Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Pont-à-Mousson l'a licenciée pour inaptitude physique.
Par un jugement n° 1802352 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mai 2019, Mme A..., née G..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Pont-à-Mousson l'a licenciée pour inaptitude physique ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Pont-à-Mousson la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande d'aide juridictionnelle a interrompu le délai de recours contentieux ;
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que sa demande de première instance n'était pas tardive ;
- l'arrêté du 7 juin 2018 est entaché d'illégalité, faute pour la commune d'avoir respecté son obligation de reclassement en méconnaissance de l'article 41 du décret du 20 mars 1991 ;
- l'avis du comité médical départemental est irrégulier, en l'absence de précisions sur les modalités de sa saisine, sur sa composition et faute de préciser si une expertise a été réalisée par un médecin spécialiste ;
- son inaptitude ne résulte que de l'absence de prise en compte par la commune des préconisations du médecin de prévention pour l'aménagement de son poste de travail ;
- le constat de son inaptitude à toutes fonctions est erroné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2019, la commune de Pont-à-Mousson, représentée par Me C... conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Mme A... n'a pas justifié du dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle avant la clôture de l'instruction dans les délais qui lui étaient impartis ;
- sa requête d'appel est tardive ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., présidente assesseur,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour la commune de Pont-à-Mousson.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui a la qualité de travailleur handicapé depuis le 19 avril 1985, a été titularisée en qualité d'adjoint administratif titulaire à temps non complet par la commune de Pont-à-Mousson à compter du 1er novembre 2008. Le 2 mars 2018, le comité médical départemental l'a déclarée inapte, de manière totale et définitive, à l'exercice de toutes fonctions. Par un arrêté du 7 juin 2018, le maire de Pont-à-Mousson l'a licenciée pour inaptitude physique à l'exercice de toutes fonctions. Par un jugement du 19 mars 2019, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Nancy a été notifié à Mme A... le 20 mars 2019. Par suite, sa requête d'appel, enregistrée le 21 mai 2019 au greffe de la cour, n'est pas tardive. La fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Pont-à-Mousson ne peut, en conséquence, qu'être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes d'une part de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. "
4. Aux termes d'autre part, de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance (...), l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré ". En vertu du premier alinéa de l'article 56 du décret du 19 décembre 1991, le délai de ce recours " est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé ".
5. Il résulte de la combinaison de l'article 38 et du premier alinéa de l'article 56 du décret du 19 décembre 1991 et du deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 cités au point précédent qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 7 juin 2018 contesté a été notifié à Mme A... le 9 juin suivant. Le 2 août 2018, Mme A... a déposé une demande d'aide juridictionnelle, qui a interrompu le délai de recours contentieux de deux mois dont elle disposait pour contester cet arrêté, en application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique cité au point 3. Sa demande d'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 18 janvier 2019, qui lui a été notifiée le 14 février 2019. Le dépôt de la demande d'aide juridictionnelle de Mme A..., le 2 août 2018, a interrompu le délai de recours contentieux qui n'a recommencé à courir qu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision d'aide juridictionnelle, le 14 février 2019. Par suite, la requête présentée par Mme A..., enregistrée le 14 août 2018 au greffe du tribunal administratif de Nancy, n'était pas tardive.
7. Il suit de là que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande au motif de sa tardiveté. Le jugement du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Nancy, qui est entaché d'irrégularité, doit, en conséquence, être annulé.
8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nancy.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 juin 2018 :
9. Aux termes de l'article 34 du décret du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, applicable à la situation de Mme A... : " Le fonctionnaire relève du régime général de la sécurité sociale pour l'ensemble des risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès et accidents du travail couverts par ce régime. ". L'article 36 du même décret énonce que : " En cas d'affection dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée, le fonctionnaire bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / (...) L'intéressé est soumis à l'examen d'un spécialiste agréé compétent pour l'affection en cause. Le congé est accordé par décision de l'autorité territoriale ou décision conjointe des autorités territoriales dont il relève sur avis du comité médical saisi du dossier. / Le congé pour grave maladie peut être accordé par période de trois à six mois. L'agent qui a épuisé un congé de grave maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature s'il n'a repris auparavant l'exercice de ses fonctions pendant un an. ". Selon l'article 41 du même décret, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire qui est définitivement inapte physiquement à l'exercice de ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident de travail, de maladie professionnelle, de maternité, de paternité ou d'adoption ou de la période de disponibilité accordée au titre de l'article 40 ci-dessus et qui ne peut être reclassé en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé est licencié. / (...) Le cas échéant, le licenciement est différé jusqu'à l'expiration des droits statutaires à congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail ou de maladie professionnelle ".
10. En premier lieu, en se bornant à alléguer que les modalités de la saisine et la composition du comité médical ne sont pas précisées, Mme A... n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui du moyen tiré du caractère irrégulier de l'avis du comité médical du 2 mars 2018.
11. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 36 du décret du 20 mars 1991 citées au point 9 du présent arrêt que le fonctionnaire qui demande à bénéficier d'un congé de grave maladie doit être examiné par un spécialiste de l'affection en cause. En l'espèce, Mme A... ne conteste toutefois que la décision de licenciement du 7 juin 2018 qui a pris effet le 29 juin 2018, postérieurement à l'épuisement de ses droits à congé de grave maladie, le 28 juin 2018. Or, il ne ressort pas des dispositions du décret du 20 mars 1991 citées au point 9, que le fonctionnaire devrait être examiné par un spécialiste lorsque le comité médical se prononce sur son inaptitude physique à l'exercice de ses fonctions ou de toutes fonctions. Mme A... n'invoque aucune autre disposition législative ou réglementaire instituant une telle obligation. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure entachant la décision de licenciement en l'absence d'examen de la situation de Mme A... par un médecin spécialiste doit être écarté.
12. En troisième lieu, en se bornant à soutenir, sans pour autant l'établir, que le constat de son inaptitude à exercer ses fonctions d'agent d'accueil au sein de la commune de Pont-à-Mousson résulterait du refus de la commune de prendre en compte les recommandations du médecin de prévention du 16 mai 2017 relatives à l'aménagement, notamment ergonomique, de son poste et à ses horaires de travail, Mme A... ne conteste pas sérieusement les conclusions du comité médical qui a estimé que son état de santé la rendait inapte à toute fonction. Par suite, le moyen tiré de ce que le constat de son inaptitude à l'exercice de toutes fonctions serait erroné doit être écarté.
13. En dernier lieu, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en oeuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.
14. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, le comité médical a constaté l'inaptitude de Mme A... à l'exercice de toutes fonctions, son reclassement était impossible. Le maire de la commune de Pont-à-Mousson n'était, en conséquence, pas tenu de lui adresser une proposition de reclassement avant de prendre la décision de licenciement en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 7 juin 2018 serait illégal en ce qu'il n'a été précédé d'aucune proposition de reclassement doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pont-à-Mousson, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions que présente la commune de Pont-à-Mousson au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 du maire de la commune de Pont-à-Mousson est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Pont-à-Mousson au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Pont-à-Mousson.
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N° 19NC01531