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18/03/2021 | FRANCE | N°20NC02796

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 mars 2021, 20NC02796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 18 août 2020 par lesquels le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence.

Par un jugement no 2005175 du 26 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septe

mbre 2020, M. C... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 18 août 2020 par lesquels le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence.

Par un jugement no 2005175 du 26 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2020, M. C... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif du 26 août 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 18 août 2020 par lesquels le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le délai dont il disposait pour déposer un mémoire complémentaire n'a pas été respecté d'une part, et que le principe du contradictoire n'a pas été respecté d'autre part ;

- la compétence du signataire de l'arrêté contesté n'est pas établie ;

- l'arrêté contesté lui a été notifié sans qu'il bénéficie de l'assistance d'un interprète en violation de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le risque de fuite n'est pas établi ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet du Haut-Rhin n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, est entré irrégulièrement en France en 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 septembre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 février 2019. Par un arrêté du 30 août 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Ayant constaté le maintien irrégulier de l'intéressé sur le territoire français, à la suite de son interpellation par les services de police, par un arrêté du 18 août 2020, le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un second arrêté du même jour, le préfet a assigné l'intéressé à résidence. Par un jugement du 26 août 2020, dont M. B... fait appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / III. _ En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. (...) /L'étranger faisant l'objet d'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 peut, dans le même délai, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être contestées dans le même recours lorsqu'elles sont notifiées avec la décision d'assignation. /Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l'étranger si celui-ci est retenu en application de l'article L. 551-1 du présent code. Si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il peut statuer dans cette salle. L'audience peut se tenir dans cette salle et le juge siéger au tribunal dont il est membre, relié à la salle d'audience, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission. La salle d'audience située à proximité du lieu de rétention et celle du tribunal administratif sont ouvertes au public. /L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. /L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office ".

3. Aux termes de l'article R. 776-13 du code de justice administrative : " Les délais donnés aux parties pour fournir leurs observations doivent être observés, faute de quoi il peut être passé outre sans mise en demeure. Aux termes de l'article R. 776-24 du même code : " Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou par le magistrat désigné, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations ". Aux termes de l'article R. 776-26 du même code : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".

4. D'une part, M. B... ne peut utilement soutenir que le magistrat désigné a méconnu les dispositions de l'article R. 776-12 du code de justice administrative selon lesquelles " Lorsqu'une requête sommaire mentionne l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au greffe du tribunal administratif dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. (...) " dès lors qu'elles sont applicables en cas de contestation d'une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non à une mesure d'éloignement prise, comme en l'espèce, sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1, dont la contestation est soumise, lorsque l'étranger est en outre assigné à résidence, à la procédure spéciale prévue par les dispositions des articles R. 776-13-1 à R. 776-13-3 et R. 776-14 à R. 776-28.

5. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que, compte tenu du délai de quatre-vingt-seize heures imparti au magistrat désigné pour statuer et des conditions de son intervention, les parties peuvent présenter à l'audience, après son rapport, des observations orales, des documents et des moyens nouveaux jusqu'à la clôture d'instruction qui n'intervient qu'à l'issue de leurs observations orales. Ainsi, il appartenait à M. B..., informé de la date d'audience, de produire, le cas échéant, avant la clôture d'instruction des écritures complémentaires ou des observations orales. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'en statuant avant l'expiration du délai de quinze jours prévu par l'article R. 776-12 du code de justice administrative, le magistrat désigné a entaché son jugement d'irrégularité.

6. Enfin, les dispositions des articles R. 776-13-1 à R. 776-13-3 et R. 776-14 à R. 776-28 applicables au recours contre une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas que les observations produites en défense par l'administration doivent être communiquées au requérant. En l'absence de dispositions expresses, le principe général du caractère contradictoire de la procédure n'imposait pas une telle communication, dès lors que le requérant, régulièrement averti du jour de l'audience, a été mis en mesure de prendre connaissance de ces observations qui, par ailleurs, ont été communiquées via l'application télérecours à son conseil le matin même du jour de l'audience. Par suite, M. B..., qui ne conteste pas avoir été averti du jour de l'audience, et qui n'était d'ailleurs ni présent, ni représenté, n'est pas davantage fondé à soutenir que la production d'un mémoire en défense par le préfet le jour même de l'audience, conformément au délai que lui avait imparti le magistrat désigné, a méconnu le principe du contradictoire et, par suite, entaché d'irrégularité le jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, M. B... se borne à reprendre en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés litigieux. Il y a lieu d'écarter ce moyen, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du tribunal au point 2 du jugement attaqué et qui n'appellent aucune précision en appel.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ".

9. S'il ressort des pièces du dossier que les arrêtés litigieux ont été notifiés à M. B... sans l'assistance d'un interprète alors même qu'il est constant qu'il ne comprend pas le français, cette circonstance, qui a pour effet de s'opposer au déclenchement du délai de recours, est par elle-même sans incidence sur la légalité des arrêtés contestés.

10. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. M. B... se prévaut de sa relation amoureuse avec une ressortissante française, enceinte depuis trois mois de leur enfant et qui a besoin de lui à ses côtés compte tenu de ses problèmes cardiaques. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a rencontré sa compagne, sous curatelle renforcée, en septembre 2019 et qu'ils ont une communauté de vie au mieux établie depuis le mois de décembre 2019, soit moins d'un an à la date de la mesure d'éloignement. Les certificats médicaux produits en appel mentionnant la nécessité pour la compagne du requérant de se soumettre à un suivi médical cardiologique renforcé ne sont pas de nature à établir que la présence de l'intéressé serait indispensable à ses côtés, alors qu'auparavant, elle vivait seule. En outre, M. B... n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où résident ses parents. Dans ces conditions, compte tenu du caractère récent du mariage et de la brièveté de la durée de la communauté de vie de l'intéressé avec sa compagne à la date de la décision litigieuse, et nonobstant la grossesse en cours, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision a été prise. Le préfet n'a, par suite, ni commis une erreur de droit, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. B....

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ".

13. En premier lieu, la décision en litige, qui vise notamment les dispositions du des d et h du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que si M. B... dispose d'un passeport authentique et valide ainsi que d'une adresse connue, il présente un risque sérieux de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il ne peut justifier être entré régulièrement en France, qu'il n'a pas sollicité la régularisation de sa situation, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et enfin qu'il a déclaré, lors de son audition, vouloir rester en France. Par suite, elle comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

14. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., les circonstances mentionnées par le préfet du Haut-Rhin sont de nature à faire présumer un risque de fuite. Par suite, en refusant de lui accorder un délai de départ, le préfet du Haut-Rhin n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour M. C... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.

N° 20NC02796 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02796
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BENTAYEB

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-18;20nc02796 ?
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