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18/03/2021 | FRANCE | N°19NC01441

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 mars 2021, 19NC01441


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702729 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mai 2019 et 13 mai 2020, M. D... A..., représenté

par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 février 2019 par lequel le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702729 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mai 2019 et 13 mai 2020, M. D... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il ne peut être regardé comme étant domicilié fiscalement en France au cours des années 2011 à 2015 au sens de l'article 4 B du code général des impôts et de la convention fiscale signée entre la France et les Emirats arabes unis ;

- si ses rémunérations étaient imposables en France, il peut bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 81 A du code général des impôts et de la doctrine administrative applicable ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement des Emirats arabes unis en vue d'éviter les doubles impositions du 19 juillet 1989 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de son activité salariée, M. A... a été détaché aux Emirats arabes unis par son employeur, la société suisse Ovivo Switzerland AG. Il a indiqué, dans sa déclaration de revenus déposée en France, percevoir des salaires exonérés de l'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause cette exonération. Par proposition de rectification du 24 octobre 2016, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes. M. A... relève appel du jugement du 26 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la domiciliation fiscale de M. A... :

2. Si une convention bilatérale conclue entre la France et les Emirats arabes unis en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

Au regard du droit interne :

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; (...) ". Pour l'application des dispositions du a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

4. Il est constant que l'épouse et les enfants de M. A... ont résidé en France durant les années en litige et occupaient la maison dont il était propriétaire en France. Dans ces conditions, la circonstance que M. A... aurait eu, pour l'essentiel de la période en litige, le lieu de son séjour principal aux Emirats arabes unis était sans incidence sur l'établissement de son domicile fiscal en France, qui résultait en particulier de ce qu'il avait en France le centre de ses intérêts familiaux. M. A... doit donc être regardé comme ayant eu, au cours des années en cause, son foyer en France au sens des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts. Il est, dès lors, imposable en France à raison de l'ensemble de ses revenus en vertu des dispositions précitées de l'article 4 A du même code.

Au regard du droit conventionnel :

5. Aux termes de l'article 13 de la convention entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement des Emirats arabes unis en vue d'éviter les doubles impositions : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 14, 15 et 16, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un Etat reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre Etat ne sont imposables que dans le premier Etat si : a) Le bénéficiaire séjourne dans l'autre Etat pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 183 jours au cours de l'année fiscale considérée, et b) Les rémunérations sont payées par un employeur ou pour le compte d'un employeur qui n'est pas un résident de l'autre Etat, et c) La charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l'employeur a dans l'autre Etat. ". Aux termes de l'article 19 de cette même convention : " Dispositions pour éliminer les doubles impositions en ce qui concerne la France (...) 2. Lorsqu'une personne qui est un résident des Emirats arabes unis ou qui y est établie est fiscalement domiciliée en France au sens du droit interne français ou est une filiale contrôlée directement ou indirectement à plus de 50 p. cent par une société dont le siège de direction est en France, les revenus de cette personne sont imposables en France nonobstant toute autre disposition de la présente Convention. / Dans ce cas, pour tous les revenus imposables dans les Emirats arabes unis en vertu de la présente Convention, la France impute sur l'impôt afférent à ces revenus le montant de l'impôt perçu par les Emirats arabes unis. ".

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. A..., s'il n'est pas contesté qu'il résidait dans les Emirats arabes unis au cours de la période en litige, doit être regardé comme fiscalement domicilié en France au sens du droit interne français. Le requérant n'est pas fondé à soutenir que la société qui l'emploie n'est pas contrôlée directement ou indirectement à plus de 50 % par une société dont le siège de direction est en France dès lors que cette condition n'est imposée qu'aux contribuables ayant la qualité de personnes morales et ne lui est donc pas applicable . Il s'ensuit, comme le soutient le ministre, que les stipulations du 2 de l'article 19 de la convention conclue entre la France et les Emirats arabes unis font obstacle à ce que M. A... puisse être considéré comme résident fiscal des Emirats arabes unis. Par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'un conflit de résidence entre la France et les Emirats arabes unis qui justifierait l'application de la convention fiscale conclue entre ces Etats.

En ce qui concerne le bien fondé des rehaussements :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article 81 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. / L'employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. / L'exonération d'impôt sur le revenu mentionnée au premier alinéa est accordée si les personnes justifient remplir l'une des conditions suivantes : / 1° Avoir été effectivement soumises, sur les rémunérations en cause, à un impôt sur le revenu dans l'Etat où s'exerce leur activité et sous réserve que cet impôt soit au moins égal aux deux tiers de celui qu'elles auraient à supporter en France sur la même base d'imposition ; / 2° Avoir exercé l'activité salariée dans les conditions mentionnées aux premier et deuxième alinéas : / - soit pendant une durée supérieure à cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois consécutifs lorsqu'elle se rapporte aux domaines suivants : a) Chantiers de construction ou de montage, installation d'ensembles industriels, leur mise en route, leur exploitation et l'ingénierie y afférente ; b) Recherche ou extraction de ressources naturelles ; c) Navigation à bord de navires immatriculés au registre international français, - soit pendant une durée supérieure à cent vingt jours au cours d'une période de douze mois consécutifs lorsqu'elle se rapporte à des activités de prospection commerciale. "

8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

9. Il résulte de l'instruction et notamment de la réponse aux observations du contribuable du 23 novembre 2016, que l'administration a refusé à M. A... le bénéfice des dispositions précitées de l'article 81 A du code général des impôts en lui opposant la circonstance que son employeur, qui a son siège en Suisse, n'était pas établi en France ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

10. M. A... soutient que les rémunérations perçues au cours de la période en litige peuvent être exonérées de l'impôt sur le revenu en France puisqu'elles ont été la contrepartie de la mission qu'il a accomplie aux Emirats arabes unis au bénéfice de la société Ovivo Aqua Austria GmbH, société établie en Autriche. S'il ne conteste pas être employé par la société suisse Ovivo Switzerland AG, il se prévaut d'un contrat de détachement du 18 novembre 2011 relatif à sa mission au bénéfice de la société Aqua Engineering GmbH, située à Sharjah aux Emirats arabes unis. Le requérant produit également une attestation de la société Ovivo Aqua Austria GmbH du 7 mai 2013, qui a donné tout pouvoir à M. A... pour la représenter aux Emirats arabes unis. Il indique, à l'appui d'un organigramme du groupe, que cette société située à Sharjah est une filiale à 100 % de la société autrichienne Ovivo Aqua Austria GmbH.

11. Cependant, le contrat de détachement du 18 novembre 2011 établi entre M. A... et son employeur, la société suisse Ovivo Switzerland AG, s'appuie sur le contrat de travail de l'intéressé et mentionne qu'il en est complémentaire. Il est notamment prévu aux points 1.5 et 1.6 de ce contrat que les accréditations et autorisations sont délivrées par la société suisse et que M. A... est tenu de rendre compte en continu de son activité auprès du directeur exécutif de la société suisse. Son salaire de base est payé par la société suisse et fixé selon les mêmes critères que les salariés de cette société (point 3.3), tandis que ses régimes de sécurité sociale et de retraite demeurent ceux applicables en Suisse (points 5.2 et 6.2). Les règles relatives à ses arrêts maladie et à ses congés sont également celles applicables aux salariés de la société suisse Ovivo Switzerland AG (points 8.3 et 10.1). Ces éléments démontrent que le lien contractuel durant la période de détachement est maintenu entre M. A... et la société suisse Ovivo Switzerland AG. Si l'attestation de la société Ovivo Switzerland AG du 28 février 2017 indique que les rémunérations versées à M. A... dans le cadre de son détachement ont été supportées par la société Aqua Engineering GmbH et s'il n'est pas contesté que les prestations fournies par M. A... bénéficiaient à une succursale d'une société autrichienne, ces circonstances sont sans incidence dès lors qu'elles relèvent uniquement d'une adaptation des conditions de travail de M. A.... Il résulte de ces éléments que pour l'application de l'article 81 A du code général des impôts, M. A... doit être regardé comme ayant été envoyé aux Emirats arabes unis par la société Ovivo Switzerland AG, établie en Suisse. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration lui a refusé le bénéfice de l'exonération à l'impôt sur le revenu des rémunérations perçus durant sa mission aux Emirats arabes unis.

S'agissant du bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

12. M. A... doit être regardé comme se prévalant, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-RSA-GEO-10-20-20130310 qui énonce en son paragraphe 120 que " C'est entre cet employeur et le salarié exerçant une activité à l'étranger que doit exister le lien contractuel pour que ce dernier puisse prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 81 A du CGI. Lorsque ce lien existe, il n'y a pas lieu de se préoccuper de savoir dans quel État est payée la rémunération en totalité ou en partie. De même, le fait que le salaire soit supporté par l'entreprise installée en France, dans un autre État membre de l'UE ou de l'EEE ayant conclu une convention d'assistance administrative avec la France, ou supporté par l'un de ses établissements ou même par l'une de ses filiales établie en dehors de la France ou d'un de ces États demeure sans incidence. ". Le paragraphe 110 énonce que " L'employeur s'entend de l'entité juridique à laquelle le salarié est contractuellement lié. ". En outre, le paragraphe 90 impose que " L'employeur doit être établi en France, ou dans un autre État membre de l'UE, ou dans un État partie à l'accord sur l'EEE ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (cas de l'Islande, de la Norvège et du Liechtenstein qui a conclu avec la France un accord d'échanges de renseignements). ". Si les dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations.

13. A supposer même que cette doctrine donne une interprétation différente de la loi, M. A... n'entre pas dans les prévisions de cette doctrine eu égard à ce qui a été dit au point 11. Par suite, le requérant ne saurait en tout état de cause utilement se prévaloir d'une interprétation différente de la loi.

En ce qui concerne les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ". Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; (...) "

15. Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré prévue par le a de l'article 1729 du CGI a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.

16. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré à l'encontre de M. A..., l'administration fiscale s'est fondée sur le courrier adressé à M. A... le 10 juillet 2014, dans lequel elle lui indiquait que les salaires versés par la société Ovivo pour son travail aux Emirats arabes unis ne pouvait pas être exonérés et devaient être imposés en France.

17. Il résulte de l'instruction que le courrier adressé le 10 juillet 2014 à M. A... indique sommairement à l'intéressé qu'il ne peut pas bénéficier des dispositions de l'article 81 A du code général des impôts, la Suisse n'étant pas membre de l'espace économique européen et qu'il y a lieu d'appliquer la convention fiscale entre la France et les Emirats arabes unis. En outre, M. A... n'a pas dissimulé les salaires perçus au titre de son emploi aux Emirats arabes unis. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'intervention de plusieurs sociétés de groupe Ovivo et aux particularités de l'application d'une convention internationale, et en dépit de ce que le service a pris position sur le fait que M. A... ne peut bénéficier du régime d'exonération de l'article 81 A du code général des impôts, le comportement du requérant, au regard des conditions ouvrant droit à ce régime d'exonération, ne saurait s'analyser comme une volonté de sa part d'éluder l'impôt, mais relève d'une controverse juridique concernant l'interprétation du texte fiscal dans laquelle celle défendue par l'administration fiscale ne ressort pas directement des termes de la loi. Dès lors, par le motif invoqué, l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve de l'intention délibérée de M. A... d'éluder l'impôt dû à raison des salaires versés par la société Ovivo Switzerland AG. Par suite, M. A... est fondé à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré au titre des années 2013, 2014 et 2015.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg ne lui a pas accordé la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui ont été mises à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : M. A... est déchargé des pénalités pour manquement délibéré qui ont été mises à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1702729 du 26 février 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC01441


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01441
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ARSÉGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-18;19nc01441 ?
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