Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du Bant a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 10 mars 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est a autorisé le GAEC Garré à exploiter des terres agricoles d'une surface de 9,55 hectares, situées sur le territoire de la commune de Tailly.
Par un jugement n° 1700898 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2018, le GAEC du Bant, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 septembre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 10 mars 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est a autorisé le GAEC Garré à exploiter des terres agricoles d'une surface de 9,55 hectares, situées sur le territoire de la commune de Tailly.
Il soutient que :
- la décision litigieuse est entachée d'une illégalité de procédure dès lors qu'il a été assimilé à un demandeur concurrent de l'autorisation délivrée ;
- l'annexe V de l'arrêté du 22 décembre 2015 ne s'appliquait pas à sa situation, en l'absence de critères liés à l'exploitant en place ;
- la décision litigieuse viole le principe général des droits acquis ;
- l'autorisation d'exploitation délivrée au GAEC Garré viole les dispositions de l'article L. 331-1 alinéa 3, 1° du code rural et de la pêche maritime.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2020, l'EARL Garré, représentée par la SCP Ledoux, Ferri, Riou-Jacques, Touchon, Mayolet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du GAEC du Bant la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 juillet 2020, la clôture d'instruction a été reportée au 14 août 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le GAEC du Bant exploitait des terres agricoles d'une surface de 9,55 hectares situées sur le territoire de la commune de Tailly (Ardennes). Par une décision du 10 mars 2017, le préfet de la région Grand Est a fait droit à la demande du GAEC Garré d'exploiter ces mêmes terres. Le GAEC du Bant fait appel du jugement du 18 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : / 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma régional directeur des exploitations agricoles ; / 2° Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux relevant du mode de production biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que leur pérennisation ; / 3° Maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d'exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d'une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma régional directeur des exploitations agricoles. ". Aux termes du I de l'article L. 331-2 du même code : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : /: 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ".
3. Selon, d'autre part, l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; ". Le III de l'article L. 312-1 du même code dispose que : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit (...) l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. ". L'article 2 de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 relatif au schéma régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne fixe une liste non exhaustive d'orientations de la politique agricole régionale en vue de la promotion d'une agriculture diversifiée source d'emploi et de revenus pour les agriculteurs. L'article 3 de cette décision prévoit que les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité établi en prenant en compte la nature de l'opération au regard des objectifs du contrôle des structures et l'intérêt économique et environnemental de l'opération. L'article 5 fixe les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération et fixe des critères de priorisation complémentaires et leur pondération afin de départager, le cas échéant, les candidatures en fonction de l'intérêt des opérations envisagées.
4. Il résulte de ces dispositions que le préfet, saisi d'une demande d'autorisation d'exploiter des terres déjà mises en valeur par un autre agriculteur, doit pour statuer sur cette demande, d'une part, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur régional des structures agricoles entre la situation du demandeur et celle du preneur en place, alors même que celui-ci n'est pas soumis à autorisation et n'a en conséquence déposé aucune demande en ce sens, et d'autre part, le cas échant, mettre en oeuvre les critères de départage en cas d'égalité. Lorsque plusieurs personnes, au regard de ces critères, sont autorisées à exploiter les mêmes terres, la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles est sans incidence sur la liberté du propriétaire des terres de choisir la personne avec laquelle il conclura un bail.
5. En l'espèce, le préfet de la région Grand Est était saisi par le GAEC Garré d'une demande d'autorisation d'exploiter des terres, dont il était propriétaire, mais qui étaient déjà mises en valeur par le GAEC du Bant, dans le cadre d'un bail à ferme, sans que ce dernier, qui n'était pas soumis à un régime d'autorisation, n'ait par ailleurs présenté une demande concurrente. Au regard de ce qui a été dit au point précédent, il incombait ainsi au préfet d'examiner la demande présentée par le GAEC Garré en fonction des critères définis à l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime et des priorités définies par le schéma régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne, ce qui impliquait la prise en considération de la situation du preneur.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des lettres adressées au GAEC du Bant par le préfet les 17 octobre 2016 et 24 novembre 2016 et des termes mêmes de la décision litigieuse, que le préfet ne s'est pas mépris sur la qualité de preneur en place du GAEC du Bant qui n'était pas demandeur concurrent d'une autorisation d'exploiter. A cet égard, la seule circonstance qu'il a demandé au GAEC intéressé, afin de statuer sur la demande unique dont il était saisi, de compléter un formulaire Cerfa destiné au demandeur d'une autorisation d'exploiter ne saurait démontrer une erreur dans l'appréciation de sa qualité de preneur. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet n'est pas fondé.
7. En deuxième lieu, comme il a été dit au point n°4, il appartenait au préfet d'examiner la demande d'autorisation présentée par le GAEC Garré en tenant compte du rang de priorité de ce dernier par rapport au rang du preneur en place. Dès lors que le préfet avait constaté que les deux agriculteurs relevaient du même rang de priorité, il lui appartenait de mettre en oeuvre les critères de départage prévus par l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 relatif au schéma régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne et de les appliquer à la situation de chacun, alors même que le GAEC du Bant n'avait pas présenté de demande concurrente. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet n'est pas fondé.
8. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point n°4 que la circonstance que le preneur en place exploite des terres sans être soumis à l'obligation de détenir une autorisation ne fait pas obstacle à la délivrance d'une autorisation sur ces terres à un agriculteur relevant d'un rang de priorité au moins égal à celui dont il relève. Par suite, le GAEC du Bant n'est pas fondé à soutenir que la décision autorisant le GAEC Garré à exploiter les terres qu'il mettait en valeur a porté atteinte à son droit de poursuivre leur exploitation, qui dépend, au regard de l'égalité du rang de priorité des deux GAEC, du choix du propriétaire. Pour les mêmes motifs, la décision litigieuse n'a pas méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime alors même que l'un des membres associés du GAEC du Bant a obtenu des aides à l'installation en qualité de jeune agriculteur en décembre 2015.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC du Bant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GAEC du Bant une somme de 1 500 euros à verser au GAEC Garré au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du GAEC du Bant est rejetée.
Article 2 : Le GAEC du Bant versera au GAEC Garré une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC du Bant, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à l'EARL Garré.
Copie en sera adressée au préfet de la région Grand Est.
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N° 18NC03069