Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, la décision du 18 octobre 2017, par laquelle le président du conseil départemental de la Meuse a procédé à son licenciement pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux en date du 26 décembre 2017 et, d'autre part, la décision du 10 novembre 2017 par laquelle cette autorité lui a retiré son agrément d'assistante familiale, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au président du conseil départemental de la Meuse de la réintégrer dans ses fonctions et de lui restituer son agrément d'assistante familiale.
Par un jugement n° 1800462, 1800598 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Nancy, après les avoir jointes, a rejeté les demandes de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2019, Mme C... A..., représentée par la SCP Dubois-Marrion, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 18 octobre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Meuse a procédé à son licenciement pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux en date du 26 décembre 2017 ;
3°) d'annuler la décision du 10 novembre 2017 par laquelle cette autorité lui a retiré son agrément d'assistante familiale, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux ;
4°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Meuse de la réintégrer dans ses fonctions d'assistante familiale ;
5°) de mettre à la charge du département de la Meuse la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'insuffisance professionnelle relevée ne porte que sur un accueil d'une durée de quatre mois, sans tenir compte de la qualité de ses services au cours des années antérieures ;
- elle conteste les griefs tirés de sa froideur ou d'attitudes inadaptées envers les enfants qu'elle a accueillis ;
- le retrait de son agrément et son licenciement constituent des sanctions disproportionnées au regard des faits allégués à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2019, le département de la Meuse, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme A... le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel, qui se borne à reproduire les écritures de première instance, est irrecevable faute de comporter des moyens d'appel ;
- les faits qui lui sont reprochés sont établis et de nature à justifier le licenciement litigieux et le retrait de son agrément alors même qu'ils se sont déroulés sur une courte période ;
- les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables dès lors que l'annulation des décisions en cause n'impliquerait pas nécessairement la réintégration de Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Marrion, avocat de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., bénéficiaire d'un agrément en qualité d'assistante familiale, a été employée en cette qualité par le département de la Meuse à compter de février 1997. Par décision du 18 octobre 2017, le président du conseil départemental de la Meuse a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Le recours gracieux présenté par Mme A... contre cette décision a été rejeté le 26 décembre 2017. Par une décision du 10 novembre 2017, le président du conseil départemental de la Meuse a ensuite procédé au retrait de son agrément. Le recours gracieux présenté le 19 décembre 2017 par Mme A... a été implicitement rejeté. Mme A... fait appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces quatre décisions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle :
2. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Lorsque la manière de servir d'un fonctionnaire exerçant des fonctions qui ne correspondent pas à son grade le justifie, il appartient à l'administration de mettre fin à ses fonctions. Une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé de nouvelles fonctions correspondant à son grade durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ces fonctions peut, alors, être de nature à justifier légalement son licenciement.
3. Le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme A... est fondé sur les difficultés rencontrées par cette dernière dans la prise en charge éducative et affective des enfants qui lui étaient confiés ainsi que dans ses relations avec le public et les professionnels de l'enfance.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des notes établies les 23 juin 2017 et 29 mai 2017 par la responsable de la maison de la solidarité de Saint-Mihiel et la référente départementale des assistants familiaux ainsi que des comptes-rendus de visites médiatisés des 2 mai 2017 et 19 avril 2017, que Mme A... a fait preuve d'un comportement inadapté à l'égard de deux enfants, âgés de 7 et 9 ans, dont l'accueil lui avait été confié de décembre 2016 à mai 2017, se manifestant par un désintérêt, une froideur excessive et un manque d'investissement, la tenue de propos déplacés et dévalorisants en présence des enfants et de leurs parents, le recours à des méthodes éducatives inappropriées et un manque de collaboration avec les équipes du département révélant ainsi ses inaptitudes à l'exercice des fonctions d'assistante familiale qui lui avaient été confiées. En outre, malgré les mises en garde qui lui avaient été adressées afin qu'elle corrige sa posture professionnelle, notamment par l'infliction d'un blâme le 20 mars 2015, à raison de faits pour partie similaires, Mme A... n'a pas amélioré son comportement. Eu égard au caractère circonstancié des notes sur lesquelles le département a fondé sa décision, émanant de différents professionnels ayant pu travailler avec Mme A..., cette dernière n'est pas fondée à soutenir que l'exactitude matérielle des griefs qui lui sont opposés, attestant des défaillances dans sa pratique professionnelle, n'est pas établie.
5. En second lieu, Mme A... se prévaut de la qualité des accueils d'adolescents qui lui ont été confiés antérieurement, attestés par des rapports émis en 2011 et en 2014, et quelques attestations rédigées en termes généraux. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la qualité de son travail s'est dégradée au cours des années récentes, attestée par plusieurs insuffisances qui ont persisté malgré les mises en garde qui lui avaient été adressées. Ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, la décision litigieuse n'a pas été prise en tenant compte des difficultés qu'elle a rencontrées au cours de l'accueil d'une seule fratrie pendant quatre mois dans un contexte particulier, mais de sa pratique professionnelle au cours des deux années qui ont précédé la mesure litigieuse, sans que celle-ci ne modifie son comportement. Dans ces conditions, compte tenu de la vulnérabilité des enfants accueillis et des nombreuses insuffisances relevées sur le plan éducatif, affectif et relationnel tant à l'égard des enfants, que des parents et des professionnels avec lesquels elle est amenée à travailler, le département de la Meuse n'a pas commis d'erreur d'appréciation en licenciant Mme A... pour insuffisance professionnelle.
S'agissant de la décision de retrait d'agrément :
6. Aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-3 du même code : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) / L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne ". Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 421-6 du même code : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.
8. En premier lieu, il ressort des termes de la décision litigieuse que le président du conseil départemental de la Meuse a retiré l'agrément de Mme A... en qualité d'assistante familiale pour les mêmes motifs que ceux qui ont fondé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Eu égard à ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que les critiques relatives aux aptitudes professionnelles de la requérante reposent sur des faits matériellement erronés ou des propos inexacts.
9. En second lieu, au vu de l'ensemble des éléments mentionnés aux points 4 et 5 du présent arrêt, le président du conseil départemental de la Meuse a pu valablement estimer, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, que les conditions d'accueil proposées par la requérante ne permettaient plus de garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs accueillis et étaient de nature à justifier le retrait de son agrément.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département de la Meuse, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 18 octobre et du 10 novembre 2017, ensemble le rejet de ses recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Meuse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le département de la Meuse sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de la Meuse présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au département de la Meuse.
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N° 19NC02558