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06/04/2021 | FRANCE | N°19NC02800

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 06 avril 2021, 19NC02800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) D... Matthieu a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 7 novembre 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est lui a refusé l'autorisation d'exploiter une surface de 22 hectares 30 ares, située sur le territoire de la commune de Sy, ensemble le rejet de son recours gracieux du 19 janvier 2018.

Par un jugement n° 1800581 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) D... Matthieu a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 7 novembre 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est lui a refusé l'autorisation d'exploiter une surface de 22 hectares 30 ares, située sur le territoire de la commune de Sy, ensemble le rejet de son recours gracieux du 19 janvier 2018.

Par un jugement n° 1800581 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2019, la SCEA D... Matthieu, représentée par la SCP Ledoux, Ferri, Riou-Jacques, Touchon, Mayolet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 juillet 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 7 novembre 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est lui a refusé l'autorisation d'exploiter une surface de 22 hectares 30 ares, située sur le territoire de la commune de Sy, ensemble le rejet de son recours gracieux du 19 janvier 2018.

3°) d'enjoindre au préfet de la région Grand Est de l'autoriser à exploiter une surface de 22 hectares 30 ares, située sur le territoire de la commune de Sy ;

4°) de lui allouer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse lui attribue à tort le quatrième rang de priorité ;

- c'est à tort qu'a été prise en compte l'opposition du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) C... RJL, qui n'est pas le preneur en place ;

- la surface exploitée par M. B... C... excèdera, après maintien, le seuil d'agrandissement ou de concentration d'exploitations excessifs si bien que l'opposition formulée par le GAEC C... RJL ne relève pas du rang de priorité n°1.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2020, le GAEC C... RJL, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCEA D...-Matthieu la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juillet 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 octobre 1999, M. A... C... a consenti à M. B... C... un bail rural d'une durée de 18 années portant sur deux parcelles situées sur le territoire des communes de Sy et de Verrières dans les Ardennes, qu'il a mises à disposition du GAEC C... RJL, dont il est l'associé exploitant. Mme D..., l'actuelle propriétaire de la parcelle située à Sy, a donné congé à M. C... aux fins de reprise par son conjoint. M. C... a alors saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une requête visant à contester le congé qui lui avait ainsi été notifié. Par décision du 7 novembre 2017, le préfet de la région Grand Est a refusé à la SCEA D... Matthieu l'autorisation d'exploiter une surface de 22 hectares 30 ares, située sur la commune de Sy. Le 19 janvier 2018, le préfet a également rejeté le recours gracieux que lui avait présenté cette dernière. La SCEA D... Matthieu fait appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pèche maritime : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. Ce contrôle a aussi pour objectifs de : 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles (...) ". Selon l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ". Le III de l'article L. 312-1 du même code dispose : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit (...) l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. ".

3. Aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne : " (...) II. Priorités applicables aux demandes portant sur des biens agricoles, à l'exclusion des terres destinées à la production des appellations d'origine contrôlées Champagne, coteaux champenois ou Rosé des Riceys : 1°) Sont classées au premier rang de priorité les opérations (...) relatives à des biens destinés : (...) e) à l'accroissement de la superficie de l'exploitation du demandeur lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus (...) La priorité accordée au titre du présent e) s'applique dans la limite d'une superficie totale mise en valeur après l'opération au plus égale au seuil d'agrandissement ou de concentration d'exploitations excessifs (...) ".

4. Il est constant que la SCEA D... Matthieu a reçu les surfaces de terres pour lesquelles elle a sollicité l'autorisation d'exploiter litigieuse, destinées à accroître la superficie de son exploitation, par donation des parents de l'épouse de l'exploitant. Toutefois, la requérante ne conteste pas que l'opération envisagée portait la superficie totale mise en valeur au-delà du seuil d'agrandissement de l'exploitation admis par les dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Champagne-Ardenne. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur en estimant qu'elle ne relevait pas du rang de priorité 1 e) précité du SDREA de Champagne-Ardenne.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) 2° Est qualifié d'agrandissement d'exploitation ou de réunion d'exploitations au bénéfice d'une personne le fait, pour celle-ci, mettant en valeur une exploitation agricole à titre individuel ou dans le cadre d'une personne morale, d'accroître la superficie de cette exploitation ; la mise à disposition de biens d'un associé exploitant lors de son entrée dans une personne morale est également considérée comme un agrandissement ou une réunion d'exploitations au bénéfice de cette personne morale (...) ". Aux termes de l'article 1er du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne " (...) III. Pour fixer les critères d'appréciation de l'intérêt d'une opération, on entend par (...) 2° Preneur en place : exploitant agricole individuel mettant en valeur, à titre exclusif ou non, une exploitation agricole en qualité de titulaire de tout bail rural sur les terres de ladite exploitation. Lorsque le bien pris à bail est mis, par son détenteur, à disposition d'une société d'exploitation dans laquelle il est associé, il y a lieu de prendre en compte, en comparaison de situation demandeur(s)/preneur, la situation de la société (...) ". Aux termes de l'article 3 du même schéma: " (...) II. Priorités applicables aux demandes portant sur des biens agricoles, à l'exclusion des terres destinées à la production des appellations d'origine contrôlées Champagne, coteaux champenois ou Rosé des Riceys : 1°) Sont classées au premier rang de priorité les opérations (...) relatives à des biens destinés : (...) f) au maintien du preneur en place. La priorité accordée au titre du présent f) s'applique dans la limite d'une superficie totale mise en valeur par le demandeur au plus égale au seuil d'agrandissement ou de concentration d'exploitations excessifs (...) ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... C..., titulaire du bail rural portant sur les parcelles litigieuses, est associé exploitant du GAEC C... RJL, auquel il a mis à disposition les surfaces en cause. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet a pu considérer que le GAEC C... RJL, qui mettait en valeur les surfaces en cause, avait la qualité de preneur en place.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le GAEC C... RJL est composé de trois exploitants si bien que le seuil d'agrandissement excessif, au-delà duquel la priorité accordée au titre du f) du 1° du II de l'article 1er du SDREA ne s'applique pas, est de 738 hectares. Or, dès lors que le maintien des surfaces en cause porte à 267,53 hectares la surface d'exploitation du GAEC, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur en estimant que sa situation relevait du rang de priorité n°1 f).

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA D... Matthieu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCEA D... Matthieu demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEA D... Matthieu une somme de 1 500 euros à verser au GAEC C... RJL au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCEA D... Matthieu est rejetée.

Article 2 : La SCEA D... Matthieu versera au GAEC C... RJL une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA D... Matthieu, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et au GAEC C... RJL.

Copie en sera adressée au préfet de la région Grand Est.

2

N° 19NC02800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02800
Date de la décision : 06/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-06;19nc02800 ?
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