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04/05/2021 | FRANCE | N°19NC03548

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 04 mai 2021, 19NC03548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906300 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 18 juillet 2019, a enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. B... un titre de séjour dans u

n délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906300 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 18 juillet 2019, a enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de 1 000 euros au conseil de M. B... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2019, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 18 juillet 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il a pu estimer que M. B... n'était pas mineur lors de son entrée en France ;

- il était fondé à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'intéressé n'a pas rompu les liens avec les membres de sa famille résidant dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2020, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Haut-Rhin ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations le 1er janvier 2018. L'intéressé s'étant présenté comme mineur isolé, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Haut-Rhin, en vertu d'une ordonnance du juge des enfants du tribunal de grande instance de Mulhouse du 5 mars 2018. Il a déposé, le 6 mai 2019, une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 juillet 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 18 juillet 2019. Le préfet du Haut-Rhin relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Selon l'article R. 311-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ".

3. En vertu d'autre part, de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressé au motif que sa minorité n'était pas établie, le préfet du Haut-Rhin s'est fondé sur une ordonnance du 19 novembre 2018 du juge des tutelles des mineurs du tribunal de grande instance de Mulhouse, qui a ordonné une expertise médicale afin de déterminer l'âge de M. B..., au motif qu'une enquête diligentée par la police de l'air et des frontières a révélé que l'intéressé était connu en Espagne en tant que majeur sous une identité différente. Le préfet se prévaut également d'un rapport d'examen technique documentaire du 14 mai 2018 émis par la direction interdépartementale de la police aux frontières de Strasbourg qui indique que l'acte de naissance produit par M. B..., dont le support est conforme à celui d'un acte authentique, n'est toutefois pas conforme à l'article 126 du code des personnes et de la famille C... dès lors que les dates mentionnées ne sont pas inscrites en toutes lettres.

7. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'expertise médicale ordonnée par l'autorité judiciaire n'a pas été effectuée et que M. B... indique qu'il a mentionné une fausse identité lors de son interpellation par les autorités espagnoles afin de ne pas être pris en charge par ces dernières en qualité de mineur isolé et pouvoir rejoindre la France. En outre, ce dernier produit un nouvel acte de naissance émis le 25 juillet 2018 ainsi qu'un jugement supplétif du 12 juillet 2018 du tribunal de première instance de Yelimane tenant lieu d'acte de naissance, transcrit au registre de la mairie le 25 juillet 2018, dont l'authenticité n'est pas remise en cause par le préfet, ainsi qu'une carte d'identité consulaire établie le 30 septembre 2019. Il y a lieu, dans ces conditions, de considérer que les documents d'identité et d'état-civil produits par M. B... permettent d'établir, avec une certitude suffisante que, conformément aux mentions qui y sont portées, il est né le 15 avril 2001. Dès lors, en refusant de délivrer à M. B... le titre mentionné à l'article L. 313-15 au motif qu'il n'était pas mineur lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance, le préfet du Haut-Rhin a méconnu ces dispositions.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du 18 juillet 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de deux mois.

Sur les frais liés à l'instance :

9. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., représentant M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros au titre des frais d'instance de l'intimé.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me A..., représentant M. B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... B....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 19NC03548


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03548
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-04;19nc03548 ?
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