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08/04/2021 | FRANCE | N°20NC00634

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2021, 20NC00634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel le préfet du Doubs a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement numéro 1901005 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté

ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel le préfet du Doubs a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement numéro 1901005 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2020, M. A... C..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 ;

3°) de faire injonction au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- compte tenu de la durée de son séjour en France, de son insertion professionnelle et sociale et de sa vie familiale consacrée par un mariage célébré le 7 septembre 2019, l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; compte tenu de son état de santé et de ce qu'il s'est réconcilié avec son épouse c'est à tort que le préfet a estimé que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juillet 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.

M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., né le 1er janvier 1972, de nationalité marocaine, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en 2002. Il a séjourné en Corse irrégulièrement et a fait l'objet, de la part du préfet de la Haute-Corse, de deux décisions portant obligation de quitter le territoire français, édictées successivement les 18 octobre 2007 et 24 janvier 2012, auxquelles il n'a pas déféré. Le 9 février 2017, M. A... C... a adressé au préfet du Doubs une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 26 septembre 2017, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Par un jugement du 6 février 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 18 octobre 2018, la cour administrative d'Appel de Nancy a annulé ce jugement et l'arrêté du 26 septembre 2017 et a enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. A... C.... Par un arrêté du 13 mai 2019, le préfet du Doubs a confirmé le refus de séjour opposé à M. A... C..., l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. M. A... C... relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus du titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui ".

3. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en oeuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer en vue d'une régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain. Toutefois, il ne ressort pas des termes de la demande de régularisation initialement présentée par M. A... D..., par courrier du 26 janvier 2016, qu'il ait sollicité de manière spécifique la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il a au contraire demandé son admission au séjour à titre exceptionnel en se fondant sur une pluralité de motifs dont l'ancienneté de son séjour en France, la présence de membres de sa famille sur le territoire national, ainsi qu'une promesse d'embauche. Il peut donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'il permet également la délivrance d'un titre de séjour au regard de la vie privée et familiale. Sollicitée pour émettre un avis sur cette admission exceptionnelle au séjour, en exécution de l'arrêt précité de la cour administrative d'appel de Nancy, la commission du titre de séjour a émis un avis défavorable à cette admission.

4. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans enfant à charge et qu'il dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et plusieurs de ses frères et soeurs. S'il fait état de la présence de son père sur le territoire français, cette affirmation est contredite, d'une part, par la carte de résident dont celui-ci était titulaire qui expirait le 29 décembre 2016 et, d'autre part, par l'enquête conduite par l'unité territoriale de la police aux frontières qui mentionne, dans le rapport établi le 4 octobre 2017, que le requérant a avoué que son père était retourné au Maroc vivre avec sa mère. Le requérant se prévaut également d'une relation amoureuse qui s'est concrétisée par un mariage le 7 septembre 2019. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne parle pas le français et ne dispose pas de perspectives professionnelles, n'envisageant pas d'honorer la promesse d'embauche faite par un employeur établi en Corse, et ne peut faire état d'aucune insertion dans la société française. Le requérant a surtout fait l'objet d'une condamnation pour un vol avec violence, commis le 2 septembre 2017, au préjudice de sa compagne et future épouse. Dans ces conditions, alors même que le requérant fait état de la présence en France d'une de ses soeurs et de plusieurs de ses cousins, et de la circonstance qu'il a exercé une activité professionnelle lorsqu'il résidait en Corse, il n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, et eu égard à la menace pour l'ordre public que le requérant est susceptible de constituer au vu de la condamnation pénale dont il a fait l'objet, doit être également écarté le moyen tiré de ce que la décision refusant à l'intéressé un titre de séjour serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, ainsi que celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de son recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire :

6. Aux termes du III du l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour ".

7. Ainsi qu'il résulte des points ci-dessus, M. A... C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et se trouvait dans le cas où, en application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait lui faire interdiction de retour sur le territoire français. Si le requérant soutient être atteint d'un syndrome dépressif, le certificat médical qu'il produit ne fait état d'aucune pathologie. Dans ces conditions, et compte tenu du risque pour l'ordre public que sa présence constitue en France, M. A... C... ne justifie ainsi d'aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.

N° 20NC00634 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00634
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : WOLDANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-08;20nc00634 ?
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