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18/02/2021 | FRANCE | N°19NC00405

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 février 2021, 19NC00405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) EBM a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer en droits et pénalités, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1700593 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2018, la SAS EBM, représentée par Me A..

., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 janvier 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) EBM a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer en droits et pénalités, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1700593 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2018, la SAS EBM, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 janvier 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 9 décembre 2015 n'est pas correctement motivée dès lors qu'elle présente des arguments contradictoires, ce qui ne lui a pas permis de formuler ses observations de façon utile ;

- elle justifie de la probabilité, à la date de comptabilisation de la provision, de la perte de valeur de la créance et du risque de non-recouvrement de sa créance en raison de la détérioration notoire des indicateurs économiques des sociétés du groupe Calophotor et de la solvabilité de son débiteur, du reclassement du rang de la dette de 24 000 000 € contractée par la société Calophotor et du report de l'échéance de remboursement du crédit-vendeur par une convention du 28 octobre 2011 ;

- elle se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du n°10 de la doctrine administrative BOI-BIC-PROV-40-20 du 23 septembre 2013 ainsi que de la réponse ministérielle Malric et Guérin du 24 avril 1936, p. 1138 n° 15252 et p. 1141 n° 15562, D. adm. 4 E-331 du 26 novembre 1996;

- la justification de la provision doit être recherchée dans le risque futur de non-recouvrement que présente la créance et non sa réalisation immédiate, comme le prévoit d'ailleurs l'article 322-5 du plan comptable général ;

- comptablement, le principe de prudence l'obligeait à déprécier la valeur de la créance afin de présenter un bilan sincère.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS EBM ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la SAS EBM.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS EBM est une société holding qui détient notamment 21,71 % du capital de la SAS Calophotor, laquelle est à la tête d'un groupe fiscalement intégré, au sens de l'article 223 A du code général des impôts, comprenant notamment les SAS Financière d'Esbach et Rothelec, qui ont pour activité la fabrication et l'installation d'appareils de chauffage ainsi que de centrales photovoltaïques. Le 27 juillet 2010, la SAS EBM a vendu à la SAS Calophotor la totalité de sa participation dans le capital de la SAS Financière d'Esbach, soit 763 520 actions, au prix de 5 895 751,93 euros. Cette somme a été réglée au comptant par la société Calophotor, à hauteur de 4 204 662,82 euros, et sous la forme d'un crédit vendeur pour le surplus, s'élevant à 1 691 089,11 euros, payable le 5 novembre 2015. Le 31 juillet 2012, date de la clôture de son exercice, la SAS EBM a constitué une provision égale au montant de ce crédit vendeur en prévision du risque de non-recouvrement de cette créance. Par une proposition de rectification du 9 décembre 2015, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale a notifié à la SAS EBM une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2012 s'élevant à 212 204 euros en droits et à 25 429 euros de pénalités correspondant à la remise en cause de cette provision. La SAS EBM relève appel du jugement du 8 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

3. La proposition de rectification du 9 décembre 2015 expose, de manière circonstanciée, les considérations de fait et les motifs de droit qui ont conduit l'administration à remettre en cause la provision en litige. Contrairement à ce que soutient la société requérante, en indiquant dans cette pièce de procédure que le crédit vendeur générant la créance participait d'un risque manifestement excessif, que la créance provisionnée ne correspondait pas à un risque suffisamment probable et que sa perte ne serait pas déductible du résultat imposable, le vérificateur n'a pas entaché le redressement en litige d'une contradiction de motifs, circonstance qui serait, au demeurant, sans incidence sur la régularité de la proposition de rectification, mais il s'est borné à énoncer que le redressement litigieux pouvait être fondé sur ce triple motif. Le recours par l'administration à ces trois motifs n'a pas eu pour effet de priver la société requérante de la possibilité de se défendre utilement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification ne peut qu'être écarté.

Sur le bien fondé de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5°) Les provisions constituées, en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

5. Il résulte de l'instruction que la SAS EBM a constaté au titre de l'exercice clos en 2012 une provision pour dépréciation de la créance qu'elle détenait à l'égard de sa filiale, la SAS Calophotor, pour la totalité du crédit vendeur, d'un montant de 1 691 089,11 euros, qu'elle lui avait consenti pour la vente des actions qu'elle détenait au sein du capital de la SAS Financière d'Esbach. Afin de justifier la provision en litige, la société requérante soutient que les perspectives concernant l'activité photovoltaïque du groupe ont été remises en cause à compter de 2010 en raison d'un changement dans la politique des pouvoirs publics dans ce secteur étant à l'origine d'une réduction de la demande des particuliers. Elle ajoute que le résultat de la société Rothelec sur lequel est basé le remboursement du crédit-vendeur accordé par la société EBM s'est fortement dégradé dès 2011 et qu'en raison de la dégradation de la capacité de remboursement du groupe Calophotor, attestée par l'analyse de ses comptes et de ses soldes intermédiaires de gestion, les banques ont demandé des garanties aux principaux actionnaires et notamment une avance en compte courant de 3 083 041 euros. Elle précise également que l'échéance de remboursement du crédit vendeur fixée initialement le 5 novembre 2015 a été repoussée à 2018 par un avenant conclu en 2012 et que les provisions sur les titres des sociétés Rothelec et Calophotor n'ont pas été remises en cause par l'Administration.

6. Toutefois, et comme l'ont retenu les premiers juges, ni l'évolution défavorable du marché de l'énergie photovoltaïque, qui ne constitue d'ailleurs pas l'activité principale du groupe Calophotor, ni les difficultés financières rencontrées par ce dernier en 2012, et qui n'ont d'ailleurs pas fait obstacle au versement d'une prime exceptionnelle de 41 020 euros à la SAS EBM, par décision du 30 novembre 2012, ni le report de l'échéance de paiement de la créance au 1er novembre 2018, soit plus de six ans après la comptabilisation de la provision litigieuse, ne peuvent suffire à démontrer l'existence d'un risque probable que la SAS Calophotor soit dans l'impossibilité de régler la totalité de sa dette, en l'absence d'élément précis et vérifiable quant à la situation financière particulière de cette société. Ainsi, et en dépit d'une baisse de son chiffre d'affaires, la société requérante ne justifie pas la comptabilisation de la provision en litige en évoquant par anticipation le défaut de solvabilité de sa débitrice. Dès lors, la provision constituée au titre de l'exercice 2012 ne peut être regardée comme constituée en vue de faire face à une perte que des événements en cours rendent probables. Sont inopérantes, au regard des règles fiscales ci-dessus rappelées, les circonstances tirées d'une part, de la méconnaissance de l'article 322-5 du plan comptable général relatif au test de dépréciation, qui en tout état de cause, ne prévoit pas, comme l'affirme la société requérante, que la justification d'une provision doit être recherchée dans le risque futur de non-recouvrement d'une créance et non sa réalisation immédiate et d'autre part, de ce que le " principe de prudence " l'obligeait à déprécier la valeur de la créance afin de présenter un bilan sincère Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la provision litigieuse n'était pas déductible du résultat clos en 2012 et l'a réintégrée dans le résultat de cet exercice.

7. La SAS EBM se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction fiscale BOI-BIC-PROV-40-20 n° 10 et de la réponse Malric et Guérin du 24 avril 1936, p. 1138 n° 15252 et p. 1141 n° 15562. Toutefois, cette instruction fiscale, de même que la réponse ministérielle précitée, ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui est retenue dans le présent jugement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS EBM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SAS EBM.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS EBM est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la SAS EBM et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00405
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-18;19nc00405 ?
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