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02/02/2021 | FRANCE | N°20NC03294

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 février 2021, 20NC03294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... N... et le syndicat CGC Presse ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 mai 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est a validé l'accord collectif majoritaire signé le 27 février 2020 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société anonyme Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA).

M. F... E..., Mme M... O..., Mme I... B... et Mme H... L... sont interv

enus au soutien de cette demande.

Par un jugement no 2003764 du 29 septembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... N... et le syndicat CGC Presse ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 mai 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est a validé l'accord collectif majoritaire signé le 27 février 2020 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société anonyme Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA).

M. F... E..., Mme M... O..., Mme I... B... et Mme H... L... sont intervenus au soutien de cette demande.

Par un jugement no 2003764 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 novembre 2020 et le 28 décembre 2020, M. C... N..., le syndicat CGC Presse, M. F... E..., Mme M... O..., Mme I... B... et Mme H... L..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 6 mai 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est a validé l'accord collectif majoritaire Ebra Services signé le 27 février 2020 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société anonyme Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace ;

3°) de mettre à la charge de la société anonyme Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace une somme de 2 000 euros au profit de chacun des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision en litige est insuffisamment motivée en ce qui concerne le caractère discriminatoire ou non des catégories professionnelles arrêtées par l'accord collectif ; il y a atteinte à l'article L. 1233-57-2 du code du travail compte tenu de cette discrimination qui tend à évincer le délégué syndical CGC de l'entreprise ;

- la condition de majorité prévue à l'article L. 1233-24-1 du code du travail n'est pas atteinte ; Mme J... n'était plus déléguée syndicale car l'autorisation de transfert à la société Ebra Medias date du 1er février 2020 et elle ne pouvait donc pas signer l'accord collectif le 27 février 2020 ; l'avenant prolongeant le contrat de Mme J... est postérieur à son transfert et n'a donc pu prolonger son contrat et, par suite, son mandat ; le comité social et économique (CSE) aurait dû être consulté dans le cadre du livre I en application de l'article L. 1233-30 du code du travail ; le CSE n'a jamais été consulté à propos de la mise à disposition de Mme J... aux DNA après son transfert en violation de l'article L. 8241-2 du code du travail, ce qui prouve l'illégalité de cette mise à disposition ; le retrait de l'autorisation de transfert n'a aucune incidence ;

- l'accord cadre de groupe ne pouvait pas priver le CSE des entreprises concernées de ses droits qu'il tient des articles L. 1233-21 et L. 1233-23 du code du travail, en particulier du droit à l'expertise ; les règles de consultation du CSE doivent s'appliquer à la lumière de la directive n° 98/59/CE du conseil du 20 juillet 1998, notamment de son article 2, qui implique une consultation au niveau de l'employeur et non de l'entreprise qui le contrôle, et de la directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002, notamment de son article 4 ; l'accord de groupe interdit le recours à un expert choisi par le CSE des DNA en violation de l'article L. 1233-34 et L. 2315-80 du code du travail ;

- le tribunal a estimé à tort que faute de contestation de l'accord cadre de groupe du 14 février 2020, les requérants ne pouvaient plus se prévaloir de son illégalité alors que ces conventions, qui violent des dispositions d'ordre public, sont inopposables ;

- l'information du CSE a été faussée en raison de la remise tardive de documents en violation de l'article L. 2312-15 alinéa 2 et L. 2315-30 du code du travail et de sa consultation irrégulière ; l'accord majoritaire n'était pas signé au début de la procédure d'information consultation et en tout cas pas avant le 27 février 2020 ;

- le syndicat CGC n'a pas été convoqué à une négociation de l'accord majoritaire mais seulement invité à une " réunion de réitération accord EBRA Services " ; ce manque de loyauté est d'autant plus manifeste que le poste du délégué syndical CFE-CGC figure parmi les postes supprimés alors qu'il n'est pas rattaché aux activités concernées par le projet Ebra Services ;

- il n'y a eu aucune négociation sur les catégories professionnelles et les critères d'ordre de licenciement dans l'accord collectif majoritaire ;

- l'accord collectif majoritaire ne respecte pas le plan de départ volontaire du 7 août 2018 ;

- la réunion de restitution du 3 avril 2020 s'est tenue dans des conditions irrégulières ; compte tenu de la crise sanitaire, seuls 2 élus ont été présents sur les 32 que comportent le CSE ; aucune urgence ne justifiant de solliciter l'avis du CSE pour le 3 avril 2020 et compte tenu de la prorogation des délais par l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, la direction des DNA aurait dû repousser la réunion ; la secrétaire et le secrétaire adjoint étant absents, pour raisons de santé, les deux membres présents auraient dû désigner un secrétaire de séance ; le procès-verbal de séance n'a pas été signé par la secrétaire de séance mais par une autre élue en violation de l'article L. 2315-34 du code du travail ; en outre, une personne extérieure, non salariée des DNA ou du groupe EBRA, a participé à la réunion du 3 avril 2020 et a été de nature à influencer le vote des deux seuls élus présents ; la décision encourt donc l'annulation pour méconnaissance de l'article L. 1233-57-2 du code du travail ; l'administration devait apprécier la régularité de la consultation ;

- le CSE n'a pas été spécifiquement consulté en matière d'impact sur la santé au travail des salariés malgré sa compétence prévue par les articles L. 2312-8, L. 2312-9 et L. 2312-12 du code du travail et l'information a été insuffisante ;

- les efforts de reclassement sont insuffisants au regard des moyens du groupe en violation de l'article L. 1233-24-3 du code du travail et méconnaît donc l'article L. 1233-57-3 du même code ; il y a également une rupture d'égalité de traitement par rapport aux salariés de la SAP L'Alsace ;

- les catégories professionnelles du plan de sauvegarde de l'emploi des DNA sont illicites et discriminatoires en ce qu'elles visent à évincer le délégué syndical CGC ; le CSE n'a pas été en mesure d'apprécier la pertinence des catégories professionnelles concernées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2020, la société anonyme Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de M. N... et du syndicat CGC Presse, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. K...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour les requérants, de Me G... pour la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace et de Mme A... pour la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

1. La société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA) appartient au groupe de presse " Est, Bourgogne, Rhône-Alpes (Ebra) ". Compte tenu de difficultés économiques, à compter du 1er janvier 2020, le groupe a externalisé une partie de ses activités, entraînant le transfert des salariés des DNA qui y travaillaient, en créant une régie publicitaire dénommée " Ebra Medias Alsace ". Parallèlement, le groupe Ebra a engagé des négociations avec les organisations syndicales représentatives ou non du groupe et des titres de presse quotidienne régionale concernant un projet de restructuration plus important consistant à regrouper l'essentiel des activités non éditoriales des différents titres de presse au sein de la société Ebra Services. Ces négociations au niveau du groupe ont abouti à la conclusion d'un accord collectif du 14 février 2020 prévoyant, entre autres, 53 licenciements au sein de la société DNA. Un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi a été ensuite signé le 27 février 2020 entre la direction de la société DNA et les organisations syndicales CFTC, FILPAC-CGT et UNSA.

2. M. C... N..., le syndicat CGC Presse, M. F... E..., Mme M... O..., Mme I... B... et Mme H... L... font appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est a validé l'accord collectif majoritaire du 27 février 2020 fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la motivation de la décision de validation de l'accord collectif majoritaire du 20 février 2020 :

3. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 (...). Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée. (...) ".

4. En vertu de ces dispositions, la décision expresse par laquelle l'administration valide un accord collectif majoritaire fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent, à sa seule lecture, en connaître les motifs. Si le respect de cette règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen, à savoir ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information/consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant à la présence, dans le plan de sauvegarde de l'emploi, des mesures de reclassement prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 du code du travail et ceux relatifs au caractère majoritaire de l'accord. Il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer, dans la motivation de sa décision, tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

5. Les requérants soutiennent que la décision contestée est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne se prononce pas sur le caractère discriminatoire de la définition des catégories socioprofessionnelles. Toutefois, la décision en litige, après avoir rappelé les dispositions applicables et avoir visé l'accord de méthode du 14 février 2020 ainsi que la demande d'injonction présentée par M. N... et le syndicat CGC Presse dans laquelle ils soutenaient, notamment, que les catégories professionnelles définies par l'accord collectif majoritaire étaient discriminatoires et la réponse qui leur avait été faite le 24 mars 2020, mentionne que l'accord collectif a été signé par les organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections des membres titulaires au comité social et économique et porte sur le plan de sauvegarde de l'emploi et les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées, les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement et qu'il ne déroge pas aux dispositions prévues par l'article L. 1233-24-3 du code du travail. Elle expose ensuite les motifs pour lesquels l'administration a estimé que le comité social et économique avait été régulièrement informé du projet de réorganisation et de ses conséquences, notamment pour la santé et la sécurité des salariés, et mis en mesure de rendre son avis sur ce projet en connaissance de cause et que le plan de sauvegarde de l'emploi répondait aux exigences des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail.

6. S'il est exact que l'existence d'une discrimination dans la détermination des catégories professionnelles ne fait l'objet d'aucune motivation, une telle circonstance n'est pas de nature à affecter la régularité formelle de la décision en litige dès lors que l'administration a pu, à juste titre, estimer qu'elle n'avait pas à apporter une appréciation spécifique sur ce point, nonobstant la demande d'injonction que lui avait adressée M. N... et à laquelle elle avait, par ailleurs, déjà répondu. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le caractère majoritaire de l'accord collectif fixant le plan de sauvegarde de l'emploi :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en oeuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, ou par le conseil d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 2321-9. L'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de l'accord précité ". D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-57-2 du même code : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 1224-1 du même code : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise./En application de ces dispositions, le transfert d'une entité autonome entraîne de plein droit le transfert des contrats des salariés qui y travaillent. /Cette disposition est d'ordre public et en principe les parties ne peuvent pas s'y opposer ".

8. Il incombe à l'administration, saisie d'une demande de validation d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi, de s'assurer de la qualité de ses signataires. Le moyen tiré de l'absence de qualité des signataires d'un tel accord peut être, le cas échéant, utilement soulevé devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de la légalité de la décision de validation.

9. Il est constant que l'accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi a été signé entre la direction de la société DNA et les trois organisations syndicales CFTC, FILPAC-CGT et UNSA, représentant plus de 50 % des suffrages exprimés.

10. Les requérants soutiennent que Mme J... n'avait pas qualité pour signer l'accord collectif au nom du syndicat FILPAC CGT dès lors qu'à la suite de l'autorisation accordée par l'inspecteur du travail le 27 janvier 2020, son contrat de travail avait été automatiquement transféré à la société " Ebra Medias Alsace " à compter du 1er février 2020, soit antérieurement à la signature de l'accord collectif intervenue entre toutes les parties le 27 février 2020 et que l'avenant, daté du 31 janvier 2020, signé par Mme J... postérieurement au transfert de son contrat, n'a pas pu déroger aux dispositions d'ordre public de l'article 1224-1 du code du travail.

11. Toutefois, s'il est vrai qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1244-1 du code du travail, le transfert du contrat de travail d'un salarié protégé s'opère de plein droit à compter de la notification de la décision de l'inspection du travail, ces dispositions ne font pas obstacle, sauf fraude, à ce que les parties conviennent d'en différer les effets. A cet égard, il ressort des stipulations de l'avenant daté du 31 janvier 2020, signé par les DNA et la société " Ebra Medias Alsace ", et régularisé ultérieurement par la salariée, que le transfert du contrat de travail de Mme J... dans les effectifs de la société " Ebra Médias Alsace " était prévu au 1er mars 2020. Les pièces produites par les DNA, notamment des fiches de paie de Mme J..., des courriels et un arrêt de travail, établissent qu'à la différence des autres salariés protégés, cette salariée a poursuivi sa relation de travail avec les DNA postérieurement à la notification de l'autorisation de transfert du 27 janvier 2020. Si les contrats de travail d'autres salariés ont été transférés à la société " Ebra Médias Alsace " dès le 1er février 2020, les pièces produites par les requérants ne sont pas de nature à établir qu'il en a été de même du contrat de Mme J..., quand bien même elle a perçu à l'instar des autres salariés, dès le mois de février, la prime de transfert. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, compte tenu de cet accord de volonté des parties, dont il n'est pas démontré qu'il aurait poursuivi un objectif frauduleux, le contrat de travail de la représentante du syndicat FILPAC CGT ne peut être regardé comme ayant été transféré à la société " Ebra Médias Alsace " au 1er février 2020.

12. Il ressort également des pièces du dossier que par une décision du 18 mai 2020, l'administration a procédé au retrait de la décision d'autorisation de transfert du 27 janvier 2020 et autorisé le transfert du contrat de travail de Mme J.... Compte tenu de l'effet rétroactif de ce retrait, devenu définitif en l'absence de tout recours, d'une part, et de ce que la nouvelle autorisation de transfert ne peut avoir pour effet d'autoriser le transfert à compter de la date à laquelle la décision initiale a pris effet, le contrat de travail de Mme J... doit être regardé comme n'ayant jamais été transféré à la société " Ebra Médias Alsace " avant la date de notification de la décision du 18 mai 2020 et, à fortiori, dès lors qu'elle est demeurée la salariée des DNA jusqu'au 1er mars 2020, avant la date de signature de l'accord collectif majoritaire signé au plus tard le 27 février 2020.

13. Ainsi, Mme J... avait qualité pour signer l'accord collectif au nom du syndicat FILPAC CGT. Par suite, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est, qui a vérifié la validité des mandats des cosignataires de l'accord et la condition de majorité prévue par l'article L. 1233-24-1 du code du travail, a pu, à bon droit, estimer qu'il avait été régulièrement signé.

En ce qui concerne la loyauté des négociations de l'accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi :

14. Aux termes de l'article L. 1233-57-2 du code du travail : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de / : 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 (...) ". Il résulte de ces dispositions que les vices affectant, le cas échéant, les conditions de négociation d'un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 1233-24-1 du code du travail ne sont susceptibles d'entraîner l'illégalité de l'acte validant cet accord que s'ils sont de nature à entacher ce dernier de nullité.

15. Les requérants soutiennent que les négociations n'ont pas été loyales dès lors que l'ensemble des organisations syndicales représentatives, et en particulier le syndicat CGC, n'a pas été convoqué en vue de la négociation de l'accord collectif du 27 février 2020 et que cet accord, adopté en une journée, est en retrait par rapport aux mesures prévues dans le plan de départ volontaire du 7 août 2018.

16. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'employeur a convoqué, le 20 février 2020, l'ensemble des organisations syndicales des DNA, dont le syndicat CGC, à une réunion le 26 février 2020 ayant pour objet " réunion de réitération accord EBRA SERVICES ". Aussi regrettable que soit cette formulation, il n'en demeure pas moins que l'objet même de cette réunion était de discuter, dans le prolongement des mesures adoptées dans le cadre de l'accord du 14 février 2020, du projet d'accord collectif qui leur avait été préalablement transmis et qui a été, à l'issue des négociations, signé par les syndicats CFDT, FILPAC CGT et UNSA.

17. La circonstance que cet accord collectif majoritaire, qui constitue une déclinaison de l'accord du 14 février 2020 à la négociation duquel ont été conviées toutes les organisations syndicales des DNA et ont participé les organisations signataires, a été conclu le jour même de sa présentation n'est pas, à elle seule, de nature à révéler l'absence de toutes négociations avec les syndicats. De la même manière si l'accord du 14 février 2020 ne fixait pas les catégories professionnelles concernées et comportait des mesures en retrait par rapport au plan de départ volontaire du 7 août 2018, étant observé que l'accord collectif majoritaire mentionne que la direction s'engage à appliquer les dispositions de ce plan du 7 août 2018, sous réserve des clauses écartées par l'accord de groupe du 14 février 2020, ces circonstances ne sont pas davantage de nature à induire que l'employeur aurait restreint le rôle des organisations syndicales.

18. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les négociations auraient été entachées d'une déloyauté de nature à entraîner la nullité de l'accord collectif majoritaire et, par suite, à entacher d'illégalité la décision de validation en litige.

En ce qui concerne la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel :

S'agissant de l'interdiction de recourir à une expertise :

19. Aux termes de l'article L. 1233-21 du code du travail : " Un accord d'entreprise, de groupe ou de branche peut fixer, par dérogation aux règles de consultation des instances représentatives du personnel prévues par le présent titre et par le livre III de la deuxième partie, les modalités d'information et de consultation du comité social et économique et, le cas échéant, le cadre de recours à une expertise par ce comité lorsque l'employeur envisage de prononcer le licenciement économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours ". Aux termes de l'article L. 1233-22 du même code : " L'accord prévu à l'article L. 1233-21 fixe les conditions dans lesquelles le comité social et économique : (...) / 3° Peut recourir à une expertise ". Aux termes de l'article L. 1233-23 du même code : " L'accord prévu à l'article L. 1233-21 ne peut déroger : / 1° Aux règles générales d'information et de consultation du comité d'entreprise prévues aux articles L. 2323-2, L. 2323-4 et L. 2323-5 ; (...) ".

20. Aux termes de l'article L. 1233-34 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance d'un expert-comptable en application de l'article L. 2325-35. Le comité prend sa décision lors de la première réunion prévue à l'article L. 1233-30. Le comité peut également mandater un expert-comptable afin qu'il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour mener la négociation prévue à l'article L. 1233-24-1. (...)".

21. Les requérants soutiennent que l'accord dit de méthode, conclu en application de l'article L. 1233-21 du code du travail, le 14 février 2020 a illégalement interdit la désignation d'un expert par le comité social et économique de la société DNA. Ils font valoir qu'en vertu de cet accord, la demande de mise à l'ordre du jour d'un point relatif à une expertise, sollicitée par le secrétaire général du comité social et économique, puis par ses membres lors de la première réunion du 27 février 2020 prévue à l'article L. 1233-30 du code du travail, a été refusée au motif qu'une expertise avait été réalisée au niveau du groupe, dans le cadre de la négociation de l'accord de méthode du 14 février 2020, à la condition expresse d'y renoncer au niveau de chaque société du groupe.

22. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1233-21 du code du travail qu'un accord conclu au niveau du groupe peut seulement fixer le cadre de recours à une expertise par le comité social et économique lorsque l'employeur envisage de prononcer, comme en l'espèce, le licenciement économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours mais en aucun cas interdire, par principe, la désignation d'un expert par cette instance, quand bien même une telle expertise a déjà été effectuée, avec l'accord des organisations syndicales tant du groupe que des sociétés qui en relèvent, pour l'ensemble du groupe. Par suite, nonobstant la circonstance que cet accord du 14 février 2020 n'a pas été contesté, les requérants sont fondés à soutenir que cette interdiction est contraire aux dispositions légales précitées.

23. Il s'ensuit qu'en s'appuyant sur cet accord de groupe du 14 février 2020, l'employeur a privé le comité social et économique de son droit de désigner un expert pour l'assister.

24. Toutefois cette irrégularité ne peut être utilement invoquée par les requérants s'agissant de la faculté du CSE de se prononcer en connaissance de cause sur le projet de licenciement, notamment sur les catégories professionnelles concernées, dès lors que, compte tenu de l'accord majoritaire, l'employeur n'était pas tenu de le solliciter sur les points ayant fait l'objet de cet accord en vertu de l'article L. 1233-30 du code du travail.

25. S'agissant du projet de restructuration et de ses conséquences, il ressort des pièces du dossier que le rapport d'expertise réalisé au niveau du groupe par la société Diagoris comportait les éléments relatifs au projet, notamment les données économiques du groupe et des sociétés le composant, les activités concernées des DNA, et l'impact sur les sociétés et les titres du groupe dont les DNA, notamment les incidences sociales et économiques. Il ressort également des pièces du dossier que ce rapport a été présenté aux membres du comité social et économique le 5 mars 2020, soit près d'un mois avant qu'il ne rende son avis. Il n'est par ailleurs pas contesté que les membres du comité ont reçu, en temps utile, l'ensemble des documents prévus par les articles L. 1233-30 et L. 1233-31 du code du travail. Dans ces conditions, dans les circonstances de l'espèce, le refus d'inscrire à l'ordre du jour la désignation d'un expert ne peut pas être regardé comme ayant empêché les représentants de formuler leur avis en toute connaissance de cause sur le projet de restructuration et ses conséquences.

S'agissant de la remise tardive de l'accord collectif majoritaire :

26. Aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail : " I.- Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article. (...) ".

27. Aux termes de l'article L. 1233-31 du code du travail : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; /6° Les mesures de nature économique envisagées ; /7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ". Aux termes de l'article L. 1233-32 du même code : " Outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l'employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'employeur adresse le plan de sauvegarde de l'emploi concourant aux mêmes objectifs. " Aux termes de l'article L. 2323-4 du code du travail : " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur ou, le cas échéant, mises à disposition dans les conditions prévues à l'article L. 2323-9, et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations. (...) ".

28. Saisie par l'employeur d'une demande de validation d'un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 1233-24-1 et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), l'administration doit s'assurer que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise prescrite par ces dispositions a été régulière. Elle ne peut ainsi légalement accorder la validation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et, à ce titre, sur le PSE. Cependant, dès lors qu'il résulte de l'article L. 1233-30 du code du travail que l'employeur n'est pas tenu de soumettre pour avis au comité d'entreprise les éléments du projet de licenciement collectif fixés par l'accord collectif majoritaire qu'il soumet à la validation de l'administration, le moyen tiré de ce que la décision validant un tel accord serait illégale en raison d'un vice affectant la consultation du comité d'entreprise sur ces mêmes éléments est inopérant.

29. Il ressort des pièces du dossier que l'accord collectif majoritaire soumis à la validation de l'autorité administrative comportait l'intégralité des éléments mentionnés au 2° du I de l'article L. 1233-30 du code du travail, notamment les catégories professionnelles concernés, l'ordre des licenciements n'ayant pas être mentionné dès lors que les licenciements portaient sur des postes précis concernant un salarié donné. Si les requérants font valoir que le comité social et économique n'a pas été régulièrement informé et consulté sur l'accord collectif majoritaire au motif que l'exemplaire signé n'a été remis à cette instance que le 27 février 2020, au cours de la première réunion, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à la validation de cet accord dès lors qu'il résulte de ce qui a été indiqué au point 28 que les vices entachant la procédure de consultation du CSE, auquel l'accord collectif majoritaire n'a été remis par l'employeur qu'à titre d'information, ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre de la décision de validation en litige. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le projet d'accord collectif majoritaire a été remis aux membres du comité lors de la réunion dite R0 du 19 février 2020, soit plus de 3 jours avant la première réunion. La circonstance que l'accord collectif majoritaire n'aurait pas été signé antérieurement à l'ouverture de la première réunion mais le jour même où elle s'est tenue est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors que cet accord a bien été conclu avec les organisations syndicales. Par suite, le moyen tiré de ce que le comité social et économique n'aurait pas été en mesure d'exercer en connaissance de cause ses attributions ne peut qu'être écarté.

S'agissant des conditions de déroulement de la réunion de consultation du comité social et économique du 3 avril 2020 :

30. En premier lieu, aux termes de l'article L 2315-4 du code du travail : " Le recours à la visioconférence pour réunir le comité social et économique peut être autorisé par accord entre l'employeur et les membres élus de la délégation du personnel du comité. En l'absence d'accord, ce recours est limité à trois réunions par année civile. (...)" . Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel : " I. - Par dérogation aux dispositions des articles L. 2315-4 et L. 2316-16 du code du travail, le recours à la visioconférence est autorisé pour l'ensemble des réunions du comité social et économique et du comité social et économique central, après que l'employeur en a informé leurs membres. (...) ".

31. Les requérants font valoir que le projet de restructuration Ebra Services ne devant démarrer qu'au 1er janvier 2021, il n'y avait aucune raison d'accélérer le processus d'information et de consultation du comité social et économique en le clôturant, le 3 avril 2020, au cours de la période de crise sanitaire liée à la COVID 19, alors que la secrétaire et le secrétaire adjoint n'étaient pas présents. Ils ajoutent que le procès-verbal a été signé par une autre personne que le secrétaire de séance, ce qui s'opposait à l'organisation d'un débat permettant d'émettre un avis dans des conditions loyales et sérieuses.

32. Toutefois, il n'est pas contesté que lors d'une réunion dite R0, du 19 février 2020, le projet de restructuration a été présenté aux membres du comité social et économique, lesquels ont également reçu le projet d'accord collectif majoritaire (dit livre 1) ainsi qu'un document relatif au projet de réorganisation lié à la création de la société Ebra Services et à ses conséquences (dit livre 2), notamment sur le plan de la santé et des conditions de travail. Puis, au cours de la réunion R1, du 27 février 2020, l'accord collectif majoritaire signé leur a été distribué. Il ressort également des pièces du dossier que lors de la réunion R2 du 5 mars 2020, le rapport d'expertise du cabinet Diagoris a été présenté au comité social et économique. Si l'employeur, qui a du reste accepté de reporter la consultation du comité social et économique initialement prévue le 26 mars 2020 au 3 avril 2020, a refusé de renvoyer à une autre date la consultation sur le projet de restructuration et ses conséquences, il ressort de la lettre de convocation à cette réunion et du procès-verbal dressé à l'issue, que l'ensemble des représentants a été convoqué pour assister à cette réunion et a été informé qu'elle se déroulerait, compte tenu du contexte sanitaire, en visioconférence et en présentiel, mettant ainsi les membres du comité en mesure d'y participer.

33. Par ailleurs, il ressort de ces mêmes pièces qu'un secrétaire de séance a été désigné, parmi les deux seuls membres élus présents, en raison de l'absence de la secrétaire en exercice et de son adjoint. S'il est vrai que la secrétaire ainsi désignée n'a pas signé personnellement le procès-verbal de séance, lequel a été signé " pour ordre " par l'autre élu présent, cette circonstance n'est pas de nature à affecter les conditions de déroulement de la séance au cours de laquelle le comité a rendu son avis sur le projet et ses conséquences. Enfin, dans le procès-verbal de séance de la réunion du 3 avril 2020, il est indiqué " les membres du CSE s'estimant suffisamment informé, ont voté " sur le projet de réorganisation liée à la création d'Ebra Services et des conséquences (livre 2), abstentions : 2 voix ". L'abstention des élus présents sur le projet et ses conséquences, qui constitue déjà en soi la manifestation d'une opinion, n'est pas de nature à induire, contrairement à ce que soutiennent les requérants, qu'ils n'auraient pas bénéficié d'une information suffisante pour se prononcer en connaissance de cause sur le projet. Si le comité social et économique a tenu une réunion exceptionnelle le 7 octobre 2020 au cours de laquelle ont été posées de nombreuses questions sur le projet Ebra Services, cette circonstance ne suffit pas à démontrer que l'information aurait été insuffisante concernant précisément le projet de réorganisation et ses conséquences pour les DNA. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le CSE n'a pas été en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur le projet et ses conséquences et, par suite, que la décision de validation contestée est irrégulière.

34. En second lieu, aux termes de l'article L. 2315-23 du code du travail : " Le comité social et économique (...) est présidé par l'employeur ou son représentant, assisté éventuellement de trois collaborateurs qui ont voix consultative. (...) ".

35. S'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance du 3 avril 2020, que l'employeur était, lors des réunions du comité social et économique, assisté d'une tierce personne, ayant qualité de directeur des ressources humaines par intérim, qui, selon les requérants n'était pas salarié des DNA, une telle circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la décision de validation en litige dès lors qu'il n'est pas établi et qu'il ne ressort pas du procès-verbal, que cette présence a pu exercer une influence sur les membres du comité social et économique.

S'agissant de la consultation du comité social et économique en matière d'incidence du projet sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés :

36. D'une part, il résulte des dispositions du 2° du I de l'article L. 1233-30 du code du travail citées au point 26 que l'employeur consulte le comité social et économique sur le projet de licenciement collectif, et notamment sur les conséquences des licenciements projetés sur les conditions de santé, de sécurité et de travail des salariés, lorsque comme en l'espèce, celles-ci ne sont pas traitées par l'accord collectif majoritaire. D'autre part, aux termes de l'article L. 2312-8 du code du travail : " Le comité social et économique a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production./ Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur : / 1° Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ; / 2° La modification de son organisation économique ou juridique ; / 3° Les conditions d'emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ; / 4° L'introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ; (...) ".

37. Il résulte de ces dispositions et de celles du 2° de l'article L. 1233-57-2 énoncées au point 7 que, lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande de validation d'un accord collectif fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi pour une opération qui, parce qu'elle modifie de manière importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés de l'entreprise, requiert la consultation du comité social et économique, elle ne peut légalement accorder la validation demandée que si cette consultation a été régulière. Les vices qui affectent le cas échéant la consultation du comité social et économique ne sont susceptibles d'entacher d'irrégularité la procédure d'information et de consultation et, par suite, de faire obstacle à toute validation ou d'homologation d'un accord ou d'un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, que lorsque cette consultation est obligatoire en vertu des dispositions de l'article L. 2312-8 du code du travail. Il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le comité social et économique a disposé des informations utiles pour se prononcer en toute connaissance de cause sur l'opération projetée. L'irrégularité de la procédure d'information et de consultation obligatoire faisant obstacle à ce que l'administration puisse légalement homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient au juge, lorsqu'il constate que la procédure a été irrégulière, d'annuler la décision de validation ou d'homologation, sans avoir à rechercher l'influence exercée par cette irrégularité sur la décision en litige ni examiner si elle avait privé les salariés d'une garantie.

38. Il ressort des pièces du dossier, notamment du document intitulé projet de réorganisation et ses conséquences (livre 2) qu'en raison de l'importance du projet de restructuration des risques pour la santé des salariés ont été identifiés, nécessitant ainsi l'information et la consultation du comité social et économique en application des articles L. 1233-30 et L. 2312-8 du code du travail.

39. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des stipulations du c de l'article 7-1 de l'accord collectif relatif à la mise en place du comité social et économique que la commission santé sécurité et conditions de travail, prévue par cet accord, n'avait pas à être obligatoirement saisie en vue notamment d'une analyse des risques inhérents au projet de restructuration. Au surplus, cette commission, prévue par l'article L. 2315-36 du code du travail, n'a pas à être consultée par l'employeur.

40. D'autre part, il résulte de ce qui a été indiqué au point 32 que les membres du comité social et économique ont notamment reçu un document intitulé projet de réorganisation et ses conséquences dont l'un des titres libellé " conséquences en terme d'hygiène et sécurité " expose les risques auxquels les salariés étaient susceptibles d'être exposés au cours de la mise en oeuvre du projet de restructuration et les mesures prises par l'employeur pour y remédier, à savoir une cellule d'écoute psychologique et l'intervention des acteurs de la santé et du stress. Le suicide d'un salarié à la fin de l'année 2020, dont il n'est pas démontré qu'il serait en lien avec la réorganisation des DNA, et les alertes des représentants du personnel ne sont pas de nature à établir que l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et les mesures de prévention prises par l'employeur auraient été insuffisantes. En outre, les conséquences du projet sur les conditions de travail et la santé des salariés des DNA leur ont été présentées lors des réunions dites R0 et R1. Ainsi, le comité économique et social doit être regardé comme ayant reçu l'ensemble des informations utiles pour se prononcer en connaissance de cause au titre de sa compétence en matière de santé, sécurité et des conditions de travail des salariés.

41. Enfin, il est constant que le comité social et économique a été consulté le 3 avril 2020 pour émettre un avis sur le projet de réorganisation et ses conséquences, parmi lesquelles figuraient celles relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail des salariés en application du 2° du I de l'article L. 1233-30 du code du travail. Il s'est ainsi nécessairement prononcé au titre de sa compétence en matière de santé, sécurité et conditions de travail des salariés des DNA, nonobstant l'absence d'avis distincts.

42. Par suite, le moyen tiré de ce que le comité social et économique ne se serait pas prononcé, en toute connaissance de cause, sur l'incidence du projet sur les conditions de santé, de sécurité et de travail des salariés doit être écarté.

En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

43. Aux termes de l'article L. 123324-2 du code du travail : " L'accord collectif (...) peut également porter sur : (...)/ 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ". La circonstance que, pour déterminer les catégories professionnelles concernées par le licenciement, un accord collectif fixant un plan de sauvegarde de l'emploi se fonde sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou ait pour but de permettre le licenciement de salariés affectés sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée, n'est pas, par ellemême, de nature à caractériser une méconnaissance des dispositions de l'article L. 1233572 du code du travail. Elle ne saurait, par suite, faire obstacle à la validation de cet accord. Il en va autrement si les stipulations qui déterminent les catégories professionnelles sont entachées de nullité, en raison notamment de ce qu'elles revêtiraient un caractère discriminatoire.

44. Les requérants, qui ne contestent pas que l'accord collectif majoritaire, comporte les mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63, font valoir que les catégories professionnelles du plan de sauvegarde de l'emploi de la société DNA sont illicites et discriminatoires en ce qu'elles auraient été déterminées dans le seul but d'évincer M. N..., délégué syndical CGC. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet de restructuration a pour objet de cesser l'essentiel des activités non éditoriales au sein des titres du groupe Crédit Mutuel, et notamment au sein de la société DNA, soit les activités de fabrication graphique / prépresse, de carnets, d'ordonnancements / trafic, de relations client et de SVP. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'une note interne de 2012 relative à la réorganisation du service support informatique/assistants techniques, devant s'appeler " DNA SVP ", que le poste de " responsable développement système production " occupé par M. N..., délégué syndical CGC, relève, eu égard à ses fonctions, du service SVP. Si les requérants contestent l'affirmation de l'employeur selon laquelle le poste de M. N... se rattacherait à ce service, ils n'indiquent pas à quel autre service conservé par les DNA il se rattacherait. A cet égard, si M. N... a postulé, en 2013, pour occuper un poste qui devait se libérer au sein du service SVP, cette circonstance n'est pas de nature à établir que l'intéressé appartenait à un autre service alors que le poste était différent du sien. Par ailleurs, le tableau synoptique figurant dans l'accord collectif majoritaire déterminant les postes existants au 31 décembre 2019 et ceux supprimés dans le cadre du projet Ebra Services montre que plusieurs catégories professionnelles comportent un poste unique. Ainsi, la circonstance que le délégué syndical CGC serait le seul représentant de sa catégorie professionnelle n'induit pas nécessairement qu'il aurait été victime d'une discrimination alors que selon l'accord collectif majoritaire, les catégories professionnelles concernées ont été définies comme regroupant l'ensemble des salariés exerçant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune et qui sont donc interchangeables. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

45. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-57-2 du code du travail citées au point 7 que, lorsque le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été déterminé par un accord collectif majoritaire signé dans les conditions prévues à l'article L. 1233-24-1 du même code, l'administration doit seulement s'assurer de la présence, dans ce plan, des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les mesures de reclassement seraient insuffisantes au regard des moyens du groupe. Ils ne peuvent pas davantage soutenir que le plan de sauvegarde d'une autre société du groupe comporte des mesures plus favorables que celles adoptées pour les salariés des DNA et entrainerait par suite une rupture d'égalité de traitement.

46. Il résulte de tout ce qui précède que M. N... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

47. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société DNA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. N... et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. N... et du syndicat CGC Presse la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société DNA et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. N... et autres est rejetée.

Article 2 : M. N... et le syndicat CGC Presse verseront à la société DNA la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. C... N..., le syndicat CGC Presse, M. F... E..., Mme M... O..., Mme I... B... et Mme H... L... et à Me G... pour la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, au syndicat Filpac CGT, au syndicat UNSA spectacle et communication, au syndicat CFDT S3C et au syndicat national des journalistes.

N° 20NC03294 15


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03294
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP DULMET DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-02;20nc03294 ?
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