Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA (société anonyme) Gugler France a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1601260,1701385 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté partiellement la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 mars, le 30 octobre 2019 et le 30 janvier 2020, la société Gugler France demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ainsi que les pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les prestations de service réalisées par la société Next Invest SA dans le cadre de la convention de conseil en gestion du 5 septembre 2005, dont elle ne remet pas en cause la réalité, relèvent d'une gestion commerciale anormale ;
- en l'absence de rehaussements lors d'une précédente vérification de comptabilité réalisée en 2007, l'administration, qui a pris une position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, a méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe " d'espérance légitime " ainsi que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
- l'administration a méconnu l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 juillet et le 3 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Gugler France ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n°2020-1402 et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Gugler France, qui exerce une activité de commerce de gros bois et de matériaux de construction et qui est détenue à 64 % de son capital par la société luxembourgeoise Next Invest, a fait l'objet, au cours de l'année 2014, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. Par une proposition de rectification du 27 juin 2014, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration lui a notamment notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 pour un montant total, en droits et pénalités, de 33 528 euros. Le 8 juin 2016, le service a partiellement accepté, à hauteur de 15 094 euros, la réclamation présentée par la société le 8 février précédent et a rejeté le surplus de cette réclamation en laissant à sa charge des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour un montant de 17 068 euros et des pénalités pour un montant de 1 366 euros. La société Gugler France relève appel du jugement du 15 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices précités.
Sur le bien fondé de l'imposition :
2. Il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. La prise en charge du coût de prestations de services rendues au profit d'une autre entreprise, des prêts sans intérêts ou assortis d'un taux minoré ainsi que l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers, ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avantages est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages consentis par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise apporte une telle justification, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que cette contrepartie est dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que sa rémunération est excessive.
3. Dans le cadre de ses opérations de contrôle, l'administration a relevé le lien de dépendance entre la SAS Gugler France et la société Next Invest comme indiqué au point 1. Si elle reconnaît la réalité des réunions, l'administration a estimé que les prestations délivrées par la société Next Invest à la société requérante, correspondant à l'organisation et la tenue de deux réunions de trois jours chacune, sont similaires à celles accomplies par la société Next Invest au titre de sa mission d'assistance comptable. Elle a ainsi considéré que la première réunion a consisté en une situation comptable intermédiaire et que lors de la seconde réunion ont été présentés des commentaires sur l'exercice écoulé, analogues à ceux formulés dans les procès-verbaux des conseils d'administration. Elle en a déduit que les prestations en litige ont consisté en des réunions inhérentes à la qualité de société mère et que la société Gugler France n'apportait pas les éléments permettant de prouver leur caractère déductible sur le fondement des dispositions précitées de l'article 39-1 du code général des impôts.
4. Toutefois, il est constant que la société requérante a présenté au vérificateur la convention de conseil de gestion qu'elle a conclue avec sa société mère le 5 septembre 2005, établie selon les exigences de l'article 225-38 du code du commerce, les procès-verbaux des trois réunions en litige ainsi que les factures relatives aux prestations en cause. La société a ainsi produit pour chacune de ces réunions, le programme, la liste des participants ainsi que le compte-rendu de ces réunions et précise que les prestations de service correspondantes lui permettent notamment d'avoir trimestriellement une vue détaillée de son activité, par établissement, au moyen d'une analyse analytique de ses coûts et de ses ratios, et de définir rapidement des stratégies de gestion ou des correctifs qui s'imposent. Si l'administration argue de ce que les dépenses relatives à ces prestations font double emploi avec la mission comptable confiée par la société requérante à la société Next Invest, la société Gugler France fait valoir d'une part, que les prestations en litige ont été réalisées dans le cadre de l'article 2 de la convention de conseil de gestion précitée et d'autre part, qu'elle est dans l'incapacité de réaliser en interne ces prestations de services dès lors que son personnel est exclusivement composé de commerciaux et de poseurs. Elle ajoute que les sommes versées à la société Next Invest au titre des prestations en litige correspondent à un taux horaire de 194 euros l'heure, soit un taux inférieur aux taux usuellement pratiqués. Enfin, la société requérante fait valoir que la mission comptable de la société Next Invest et les prestations de service délivrées dans le cadre de la convention du 5 septembre 2005 sont de nature différente comme l'atteste la lettre de mission comptable du 28 janvier 2008 dans laquelle il est précisé que la société Next Invest est chargée de tenir sa comptabilité, d'élaborer les déclarations fiscales et de préparer les comptes annuels en vue de leur révision et de leur établissement par l'expert-comptable. Dans ces conditions, la société requérante apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis à la société Next Invest ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation. Par suite, dès lors que le service s'est pour sa part borné à se prévaloir des seuls éléments mentionnés au point 3 ci-dessus, c'est à tort que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société requérante les charges litigieuses.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SA Gugler France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1601260,1701385 du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La SA Gugler France est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SA Gugler France la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Gugler France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 19NC00774