Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement no 1902784 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 janvier 2020 et le 4 août 2020, M. B... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de preuve que le collège de médecins de l'Office française de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu un avis en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de la Marne s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne pourra pas accéder à un traitement adapté dans son pays d'origine ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet de la Marne n'a pas produit de mémoire en défense.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant géorgien, est entré en France, selon ses déclarations, en août 2018, pour solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 octobre 2018, confirmée par une décision du 11 septembre 2019 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 7 novembre 2019, pris sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 19 décembre 2019, dont M. E... fait appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 5114 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 5111 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 5114 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.(...) ".
3. Aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 31323 et R. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 5114 ou au 5° de l'article L. 5213 du même code est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er. (...) Dans tous les cas, l'étranger est tenu d'accomplir toutes les formalités nécessaires à l'établissement du certificat médical pour bénéficier de la protection qu'il sollicite ". Aux termes de l'article 11 du même arrêté : " Au vu du certificat médical, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 (...) émet un avis dans les conditions prévues à l'article 6 et au présent article et conformément aux modèles figurant aux annexes C et D du présent arrêté. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que lorsque, comme en l'espèce, le requérant sollicite la protection contre l'éloignement en se prévalant des dispositions du 10° de l'article L. 511-1 précité et produit à cet effet un certificat médical destiné à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rend un avis au vu du certificat médical produit par l'étranger.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, pour estimer que l'état de santé du requérant ne s'opposait pas au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Marne s'est borné, dans la décision en litige, à mentionner " M. B... E... a fait une demande de protection contre l'éloignement et que cette demande a été rejetée par un avis défavorable de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 11 octobre dernier ". Ainsi, le préfet de la Marne, qui n'a procédé à aucune appréciation personnelle de la situation de M. E..., ni même ne s'est approprié les termes de l'avis rendu par l'OFII, doit être regardé comme s'étant estimé lié par cet avis. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit et doit, pour ce motif être annulée. Les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination, privées de base légale, doivent, par voie de conséquence, être également annulées.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. B... E... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Marne.
N° 20NC00136 2