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16/03/2021 | FRANCE | N°20NC00661

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 16 mars 2021, 20NC00661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2020 par lequel le préfet du Doubs a ordonné son transfert aux autorités allemandes et la décision prise le même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n°2000227 du 13 février 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2020, M. B..., représenté p

ar Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du président du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2020 par lequel le préfet du Doubs a ordonné son transfert aux autorités allemandes et la décision prise le même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n°2000227 du 13 février 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du président du tribunal administratif de Besançon du 13 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision du préfet du Doubs 31 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

sur l'arrêté de transfert :

- l'arrêté n'est pas motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et approfondi de sa situation ;

- l'arrêté de transfert a été pris en méconnaissance des dispositions combinées de l'article 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire allemand à la suite du rejet de sa demande d'asile ;

sur la décision d'assignation à résidence :

- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté de transfert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une lettre du 12 octobre 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête compte tenu de l'expiration du délai de six mois courant à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date de notification du jugement par lequel le tribunal administratif a statué au principal, ce qui a rendu la France responsable de la demande de protection internationale de M. B....

Par un mémoire en réponse au moyen relevé d'office enregistré le 15 octobre 2020, le préfet du Doubs indique que l'Allemagne est toujours l'Etat compétent pour examiner la demande d'asile de l'intéressé qui a été déclaré en fuite.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, est entré sur le territoire français irrégulièrement le 15 octobre 2019 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé qu'il avait sollicité préalablement l'asile en Allemagne. Les autorités allemandes, saisies par le préfet du Doubs d'une demande de reprise en charge, ont fait connaître explicitement leur accord le 27 novembre 2019. Par un arrêté et une décision du 31 janvier 2020, le préfet du Doubs a, d'une part, décidé le transfert de M. B... aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence. M. B... fait appel du jugement du 13 février 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'arrêté portant transfert auprès des autorités allemandes :

2. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.

3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. L'arrêté prononçant le transfert de M. B... aux autorités allemandes vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement n° 1560/2003 portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. B..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque M. B... a déposé une demande d'asile, précise que la consultation du système Eurodac a montré que M. B... était connu des autorités allemandes auprès desquelles il avait sollicité l'asile et indique que les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge en application de l'article 18-1 b) du règlement 604/2013. Cet arrêté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait fondant son transfert vers l'Allemagne, conformément aux exigences rappelées aux points 2 à 4 du présent arrêt. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Doubs n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B... doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. M. B... soutient que son retour en Afghanistan l'exposerait à des risques de mauvais traitements eu égard à la situation dans son pays, en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 précités.

9. L'arrêté attaqué a cependant seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non dans son pays d'origine. Si les autorités allemandes ont rejeté la demande d'asile présentée par le requérant le 7 octobre 2019 et lui ont ordonné de quitter le territoire allemand, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance ferait obstacle à ce que l'intéressé conteste, devant les juridictions allemandes compétentes, la légalité de cette décision d'éloignement, ni qu'il puisse demander auprès des autorités allemandes un nouvel examen de sa situation au regard du droit d'asile. En outre, en se bornant à citer des rapports et articles de presse relatifs aux taux d'expulsions et de protections accordées par l'Allemagne en comparaison à la France, le requérant n'établit ni que les autorités allemandes feraient structurellement ou systématiquement obstacle à l'enregistrement et au traitement d'une nouvelle demande d'asile, ni qu'une telle demande ne serait pas examinée par ces mêmes autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dans ces conditions, le requérant n'établit, par ses seules allégations, ni que son transfert vers l'Allemagne entraînerait automatiquement son retour vers l'Afghanistan, ni les conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un tel retour. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement européen du 26 juin 2013.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par le requérant de ce que l'arrêté portant assignation à résidence devrait être annulé, par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant transfert auprès des autorités allemandes, ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 20NC00661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00661
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MAILLARD-SALIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-16;20nc00661 ?
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