Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... et Mme A... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 5 février 2019 par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1900965, 1900966 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés du 5 février 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2019, le préfet de la Marne demande à la cour d'annuler ce jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés du 5 février 2019.
Il soutient que :
- les arrêtés attaqués ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale ;
- les moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense et des pièces, enregistrés les 8 octobre 2019, 26 décembre 2019, 09 juin 2020, 16 juin 2020 et 09 septembre 2020, M. et Mme C..., représentés par la SCP d'avocats MCM et associés, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de la Marne ne sont pas fondés.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 17 septembre 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., nés respectivement en 1984 et en 1989, sont tous deux de nationalité libyenne. M. C... est entré régulièrement en France le 15 février 2010 sous couvert d'un visa long séjour étudiant. L'intéressé, inscrit en doctorat en histoire, a obtenu un titre de séjour en qualité d'étudiant régulièrement renouvelé jusqu'à l'obtention de son diplôme en avril 2018. Il a été rejoint par son épouse le 16 octobre 2014, qui a obtenu un droit au séjour en qualité de " visiteur ", régulièrement renouvelé jusqu'en 2018. Les intéressés ont sollicité un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour " vie privée et familiale ". Par arrêtés du 5 février 2019, le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Marne relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces arrêtés du 5 février 2019.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... était présent en France depuis neuf ans à la date des décisions attaquées, son épouse y demeurant depuis quatre ans et demi. M. C... a obtenu son doctorat en histoire le 10 avril 2018. Deux enfants sont nés en France de leur union en 2015 et 2018. L'aînée était scolarisée en moyenne section de maternelle à la date des décisions attaquées. Si le préfet de la Marne soutient que les enfants pourront être scolarisés en Libye, M. et Mme C... produisent notamment un rapport du conseil d'administration du programme alimentaire mondial du 7 décembre 2019 qui fait état de difficultés pour les écoles situées dans les zones de conflit en Libye. Par ailleurs, M. C... démontre ses efforts d'intégration en justifiant de ses démarches entreprises début 2019 pour être recruté en tant qu'enseignant, qui n'ont pu aboutir en raison de sa situation irrégulière. Mme C... avait quant à elle obtenu en Libye un diplôme de chirurgien-dentiste en septembre 2014. A la scolarisation de sa fille, Mme C... s'est inscrite à un atelier de français pour l'année 2018/2019. Leur parcours démontre ainsi leurs efforts d'intégration. Ces circonstances très particulières sont de nature à prouver l'existence d'une vie privée et familiale stable, ancienne et continue en France, de nature à caractériser l'atteinte que porteraient les décisions attaquées à leur droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit qu'eu égard à ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé les arrêtés du 5 février 2019.
4. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés du 5 février 2019.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP d'avocats MCM et associés, représentant M. et Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros au titre des frais d'instance des intimés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Marne est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme globale de 1 500 euros à la SCP d'avocats MCM et associés, représentant M. et Mme C..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... C... et Mme A... C....
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 19NC02266