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18/02/2021 | FRANCE | N°19NC02873-19NC02909

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 février 2021, 19NC02873-19NC02909


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Building a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, de l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des années 2011 et 2012, ainsi que l'amende prévue par l'article 1729 D du même code appliquée au titre des années 2011, 2012 et 2013.

M. et Mme A... B

... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer, en droits et pénalité...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Building a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, de l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des années 2011 et 2012, ainsi que l'amende prévue par l'article 1729 D du même code appliquée au titre des années 2011, 2012 et 2013.

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer, en droits et pénalités, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1606449, 1606921 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la SCI Building des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er septembre 2011 au 31 mai 2012 et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête et des pièces, enregistrées, sous le n° 19NC02873, les 24 et 26 septembre 2019, la SCI Building et M. et Mme A... B..., représentés par Me D... demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 18 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des demandes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour chacun des requérants ;

Ils soutiennent que :

- la vérification de comptabilité ne pouvait porter sur les revenus fonciers de M. et Mme B... dès lors qu'ils ne sont pas astreints à tenir une comptabilité ;

- il ne pouvait être dressé à l'encontre de la SCI Building un procès-verbal d'absence de présentation de comptabilité sous la forme dématérialisée ;

- le vérificateur a omis de leur adresser une mise en demeure de déposer des déclarations de bénéfices industriels et commerciaux conformément aux articles L. 67 et L. 73 du livre des procédures fiscales avant de requalifier les revenus fonciers de bénéfices industriels et commerciaux ; la procédure de rectification contradictoire ne pouvait être mise en oeuvre sans qu'au préalable le contribuable ait déposé ces déclarations ;

- l'administration ne pouvait appliquer l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts sans établir un procès-verbal ; si la mention de cette amende dans la proposition de rectification était jugée régulière, la procédure contradictoire a été méconnue car l'avis de mise en recouvrement de cette amende a été notifié avant la réunion de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 16 novembre 2015 ;

- les amendes fondées sur l'article 1729 D du code général des impôts étant directement liées à la procédure de vérification, elles ne pouvaient pas être mises en recouvrement avant la fin de la procédure de contrôle et avant la réunion de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; l'administration n'est pas fondée à soulever l'irrecevabilité de ces conclusions dès lors que la SCI Building a toujours contesté ses obligations comptables ;

- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 933 euros, qui correspond à l'achat d'un véhicule dont la taxe n'a pas été déduite, n'est pas fondé ;

- le prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée doit être déterminé en fonction des m² loués selon la répartition proposée ;

- les locations portent sur des locaux nus contrairement à ce qu'a retenu l'administration ; les quelques meubles achetés n'entrent pas dans la définition donnée par l'instruction 4 F-3-09 n° 6 ;

- par voie de conséquence, les amendes de l'article 1729 D du code général des impôts ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à l'irrecevabilité des conclusions relatives à l'amende de l'article 1729 D de code général des impôts et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- la réclamation préalable du 30 mai 2016 ne visait pas l'amende de l'article 1729 D de code général des impôts ;

- les moyens soulevés par SCI Building et M. A... B... ne sont pas fondés.

Par lettre du 24 novembre 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions à fin de décharge de l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts (CE, 16 février 2009, société Atom, n° 274000).

Par lettre du 14 décembre 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la SCI Building se livrant à une activité commerciale à raison de ses locations de locaux garnis, elle est passible de l'impôt sur les sociétés en application du 2 de l'article 206 du code général des impôts. C'est par suite à tort que ses bénéfices ont été imposés entre les mains de ses associés dans la catégorie des revenus fonciers et des bénéfices industriels et commerciaux.

II.) Par une requête, enregistrée, sous le n° 19NC02909, le 3 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du 18 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la SCI Building des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 mai 2012 ;

2°) de rétablir ces impositions et les pénalités correspondantes à la charge de la SCI Building.

Il soutient que contrairement à ce que les premiers juges ont estimé, l'administration peut comprendre dans une nouvelle vérification de comptabilité une fraction de période d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ayant déjà fait l'objet d'une vérification, dès lors que cette fraction se trouve incluse à l'intérieur du délai de répétition prévu en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés ; la procédure d'imposition était ainsi régulière au regard de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la SCI Building et M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19NC02873 et 19NC02909 présentées respectivement par la SCI Building et M. et Mme B..., et le ministre de l'action et des comptes publics sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. La société civile immobilière (SCI) Building, créée le 1er septembre 2011 entre M. et Mme B... et ayant opté à la taxe sur la valeur ajoutée, a pour activité l'acquisition, l'administration et l'exploitation, par bail, ou autrement de tous immeubles bâtis ou non bâtis. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 décembre 2013. Par proposition de rectification du 25 juin 2014, l'administration a notifié à la SCI Building dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012, ainsi que l'amende prévue par l'article 1729 D du même code au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par proposition du même jour, l'administration a notifié à M. et Mme B... dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 assortie de majorations. La SCI Building et M. B... relèvent appel du jugement du 18 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement du 18 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la SCI Building des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 mai 2012.

Sur la recevabilité des conclusions à fin de décharge de l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts :

3. Aux termes de l'article 1840 J du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les infractions aux dispositions des articles L. 112-6 et L. 112-6-1 du code monétaire et financier sont passibles d'une amende conformément aux dispositions des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du même code. ". Aux termes de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.-Ne peut être effectué en espèces le paiement d'une dette supérieure à un montant fixé par décret, tenant compte du lieu du domicile fiscal du débiteur et de la finalité professionnelle ou non de l'opération. (...) ". Aux termes de l'article L. 112-7 du même code : " Les infractions aux dispositions des articles L. 112-6 et L. 112-6-1 sont constatées par des agents désignés par arrêté du ministre chargé du budget. (...) ".

4. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'amende infligée sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts n'entre pas, pour apprécier la recevabilité des conclusions à fin de décharge, dans le champ des pénalités et amendes soumises au régime contentieux déterminant le délai de recours en suivant les règles fixées aux articles L. 199 et R. 199-1 du livre des procédures fiscales. Cette amende relève au contraire du droit commun des recours de plein contentieux contre les sanctions que l'administration inflige à un administré.

5. D'autre part, il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an à compter de la date à laquelle le titre mettant à la charge du débiteur la sanction administrative lui a été notifié ou porté à sa connaissance.

6. Il résulte de l'instruction que l'amende infligée à la SCI Building sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts au titre des années 2011 au 2012 à la suite de règlement en espèces d'un de ses fournisseurs pour des montants supérieurs au seuil fixé par l'article D. 112-3 du code monétaire et financier, a été notifiée à la société par avis de mise en recouvrement du 26 novembre 2014. A supposer que les voies et délais de recours relatifs à la contestation de cette amende ne soient pas opposables à la société, la SCI Building n'a contesté le bien-fondé de cette amende que le 30 mai 2016. Il s'ensuit que la demande tendant à la décharge de cette amende est, en l'absence de circonstances particulières, tardive et par suite irrecevable.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre :

7. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. " et aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 200-2 du même livre : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration. ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur ne peut ni contester devant le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel des impôts autres que ceux qu'il a contestés dans sa réclamation préalable ni solliciter une décharge ou une réduction d'impôt d'un montant supérieur à celui qui a été sollicité par cette réclamation.

8. Le ministre soutient que les conclusions à fin de décharge de l'amende infligée à la SCI Building sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts n'étaient pas visées dans la réclamation présentée le 30 mai 2016 par la SCI Building et sont par suite irrecevables.

9. Il résulte de l'instruction que, par réclamation du 30 mai 2016, la SCI Building s'est bornée à contester les rappels de la taxe sur la valeur ajoutée mises à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, les rectifications en matière de revenus fonciers et de bénéfices industriels et commerciaux ainsi que les amendes notifiées sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts. La société n'est pas fondée à soutenir qu'en discutant de l'étendue de ses obligations comptables, elle doit être regardée comme ayant contesté l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts relative au défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, la SCI Building n'a pas sollicité explicitement une demande de dégrèvement de cette amende, imposition différente des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de revenus fonciers, de bénéfices industriels et commerciaux et des amendes de l'article 1840 J du code général des impôts, seuls contestés. Il s'ensuit qu'en formulant pour la première fois devant le tribunal administratif une demande de décharge de l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts, les conclusions de la SCI Building sont irrecevables comme l'ont retenu les premiers juges. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par le ministre doit être accueillie.

Sur les conclusions d'appel présentées par le ministre et le motif de décharge retenu par le tribunal :

10. Aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. / Toutefois, il est fait exception à cette règle : (...) 2° Dans les cas prévus à l'article L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ; (...) ". Aux termes de l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. (...) ". Ces dispositions permettent à l'administration de comprendre dans une nouvelle vérification, même si cela déroge aux prescriptions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, une fraction de période d'imposition ayant déjà fait l'objet d'une vérification, dès lors que cette fraction se trouve incluse dans un exercice qui se situe à l'intérieur du délai de répétition prévu à l'article L. 176 du même livre.

11. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, la SCI Building a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité portant sur cette taxe du 1er septembre 2011 au 31 mai 2012. Une notification d'absence de redressement du 13 septembre 2012 a été adressée à la société. Si la SCI Building a fait l'objet d'une seconde vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, étendue jusqu'au 31 décembre 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la période courant du 1er septembre 2011 au 31 mai 2012 se situait, au moment de cette seconde vérification, à l'intérieur du délai de répétition prévu en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. C'est par suite conformément aux dispositions précitées que l'administration a inclus, dans cette seconde vérification portant notamment sur la taxe sur la valeur ajoutée, les opérations de cette période qui avaient déjà été précédemment vérifiées. Il s'ensuit que le ministre est fondé à soutenir que la procédure d'imposition n'est pas entachée d'irrégularité sur ce point.

12. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales pour décharger la SCI Building des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 mai 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les conclusions d'appel présentées par la SCI Building et M. et Mme B... :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui ont été réclamés à la SCI Building :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

13. Aux termes de l'article 172 bis du code général des impôts : " Un décret précise la nature et la teneur des documents qui doivent être produits ou présentés à l'administration par les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés (...) ". Les articles 46 B et 46 C de l'annexe III au même code soumettent les sociétés immobilières mentionnées à l'article 172 bis du code général des impôts à des obligations déclaratives particulières et en vertu de l'article 46 D de la même annexe, ces sociétés " sont tenues de présenter à toute réquisition du service des impôts tous documents comptables ou sociaux, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des renseignements portés sur les déclarations prévues auxdits articles 46 B et 46 C. ". Il résulte de ces dispositions qu'afin d'examiner les documents comptables et autres pièces justificatives que l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts impose aux sociétés civiles immobilières qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés de tenir, l'administration peut légalement procéder à un contrôle sur place de ces documents, dans le respect des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés.

14. Eu égard aux obligations déclaratives résultant de l'assujettissement de la SCI Building à la taxe sur la valeur ajoutée et à celles imposées à toute SCI sur le fondement de l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts précités, les requérants ne sont pas en tout état de cause fondés à soutenir que la SCI Building n'était pas tenue de tenir une comptabilité.

S'agissant du bien-fondé de l'imposition :

15. En premier lieu, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) " En vertu du II de l'article 271 du même code, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est " a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ".

16. Il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations de contrôle, un crédit bancaire a été constaté au 4 décembre 2012 sur les comptes de la SCI Building concernant un versement de 17 900 euros. À défaut d'avoir obtenu des précisions concernant ce versement en espèces, l'administration a regardé ce crédit comme une recette toutes taxes comprises imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour son montant hors taxes. Le vérificateur en a déduit la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur cette opération.

17. Les requérants soutiennent que cette opération correspond à l'achat et la revente d'un véhicule pour lequel aucune taxe sur la valeur ajoutée n'a été déduite. Cependant, ni la facture d'achat du véhicule par la SCI Building du 22 novembre 2012 portant sur un montant de 18 000 euros, ni l'attestation de la personne ayant racheté ce même véhicule à la SCI le 3 décembre 2012, ne mentionnent de taxe sur la valeur ajoutée. La seule attestation produite par la personne ayant acquis le véhicule onze jours à peine après son achat par la SCI, faisant état d'un paiement total de 18 000 euros en espèces, ne permet pas de s'assurer de l'origine du versement en litige. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé le versement de 17 900 euros comme une recette et a calculé en conséquence une taxe sur la valeur ajoutée collectée.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de l'annexe II au même code " I.-Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II.- Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / (...)3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ; / IV.-1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. ".

19. Il résulte de ces dispositions que le coefficient de déduction est déterminé sur la base du seul chiffre d'affaires.

20. Il résulte de l'instruction s'agissant des dépenses correspondant exclusivement à l'activité ouvrant droit à déduction de location de locaux commerciaux et à celle exonérée de location de logements meublés, l'administration a calculé le coefficient de déduction à partir de la méthode de calcul fondée sur le chiffre d'affaires. Le coefficient retenu après décision d'acceptation partielle du 4 octobre 2016 est de 34,62 %. Les requérants proposent d'appliquer un coefficient fondé sur les surfaces des locaux commerciaux de 67,08 %. Cependant, une telle clé de répartition, qui au demeurant est fondée sur les seules surfaces des locaux dont l'activité de location ouvre droit à déduction, calculée à partir de la somme d'une superficie et d'une quote-part de lots de copropriété, n'est pas prévue par les dispositions de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à s'en prévaloir.

21. En troisième lieu, aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. ".

22. Une société civile donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts.

23. L'administration fiscale a considéré qu'en louant sept logements meublés dans un immeuble qu'elle détient à Mulhouse, la SCI Building s'était livrée à une activité de nature commerciale la plaçant dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 34 du code général des impôts. La SCI Building conteste le caractère meublé de ces locaux et soutient qu'il s'agissait en réalité de location de biens nus.

24. Il résulte de l'instruction et notamment de la réponse aux observations du contribuable du 17 septembre 2014 qu'au cours des opérations de contrôle, M. B... a indiqué que les locaux d'habitation étaient loués en meublés et a produit les baux afférents. Ces baux mentionnaient dans la rubrique " équipements et accessoires ", le détail des meubles garnissant les logements loués comprenant notamment, selon les logements, outre une cuisine équipée, des armoires, fauteuils, meubles de télévision, lits, tables, et canapé. La SCI a par ailleurs fourni des factures relatives à des achats de meubles au titre de ses charges pour l'année 2012. Les attestations de la caisse d'allocations familiales produites par la société requérante ne sauraient être regardées comme prouvant que ces logements n'étaient pas meublés dès lors qu'elles ont été renseignées et signées par la SCI elle-même. Le courriel de la caisse d'allocations familiales du 5 novembre 2015 produit par les requérants, qui confirme que l'aide au logement a été calculée à partir de logements nus, se réfère aux attestations de loyer renseignées par la SCI. Ce document ne permet pas dès lors d'établir le caractère non meublé des logements. Il s'ensuit c'est à bon droit que l'administration a considéré que la société requérante, en louant des locaux meublés, s'était livrée à une exploitation commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts.

25. En dernier lieu, les requérants se prévalent de la doctrine contenue dans une instruction du 30 juillet 2009, référencée 4 F-3-09 n° 6, reprise au BOI-BIC-CHAMP-40-10 n° 1 du 12 septembre 2012, aux termes de laquelle " Le régime fiscal de la location meublée est réservé aux locaux comportant tous les éléments mobiliers indispensables à une occupation normale par le locataire. ". Cette instruction ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle résultant des règles ci-dessus rappelées et dont les requérants pourraient utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2012 :

26. Aux termes du 2 de l'article 206 du code général des impôts, relatif à l'impôt sur les sociétés, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige :

" Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1 si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ".

27. Une société civile donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts et, par suite, est passible de l'impôt sur les sociétés par application du 2 de l'article 206 du même code.

28. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la SCI Buiding s'est livrée au cours de la période en litige à une exploitation commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts la rendant passible de plein droit de l'impôt sur les sociétés. Il s'ensuit que c'est à tort que l'administration a considéré que les bénéfices de la SCI Building étaient soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains de ses associés, et qu'elle a imposé les recettes tirées des loyers perçus dans le cadre de cette activité en notifiant une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à M. et Mme B..., en leur qualité d'associés, au titre de l'année 2012. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner leurs moyens, les requérants sont fondés à demander la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

29. Il résulte de tout ce qui précède que d'une part, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a déchargé la SCI Building des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 mai 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, M. et Mme B... sont fondés à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes au titre de l'année 2012, et enfin, la SCI Building n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Dans les circonstances de l'espèce, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2019 est annulé en tant qu'il a déchargé la SCI Building des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 mai 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 mai 2012, ainsi que des pénalités correspondantes sont remises à la charge de la SCI Building.

Article 3 : M. et Mme B... sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2012 et des pénalités correspondantes.

Article 4 : Le surplus du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI Building et de M. et Mme B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Building, à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC02873, 19NC02909


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02873-19NC02909
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Personnes et activités imposables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ARSÉGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-18;19nc02873.19nc02909 ?
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