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18/02/2021 | FRANCE | N°19NC03397

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 février 2021, 19NC03397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900681 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaire,

enregistrés le 22 novembre 2019, le 17 décembre 2019 et le 9 octobre 2020, M. D..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900681 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 novembre 2019, le 17 décembre 2019 et le 9 octobre 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 30 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, un récépissé avec droit au travail, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situations personnelle ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 1er octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stenger, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant nigérien né le 1er janvier 1978, est entré irrégulièrement en France le 24 décembre 2011 selon ses déclarations. Suite au rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 12 novembre 2014, confirmé par une décision du 21 mai 2015 de la cour nationale du droit d'asile, la préfète de la Manche a pris à son encontre une mesure d'éloignement le 19 octobre 2015 que le requérant n'a pas exécutée. Le 17 juillet 2018, il a sollicité la régularisation de sa situation administrative, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de son mariage, le 16 décembre 2017, avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 17 mai 2027. Par un arrêté du 30 novembre 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un droit au séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. L'intéressé relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 30 novembre 2018 :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui énonce de manière précise et circonstanciée les motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet pour refuser d'admettre au séjour M. D... est régulièrement motivé, notamment au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du vice de forme doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté contesté que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. D.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté comme manquant en fait.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si M. D... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le 24 décembre 2011, il ressort toutefois des pièces du dossier que, comme cela a été indiqué ci-dessus, la durée de sa présence sur le territoire français s'explique principalement par l'instruction de sa demande d'asile et la circonstance qu'il s'est maintenu illégalement sur le territoire français en dépit d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre le 19 octobre 2015 par la préfète de la Manche. Par ailleurs, M. D... se prévaut d'une relation de concubinage depuis 2015 puis de son mariage, le 16 décembre 2017, avec une ressortissante nigérienne titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2027 et mère de deux enfants français nés d'une précédente union, en 1995 et 2010. Toutefois, par les pièces qu'il produit, consistant en plusieurs attestations, M. D... n'établit pas la réalité et l'ancienneté d'une communauté de vie avec Mme C.... C'est ainsi que, l'attestation du 9 décembre 2019 rédigée par cette dernière, produite pour la première fois en appel, dans laquelle elle déclare entretenir une relation sentimentale avec M. D... depuis 2014 est contradictoire avec celle qu'elle avait rédigée le 12 décembre 2018, dans le cadre de la première instance, et dans laquelle elle avait indiqué qu'elle avait autorisé le requérant à utiliser son adresse à compter d'avril 2015 afin d'y recevoir son courrier, qu'il gardait sa fille le mercredi après-midi et les jours fériés, et qu'elle l'avait hébergé en février 2016, avant de nouer une relation sentimentale avec lui à compter de cette date. Par ailleurs, l'attestation rédigée le 13 décembre 2018 par la fille majeure de Mme C... ne fait état d'aucune relation de couple entre sa mère et le requérant. En outre, les pièces produites par M. D..., qui ne font état que d'une présence ponctuelle de l'intéressé auprès de la cadette de Mme C..., ne sont pas suffisantes pour considérer qu'il participe de manière effective à l'entretien et à l'éducation des enfants de son épouse. Enfin, M. D... n'établit pas qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine alors qu'il a déclaré être père de trois enfants résidant au Niger, nés d'une précédente union, et qu'il a résidé dans ce pays jusqu'à l'âge de 33 ans. Dans ces conditions et nonobstant ses efforts d'intégration en France et son implication en tant que bénévole au secours populaire depuis 2017, M. D... ne démontre pas l'existence de liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que le refus de séjour en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Dans ces conditions, le préfet du Doubs n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations précitées.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2.. (...)".

7. Si M. D... soutient qu'en raison de son mariage avec Mme C... le 16 décembre 2017 et du lien qu'il entretient avec les enfants de cette dernière, il avait droit à une régularisation de sa situation par l'octroi d'une autorisation de séjour à titre humanitaire, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, cette circonstance n'est pas susceptible, eu égard aux éléments précisés au point 5 du présent arrêt, de constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de cet article. Dès lors, le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14, qui en outre n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit en tout état de cause être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 31 août 2018. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, en l'attente, un récépissé avec droit au travail, dans un délai de huit jours suivant notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. D... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

N° 19NC03397 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03397
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-18;19nc03397 ?
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