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15/04/2021 | FRANCE | N°20NC01150

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 15 avril 2021, 20NC01150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...-B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence d'un an dans un délai de quinze jours à compter de de la notification du jugement, subsidiairement de réexaminer sa situat

ion dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...-B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence d'un an dans un délai de quinze jours à compter de de la notification du jugement, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1908036 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01150 le 22 mai 2020, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence d'un an dans un délai de quinze jours à compter de de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est entachée d'une erreur d'appréciation quant au caractère régulier de son entrée en France ; il justifie être entré régulièrement en France le 9 octobre 2017 et, subsidiairement, le 7 juin 2016 ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'annulation de cette décision se justifie par voie de conséquence de celle du refus de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français encourt l'annulation pour les mêmes motifs que ceux invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision encourt l'annulation, en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 14 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien, est entré en France le 15 mai 2016, sous couvert d'un visa valable du 1er avril au 1er juillet 2016. Le 16 mai 2016, il a quitté le territoire français. Après son retour en France, il a sollicité du préfet du Bas-Rhin, le 27 septembre 2016, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " pour raisons de santé sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Au vu de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable du 2 mai au 1er novembre 2017, lequel a fait l'objet d'un renouvellement. Par un arrêté du 23 novembre 2018, le préfet a rejeté une nouvelle demande de l'intéressé tendant au renouvellement de son autorisation provisoire de séjour. Le 17 juin 2019, M. A... B... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de français sur le fondement du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 19 août 2019, le préfet du Bas-Rhin, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de renvoi. M. A... B... relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 août 2019 :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Il résulte de ces stipulations que la délivrance du certificat de résidence est subordonnée à la régularité de la dernière entrée du ressortissant algérien sur le territoire français.

3. Aux termes de l'article de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 212-1 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 211-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour ou du document de circulation délivré aux mineurs en application de l'article L. 321-4 sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage ". Selon l'article L. 311-4 du même code : " La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, d'un récépissé d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle ". Il résulte de ces dispositions que la détention d'un titre de séjour par un étranger permet son retour pendant toute la période de validité de ce titre sans qu'il ait à solliciter un visa d'entrée sur le territoire français. Ne sont exclus de la notion de titre de séjour au sens de ces dispositions que les titres temporaires de séjour délivrés au cours de l'examen d'une première demande de titre de séjour ou au cours de l'examen d'une demande d'asile.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... est entré en France le 15 mai 2016, sous couvert d'un visa valable du 1er avril au 1er juillet 2016. Le 16 mai 2016, il a quitté le territoire français pour, selon ses déclarations, se rendre en Finlande où résidait son frère. S'il soutient être rentré en France le 7 juin suivant, après y avoir été reconduit en voiture par son frère, il ne l'établit pas. En revanche, il a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour valable du 2 mai au 1er novembre 2017 au regard de l'avis émis le 16 février 2017 par le médecin de l'Agence régionale de santé, qui avait estimé que son état de santé nécessitait sa présence en France pour une durée de 12 mois. Par ailleurs, il justifie, par les pièces qu'il produit, en particulier ses justificatifs de vol, s'être rendu par avion de Paris à Helsinki le 25 septembre 2017 et en être revenu par un vol de retour le 9 octobre 2017, date à laquelle son autorisation provisoire de séjour en cours de validité, valant titre de séjour, l'autorisait à entrer régulièrement sur le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué que M. A... B... aurait, postérieurement au 9 octobre 2017, de nouveau quitté la France. Dès lors, M. A... B... justifie qu'à la date du 19 août 2019, à laquelle le préfet du Bas-Rhin a statué sur sa demande de certificat de résidence en qualité de conjoint de français, sa dernière entrée sur le territoire français était régulière. Par suite, en rejetant sa demande de certificat de résidence au motif qu'il ne justifiait pas d'une entrée régulière en France le préfet a fait une inexacte application du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au seul motif justifiant l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 19 août 2019, il n'y a pas lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. A... B... le certificat de résidence sollicité mais seulement de procéder à un nouvel examen de sa demande de certificat de résidence. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à cet examen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., conseil de M. A... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme partie perdante à l'instance, le versement à cet avocat d'une somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2019 et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 19 août 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la demande de certificat de résidence de M. A... B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me C..., avocat de M. A... B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 20NC01150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01150
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-15;20nc01150 ?
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