, le requérant ne conteste pas qu'une relation commerciale de donneur d'ordre à sous-traitant entre les sociétés Eny Service et Axis Propreté a été reconnue par les dirigeants de ces deux sociétés. En outre, il n'est pas contesté que, comme l'indique l'administration, les factures litigieuses ont pour certaines fait l'objet de règlements par chèques, dont les encaissements ont été retrouvés sur les relevés bancaires de la société Axis Propreté, ou ont été acquittées en numéraires et qu'aucune dette de fournisseur ne demeurait dans la comptabilité de la société Eny Service envers la société Axis Propreté. Par suite, et contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration apporte la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués, en dépit des plaintes pour faux déposées par M. D....

7. M. D..., gérant et associé unique de l'EURL Axis Propreté, qui disposait de la signature et des comptes de l'entreprise, était le maître de l'affaire. L'administration fiscale apporte ainsi la preuve de l'appréhension des sommes distribuées.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il n'y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC02894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02894
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : MAHDADI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-06;19nc02894 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award