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16/03/2021 | FRANCE | N°20NC00543

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 16 mars 2021, 20NC00543


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A..., épouse D..., et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 31 juillet 2019 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de renouveler leurs attestations de demande d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Grèce comme pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par un jugement n°1906142-1906143 du 18 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du trib

unal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A..., épouse D..., et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 31 juillet 2019 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de renouveler leurs attestations de demande d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Grèce comme pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par un jugement n°1906142-1906143 du 18 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mars 2020, M. et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 octobre 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Moselle du 31 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour et, subsidiairement de réexaminer leur situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à leur conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- le tribunal a commis une erreur de droit dès lors que les dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018, ne leur étaient pas applicables, leur demande de transfert de protection ayant été enregistrée avant leur entrée en vigueur le 1er mars 2019 ;

- le préfet aurait dû solliciter leurs observations préalablement au prononcé des arrêtés litigieux ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu des conditions d'existence faites aux exilés en Grèce ;

s'agissant des décisions fixant le pays de destination :

- elles ne sont pas motivées ;

- ils encourent des risques de traitements inhumains en cas de retour en Grèce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir, en se référant à ses écritures de première instance, qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants syriens nés respectivement les 3 février 1986 et 7 août 1988, sont entrés en France le 7 février 2018, accompagnés de leurs deux enfants. Ils ont chacun déposé une demande d'asile qui a été rejetée pour irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par des décisions du 18 octobre 2018, au motif qu'ils bénéficiaient de la protection internationale accordée par les autorités grecques. Ces décisions de rejet ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 10 mai 2019. Par deux arrêtés du 31 juillet 2019, le préfet de la Moselle a refusé de renouveler leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Grèce comme pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

3. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. M. et Mme D... ont sollicité le 16 mars 2018 la reconnaissance du statut de réfugié. Ils ont ainsi été conduits à préciser à l'administration les motifs pour lesquels ils demandaient que leur soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de leur demande, notamment la circonstance qu'ils étaient bénéficiaires d'une protection internationale accordée par les autorités grecques depuis le 22 décembre 2016 et qu'ils s'estimaient insuffisamment protégés dans ce pays. Ils ont à cet égard bénéficié d'un entretien le 29 juin 2018. Il leur appartenait, lors du dépôt de cette demande d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'ils jugeaient utiles. Le droit des intéressés d'être entendus, ainsi satisfait avant que l'administration statue sur leur demande d'asile, n'imposait pas à l'autorité administrative de mettre les intéressés à même de réitérer leurs observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, qui n'a en tout état de cause pas été rejeté par les premiers juges sur le fondement de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que les demandes d'asile des intéressés ont été rejetées pour irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par des décisions du 18 octobre 2018, au motif qu'ils bénéficiaient de la protection internationale accordée par les autorités grecques. Ces décisions ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 10 mai 2019. Ainsi, le préfet a pu légalement obliger les intéressés à quitter le territoire sur le fondement du 6° de l'article L. 511-11 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance, au demeurant non établie, que la Grèce n'offrirait pas aux personnes ayant bénéficié du statut de réfugié des conditions minimums d'accueil garanties aux demandeurs d'asile est sans incidence sur la légalité des mesures d'éloignement en litige.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

6. En premier lieu, les décisions contestées visent les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précisent que les intéressés sont bénéficiaires d'une protection internationale accordée par les autorités grecques, qui leur ont délivré un titre de séjour. Les décisions litigieuses sont ainsi suffisamment motivées en tant qu'elles fixent le pays à destination duquel M. et Mme D... pourront être éloignés.

7. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par adoption des motifs du point 10 du jugement attaqué.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., épouse D..., à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 20NC00543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00543
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-16;20nc00543 ?
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