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13/04/2021 | FRANCE | N°20NC02255

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 13 avril 2021, 20NC02255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle le maire de Metz a refusé de lui accorder le bénéfice de l'indemnité d'exercice de mission des préfectures, d'autre part, de condamner respectivement la commune de Metz, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, à lui verser une somme correspondant au montant total de l'indemnité d'exercice des missions des p

réfectures, auquel il a droit depuis son recrutement en fonction des diffé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle le maire de Metz a refusé de lui accorder le bénéfice de l'indemnité d'exercice de mission des préfectures, d'autre part, de condamner respectivement la commune de Metz, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, à lui verser une somme correspondant au montant total de l'indemnité d'exercice des missions des préfectures, auquel il a droit depuis son recrutement en fonction des différents grades obtenus et sur la base d'un coefficient individuel égal à 1,5, et à procéder à la liquidation de ses droits.

Par un jugement n° 1804944 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 4 juillet 2018 et a enjoint au maire de Metz, d'une part, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, de réexaminer la situation de M. C... pour la période allant du 1er janvier 2014 au 1er janvier 2017 et de fixer le coefficient individuel de son régime indemnitaire en application de la délibération du 29 avril 2004, d'autre part, dans un délai supplémentaire d'un mois, de lui verser une somme correspondant au montant de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures auquel il a droit pour la période considérée, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 février 2021, la commune de Metz, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804944 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mars 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'erreur de droit pour annuler la décision du 4 juillet 2018, dès lors que, en l'absence de procédure de notation prévue dans les statuts permettant d'apprécier la valeur professionnelle de l'agent, telle que définie par la délibération du 29 avril 2004, le maire pouvait légalement retenir un coefficient individuel égal à zéro et refuser, en conséquence, de verser l'indemnité d'exercice de missions des préfectures ;

- subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour viendrait à considérer que le maire de Metz ne pouvait, en tout état de cause, faire application d'un coefficient individuel égal à zéro, elle est en droit de solliciter la substitution de ce motif par celui fondé sur l'absence de procédure de notation prévue dans les statuts ;

- la créance en litige est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2014 ;

- les autres moyens invoqués par l'agent dans sa demande de première instance, tirés respectivement du vice d'incompétence et de l'erreur de droit résultant de l'inopposabilité de l'abrogation du décret n°97-1223 du 26 décembre 1997, portant création d'une indemnité d'exercice de missions des préfectures, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2020, et un mémoire, enregistré le 3 février 2021, M. D... C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Metz d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la commune de Metz ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997 ;

- le décret n° 2017-829 du 5 mai 2017 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la commune de Metz et de Me B... pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Agent titulaire de catégorie C de la commune de Metz, M. D... C... a sollicité auprès de la collectivité, par un courrier du 10 avril 2018 reçu le 18 mai suivant, le versement rétroactif d'une somme correspondant au montant de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures, auquel il estime avoir droit depuis le 1er mai 2004, en application de la délibération du conseil municipal du 29 avril 2004 fixant le régime indemnitaire des agents communaux. Par une décision du 4 juillet 2018, le maire de Metz a refusé de faire droit à cette demande au motif que, " en application de la délibération du 29 avril 2004, la ville de Metz applique un coefficient individuel égal à zéro ". M. C... a, le 9 août 2018, saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2018 et à la condamnation de la commune à lui verser la somme ainsi réclamée. La commune de Metz relève appel du jugement n° 1804944 du 3 mars 2020 qui annule la décision du 4 juillet 2018 et enjoint au maire de Metz, d'une part, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, de réexaminer la situation du demandeur pour la période allant du 1er janvier 2014 au 1er janvier 2017 et de fixer le coefficient individuel de son régime indemnitaire en application de la délibération du 29 avril 2004, d'autre part, dans un délai supplémentaire d'un mois, de lui verser une somme correspondant au montant de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures auquel il a droit pour la période considérée, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe, par ailleurs, les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991, pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors applicable : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret, dans sa rédaction alors applicable : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. (...) / Pour la détermination du montant des indemnités sont seuls pris en compte les emplois inscrits au budget de la collectivité ou de l'établissement effectivement pourvus. / L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale, de chaque établissement public de coopération intercommunale ou de chaque établissement public local de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité ne soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Le respect du principe d'égalité entre les agents publics ne s'oppose pas à l'institution de différences dans le régime indemnitaire dont ils bénéficient fondées sur des différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions ou sur les nécessités du bon fonctionnement du service auquel ils appartiennent.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 26 décembre 1997, portant création d'une indemnité d'exercice de missions des préfectures, alors en vigueur : " Une indemnité d'exercice est attribuée aux fonctionnaires de la filière administrative et de service du cadre national des préfectures, de la filière technique (corps des ouvriers professionnels et maîtres ouvriers, corps des services techniques du matériel) et de la filière médico-sociale (infirmiers, assistants et conseillers techniques des services sociaux) qui participent aux missions des préfectures dans lesquelles ils sont affectés. ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Le montant de l'indemnité mentionnée à l'article 1er du présent décret est calculé par application à un montant de référence fixé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé de l'outre-mer et du ministre chargé du budget d'un coefficient multiplicateur d'ajustement compris entre 0,8 et 3. ".

5. Si une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou un établissement public local ne peut attribuer aux agents répondant aux conditions légales pour en bénéficier une indemnité d'exercice des missions d'un montant supérieur au triple du montant annuel de référence, il lui est loisible de fixer la limite basse du coefficient multiplicateur d'ajustement du montant de référence en deçà du seuil de 0,8 prévu par l'article 2 du décret du 26 décembre 1997, et, le cas échéant, de prévoir un coefficient nul.

6. Enfin, en application des dispositions qui précèdent, la délibération du 29 avril 2004 du conseil municipal de la commune de Metz a institué, à compter du 1er mai 2004, le régime indemnitaire de l'ensemble des agents de la collectivité. Cette délibération prévoit que " le régime proposé comporte : 1) une prime mensuelle fixée par référence à un montant par grade et modulée individuellement selon une évaluation portée sur la valeur professionnelle des agents au travers de la notation administrative " et autorise le maire " à fixer individuellement les taux, montants et coefficients de variation des indemnités et primes selon les critères précitées ". En outre, " pour asseoir et permettre la mise en oeuvre de ce dispositif, il est fait application des primes et indemnités dont la nature et les montants de référence réglementaires sont indiqués dans les tableaux présentés en annexe 1, dans la limite des montants maximums réglementaires ". Parmi les primes mensuelles mentionnées en annexe 1 figure l'indemnité d'exercice des missions des préfectures, dont les conditions d'attribution ont été fixées par filière et, pour chaque filière éligible, par grade et échelon. Pour les agents concernés, l'attribution de cette indemnité n'est pas acquise de plein droit puisque le coefficient multiplicateur d'ajustement associé est susceptible de varier entre 0 et 3 compte tenu de l'évaluation portée chaque année sur la valeur professionnelle des intéressés.

7. Il n'est pas contesté que, en sa qualité d'agent de catégorie C relevant de l'une des filières éligibles, M. C... remplissait les conditions pour prétendre, le cas échéant, au bénéfice de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures. S'il est loisible à l'autorité administrative de ne pas attribuer cette indemnité, dans un cas déterminé au motif que la manière de servir de l'intéressé serait jugée insuffisante, en appliquant au montant de référence un coefficient multiplicateur d'ajustement égal à zéro, le maire de Metz, qui devait se livrer à une appréciation individuelle de la situation de chaque agent éligible au regard de l'appréciation portée sur sa valeur professionnelle, ne pouvait, sans commettre, une erreur de droit, appliquer à tous les agents concernés, de façon systématique et indifférenciée, un coefficient individuel égal à zéro. Contrairement aux allégations de la commune requérante, alors même que les deux procédures en cause seraient fondées sur des critères d'appréciation différents, la circonstance que l'évaluation portée sur la valeur professionnelle des agents de la collectivité s'effectue, depuis le 1er janvier 2015, non plus dans le cadre d'une notation mais dans celui d'un entretien professionnel, est sans incidence sur le droit des intéressés à percevoir l'indemnité d'exercice de missions des préfectures, dès lors qu'il n'est pas établi que l'autorité administrative serait dans l'incapacité d'arrêter le coefficient multiplicateur d'ajustement des agents concernés au vu du compte-rendu de leur entretien professionnel. En prévoyant que la prime mensuelle sera modulée individuellement " selon une évaluation portée sur la valeur professionnelle des agents au travers de la notation administrative ", les auteurs de la délibération du 29 avril 2004 ont simplement voulu signifier que la fixation des coefficients individuels sera subordonnée aux résultats, non pas d'une évaluation ad hoc, mais de l'évaluation annuelle prévue à l'article 76 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, que celle-ci prenne la forme d'une notation ou d'un entretien. Par suite, sa demande de substitution de motifs ne pouvant qu'être rejetée, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a retenu le moyen tiré de l'erreur de droit pour annuler la décision du maire du 4 juillet 2018. Et, en l'absence de toute contestation sur l'application, par les premiers juges, de l'exception de prescription quadriennale soulevée en défense par la collectivité, les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement de première instance et au rejet de la demande présentée par M. C... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de justice :

8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la commune de Metz au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement au défendeur de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Metz est rejetée.

Article 2 : La commune de Metz versera à M. C... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Metz et à Me B... pour M. D... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

N° 20NC02255 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02255
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SELAS OLSZAK LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-13;20nc02255 ?
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