Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... G... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation notamment au regard de la suppression de cinq années de bonification dans le calcul de son taux de retraite, de lui verser les sommes dues au titre des heures supplémentaires accomplies, de ses droits à congés au titre de l'année 2017 et de son compte épargne temps.
Par un jugement n° 1800204 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juin 2019 et le 11 juin 2020, M. G..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 du ministre de l'intérieur lui infligeant la sanction de mise à la retraite d'office ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation notamment au regard de la suppression de cinq années de bonification dans le calcul de son taux de retraite, de lui verser les sommes dues au titre des heures supplémentaires accomplies et de ses droits à congés au titre de l'année 2017 ainsi que de son compte épargne temps ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente, dès lors que la délégation accordée au signataire de l'acte est trop générale ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le comité médical aurait dû être saisi pour statuer sur son inaptitude, ce qui lui aurait permis d'être admis à la retraite pour invalidité au lieu d'être sanctionné disciplinairement ;
- la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office a pour conséquence de lui infliger une double sanction car il est également privé, à tort, de la bonification de pension de retraite dite " du cinquième " telle qu'elle résulte des dispositions de l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police ;
- la sanction de mise à la retraite d'office est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il s'en réfère à son mémoire de première instance et soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par une ordonnance du 12 décembre 2019, la clôture d'instruction a été rouverte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;
- le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer ;
- l'arrêté du 27 janvier 2017 relatif aux missions et à l'organisation de la direction des ressources et des compétences de la police nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, rapporteur,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... est entré dans les cadres de la police nationale le 1er mars 1984 et a accédé au grade de commandant de police le 1er août 2006. Le 18 janvier 2016, il a été nommé à la tête de la circonscription de la sécurité publique de Saint-Dié-des-Vosges puis a été muté à la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Besançon à compter du 14 septembre 2017. Le 17 mai 2017, M. G... a été condamné pénalement pour des faits de violence n'entrainant pas d'incapacité commis sur son épouse, en récidive, le 13 juillet 2016, ainsi que pour des faits d'atteinte arbitraire à la liberté individuelle par dépositaire de l'autorité publique, commis dans la nuit du 21 au 22 novembre 2016. M. G... a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 19 mai 2017. Une expertise psychiatrique a été réalisée à la demande de l'administration le 18 octobre 2017. Le 19 octobre 2017, la commission administrative paritaire (CAP) a été réunie en formation disciplinaire. Par un arrêté du 5 décembre 2017, le ministre de l'intérieur a infligé à M. G... la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office. Ce dernier a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler cette décision du 5 décembre 2017 et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation administrative. M. G... relève appel du jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " À compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale (...) ". Aux termes de l'article 18 du décret du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer, dans sa version applicable au litige : " Sans préjudice des compétences de la direction des ressources humaines et de la direction de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières, la direction des ressources et des compétences de la police nationale assure l'administration générale de la police nationale (...) / Elle définit les principes de la gestion des ressources humaines, elle prépare, en liaison avec la direction des ressources humaines, les textes législatifs et réglementaires intéressant les différentes catégories de personnels et assure l'organisation des carrières et le recrutement des personnels contractuels. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 janvier 2017 relatif aux missions et à l'organisation de la direction des ressources et des compétences de la police nationale, publié au Journal Officiel du 29 janvier 2017, dans sa version applicable au litige : " La direction des ressources et des compétences de la police nationale comprend : / - la sous-direction de l'administration des ressources humaines ;(...) " et aux termes de l'article 4 du même arrêté : " La sous-direction de l'administration des ressources humaines (...) / prépare, valide et fait exécuter les décisions ministérielles portant sanction disciplinaire concernant les personnels des corps actifs, techniques et scientifiques de la police nationale gérés par la direction des ressources et des compétences de la police nationale (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 5 décembre 2017 prononçant la sanction de mise à la retraite d'office de M. G... a été signé par M. A... E... qui a été nommé par décret du 13 avril 2017, régulièrement publié au Journal Officiel de la République française du 14 avril 2017, directeur des ressources et des compétences à l'administration centrale du ministère de l'intérieur à compter du 2 mai 2017. Celui-ci était ainsi compétent pour signer l'arrêté contesté en vertu des dispositions combinées citées au point 2, lesquelles ne sont, ni trop imprécises, ni trop générales, dès lors que la délégation qu'elles prévoient est limitée aux seules affaires placées sous l'autorité du délégataire qu'elles désignent. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, qui manque en fait, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent intéressé, de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.
5. En l'espèce, l'arrêté du 5 décembre 2017 portant mise à la retraite d'office de M. G... vise les textes applicables ainsi que les faits retenus, de manière suffisamment circonstanciée pour le mettre à même de déterminer les griefs que l'autorité disciplinaire a retenus à son encontre. Par suite, c'est à bon droit que les juges de première instance ont écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie, de longue maladie et de longue durée et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / 1. La prolongation des congés de maladie au-delà de six mois consécutifs ; / 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée (...) ". Aux termes de l'article 34 du même décret, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Lorsqu'un chef de service estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, il peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 35 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier soumis au comité médical. ".
7. Suite à l'expertise médicale du 18 octobre 2017 sollicitée par l'administration en application de l'article 34 du décret du 14 mars 1986 cité au point précédent, le docteur Brun a conclu à l'inaptitude de M. G... à ses fonctions et a recommandé de le placer en congé de longue maladie en attendant qu'il puisse faire valoir ses droits à la retraite. Cependant, les conclusions de cette expertise, qui ne liaient pas l'administration, ne faisaient, en tout état de cause, pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son encontre. Or, les dispositions citées au point précédent n'obligeaient pas l'administration à consulter le comité médical avant d'infliger à M. G... la sanction de la mise à la retraite d'office. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le comité médical aurait dû être saisi pour statuer sur son inaptitude et donner un avis favorable à son congé de longue maladie et qu'en s'abstenant de le saisir, l'administration lui aurait infligé une double sanction.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police : " Les agents des services actifs de police de la préfecture de police, soumis à la loi n 48-1504 du 28 septembre 1948 dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, égale à cinquante cinq ans, bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités ".
9. Il résulte des dispositions précitées que la bonification d'un cinquième du temps effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police ne bénéficie qu'aux agents qui ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge. M. G..., alors même qu'il remplirait les conditions pour bénéficier de cette bonification, a été mis à la retraite d'office en raison de son comportement. Ainsi, il ne dispose ni d'une pension d'ancienneté, ni d'une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge au sens de l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 lui permettant de bénéficier de ces dispositions. Il ne saurait, en tout état de cause, utilement soutenir que la perte du bénéfice de la bonification prévue par l'article 1er de la loi du 8 avril 1957, conséquence pécuniaire de sa situation administrative, constitue une double sanction. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur lui a infligé une double sanction ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu, en vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du quatrième groupe celle de la mise à la retraite d'office.
11. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
12. D'une part, il est reproché à M. G... d'avoir, les 13 juillet et 21 août 2016, en sa qualité de chef de la circonscription de sécurité publique de Saint-Dié-des-Vosges, détourné les moyens mis à sa disposition dans le cadre de ses fonctions, à des fins privées et en dehors de tout cadre légal, en faisant procéder à la géolocalisation du téléphone portable de son épouse, d'avoir, le 21 novembre 2016, ordonné à des effectifs de son service de se rendre hors circonscription où le téléphone portable de son épouse avait été géolocalisé, afin de procéder, en dehors de tout cadre légal, à un dépistage d'alcoolémie sur celle-ci, d'avoir exigé des personnels intervenants qu'aucune mention de ces démarches n'apparaissent sur la main courante informatisée et de s'être abstenu d'informer sa hiérarchie des difficultés qu'il rencontrait dans sa relation avec son épouse et qui étaient de nature à nuire à son autorité de chef de circonscription et enfin d'avoir adopté un comportement violent et insultant à l'égard de son épouse devant deux agents, le 13 juillet 2016. M. G... a été pénalement condamné pour ces faits commis en état de récidive légale par le tribunal correctionnel d'Epinal, le 17 mai 2017. Lors de son audition libre dans le cadre de l'enquête administrative diligentée par l'IGPN de Metz, M. G... a d'ailleurs reconnu les faits.
13. D'autre part, l'autorité administrative a estimé qu'en exerçant des violences tant physiques que morales sur son épouse, en détournant à des fins personnelles des moyens mis à sa disposition en sa qualité de chef de circonscription, engendrant ainsi une confusion entre sa vie privée et professionnelle, situation de nature à altérer fortement son autorité et le fonctionnement du service, en s'abstenant de rendre compte à sa hiérarchie des difficultés qu'il rencontrait et des démarches qu'il avait engagées, M. G... a gravement manqué à ses obligations statutaires et déontologiques d'exemplarité, de loyauté et de respect de la dignité d'une personne, qui plus est vulnérable.
14. Si M. G... soutient que le ministre de l'intérieur a pris en compte, pour justifier sa sanction du 5 décembre 2017, des faits antérieurs qui se sont déroulés alors qu'il était en poste dans les Pyrénées-Orientales, il ressort de l'arrêté contesté que celui-ci s'est fondé sur les faits cités au point 12 dans l'exercice de ses fonctions à Saint-Dié-des-Vosges. M. G... fait également valoir qu'il n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses fonctions jusqu'en 2015, que depuis 1997, il a toujours bénéficié de notations élevées avec des mentions élogieuses et qu'il a suivi, conformément à l'ordonnance pénale du 17 mai 2017, une thérapie afin d'améliorer son état de santé. Toutefois, les faits reprochés à M. G..., eu égard à leur gravité au regard de son grade et de ses fonctions, sont constitutifs de manquements fautifs à ses obligations professionnelles et justifient la sanction de mise à la retraite d'office. M. G... n'est par suite pas fondé à soutenir que cette sanction est disproportionnée.
15. Par suite, la sanction de mise à la retraite d'office prononcée à l'encontre de M. G..., qui est proportionnée à la gravité des fautes qu'il a commises, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2017. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, en conséquence, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. G... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G... et au ministre de l'intérieur.
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N° 19NC01711