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23/02/2021 | FRANCE | N°18NC00227

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 23 février 2021, 18NC00227


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 23 juillet 2020, la cour a, sur la requête de Mme E... A..., enregistrée sous le n° 18NC00227 et tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Nancy et des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme totale de 116 709,24 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des conditions dans lesquelles se sont déroulées les consultations médicales des 24 juin 2013, 27 novembre 2013 et 27 janvier 2014 et des erreurs de diagnostic qui en sont résultés, annulé le jugeme

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Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 23 juillet 2020, la cour a, sur la requête de Mme E... A..., enregistrée sous le n° 18NC00227 et tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Nancy et des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme totale de 116 709,24 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des conditions dans lesquelles se sont déroulées les consultations médicales des 24 juin 2013, 27 novembre 2013 et 27 janvier 2014 et des erreurs de diagnostic qui en sont résultés, annulé le jugement n° 1602147 du 30 novembre 2017 du tribunal administratif de Strasbourg et ordonné avant dire droit une expertise médicale.

Le rapport d'expertise été enregistré au greffe de la cour le 8 décembre 2020.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 11 décembre 2020, le centre hospitalier universitaire de Nancy et les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, représentés par Me F..., concluent au rejet de la requête de Mme A... et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.

Ils soutiennent que, compte tenu des conclusions de l'expertise contradictoire effectuée le 21 octobre 2020, les prétentions indemnitaires de Mme A... ne sont pas fondées.

Vu :

- l'ordonnance du 5 janvier 2021 par laquelle la présidente de la cour a taxé et liquidé les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt du 23 juillet 2020 à la somme de 2 800 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

Sur la demande de Mme A... :

1. Aux termes du premier alinéa du premier paragraphe de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". Aux termes de l'article R. 4127-32 du même code : " Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises à la science, en faisant appel, s'il y a lieu à l'aide de tiers compétents ". Aux termes de l'article R. 4127-33 du même code : " Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés. ". Enfin, aux termes du premier paragraphe de l'article R. 4127-37 du même code dans sa rédaction alors applicable : " En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l'assister moralement. (...) ".

2. D'une part, il est constant que Mme A... a été examinée, le 24 juin 2013, par le professeur Pierre Kaminsky, responsable de l'unité de médecine interne orientée vers les maladies orphelines et systémiques au centre hospitalier universitaire de Nancy. Dans un courrier du 13 août 2013, adressé au médecin traitant, qui lui avait recommandé la patiente, ce dernier, après avoir averti que le cas de l'intéressée sortait du champ de sa compétence, s'est prononcé au vu notamment des explorations réalisées antérieurement aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, dont une IRM cérébrale et médullaire, et a estimé qu'il n'existait pas, selon lui, d'" argument pour une pathologie musculaire ou neurologique ". Le 27 novembre 2013, Mme A... a également été examinée par le professeur Jean-Paul Steib, chef du service de chirurgie du rachis au sein du pôle de l'appareil locomoteur des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui, considérant son cas comme " atypique ", a décidé, en accord avec la patiente, de soumettre son dossier médical à une consultation pluridisciplinaire de praticiens, qui s'est tenue le 27 janvier 2014, et a conclu à l'absence d'anomalie significative et a recommandé une prise en charge d'ordre psychiatrique. Si la requérante reproche aux deux praticiens mis en cause d'avoir évoqué respectivement à son égard un " théâtralisme " et un " un contexte de personnalité hystérique caractérisé ", il ne résulte pas de l'instruction que ces derniers auraient fait preuve d'un comportement inapproprié et désobligeant à son égard, de désinvolture, d'insuffisance caractérisée ou encore d'une absence de volonté réelle d'aboutir à un diagnostic sérieux et de se donner les moyens d'assumer l'obligation, qui leur incombe, de lui apporter les soins requis par son état de santé. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nancy et des Hôpitaux universitaires de Strasbourg serait engagée du fait des manquements de ces deux médecins aux obligations résultant des articles R. 4127-32, R. 4127-33 et R. 4127-37 du code de la santé publique.

3. D'autre part, Mme A... fait valoir que, contrairement aux médecins français, les neurochirurgiens de l'institut " Chiari, Siringomiela et Escoliosis " de Barcelone, à l'issue de l'examen médical du 22 janvier 2014 et de l'analyse de son dossier médical, ont été en mesure de diagnostiquer chez elle, dès le 28 janvier 2014, un syndrome de traction médullaire. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise du 12 novembre 2020, complété par les rapports d'expertises neurochirurgical et psychiatrique des 21 octobre et 7 novembre 2020, que le lien entre les troubles cliniques de l'intéressée et le syndrome de traction médullaire n'est pas démontré, que la section du filum terminal pratiquée sur la patiente le 4 mars 2014, si elle n'a pas engendré de séquelles, ne lui a finalement apporté aucun bénéfice significatif et que, au vu des éléments contenus dans le dossier médical de la requérante, l'abstention thérapeutique prônée par les médecins français était tout à fait justifiée. Les experts soulignent en outre que Mme A... souffre de troubles dissociatifs ou de conversion, qui la conduisent à se focaliser sur les manifestations symptomatiques et à exclure une prise en compte de la dimension psychogène, et insistent sur la nécessité d'une prise en charge psychiatrique ou psychologique. Ils en concluent qu'aucune erreur de diagnostic n'a été commise lors des consultations médicales des 24 juin 2013, 27 novembre 2013 et 27 janvier 2014. Par suite et alors que le courrier de Mme A... du 11 janvier 2021 n'est pas de nature à remettre en cause la pertinence des conclusions expertales, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par l'intéressée à ce titre ne peuvent qu'être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle :

4. Eu égard à ce qui vient d'être dit, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle tendant au remboursement de la somme de 6 611,85 euros, versée à Mme A... en conséquence de l'intervention chirurgicale réalisée le 3 novembre 2015 en Espagne, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant respectivement au versement de la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, à la réservation de ses droits à être indemnisée des frais futurs, à la condamnation solidaire des établissements défendeurs " en tous les dépens " et à la mise à leur charge solidaire de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les dépens :

5. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. ".

6. Il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'affaire, de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 800 euros par une ordonnance de la présidente de la cour du 5 janvier 2021, pour moitié, à la charge de Mme A... et, pour moitié, à la charge des défendeurs.

D E C I D E

Article 1er : La demande présentée par Mme A... en première instance et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 800 euros par une ordonnance de la présidente de la cour du 5 janvier 2021, sont, pour moitié, mis à la charge de Mme A..., et, pour moitié, mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Nancy et des Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour Mme E... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, au centre hospitalier universitaire de Nancy, aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg et à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente de la chambre,

- M. D..., premier conseiller,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.

Le rapporteur,

Signé : E. D...

La présidente,

Signé : S. C...

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 18NC00227 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00227
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-23;18nc00227 ?
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