Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... et Mme A... F... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 5 février 2019 par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1900673, 1900674 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés du 5 février 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2019, le préfet de la Marne demande à la cour d'annuler ce jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ses arrêtés du 5 février 2019.
Il soutient que les mesures d'éloignement édictées à l'encontre de M. et Mme C... ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale.
Par des mémoires en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 10 et 25 octobre 2019, M. et Mme C..., représentés par la SCP d'avocats MCM et associés, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de la Marne ne sont pas fondés.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 17 septembre 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., nés respectivement en 1977 et en 1982, et tous deux de nationalité libyenne, sont entrés régulièrement en France le 28 novembre 2010. M. C..., inscrit en doctorat de droit, a obtenu un titre de séjour en qualité d'étudiant régulièrement renouvelé jusqu'à l'obtention de son diplôme en juillet 2018. Mme C... a, quant à elle, bénéficié d'un titre de séjour en qualité de " visiteur ". Le 24 mai 2018, les intéressés ont sollicité un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour " vie privée et familiale ". Par arrêtés du 5 février 2019, le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Marne relève appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ses arrêtés du 5 février 2019.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... étaient présents en France depuis plus de huit ans à la date des décisions attaquées. M. C... a obtenu son doctorat en droit public le 9 juillet 2018. Il a régulièrement travaillé durant ses études en complément de la bourse d'études dont il bénéficiait de l'Etat libyen. Mme C..., qui avait un statut de visiteur, a suivi des études en France. Elle a validé un master de droit public avec une mention passable le 20 octobre 2014. Elle a par ailleurs obtenu son code à l'examen du permis de conduire le 12 janvier 2019. Ils sont en outre locataires d'un logement. Leur parcours démontre ainsi leurs efforts d'intégration et la maîtrise de la langue française. M. et Mme C... sont parents de quatre enfants, nés en 2008, 2011, 2012 et 2017. L'aîné, Fares, né en Libye, a été scolarisé dès septembre 2011 en France et était, à la date des décisions attaquées en cours moyen 2ème année. Les trois autres enfants sont nés en France. Bahar né en 2011 et Basma née en 2012 étaient scolarisés à la date des décisions attaquées respectivement en cours élémentaire 1ère année et en cours primaire. Si le préfet de la Marne soutient qu'ils pourront poursuivre leur scolarité débutante en Libye, il n'est pas contesté que les enfants n'ont été scolarisés qu'en France et sont soit nés en France soit pour l'aîné, parti très jeune de la Libye. Ces circonstances très particulières sont de nature à prouver l'existence d'une vie privée et familiale stable, ancienne et continue en France, de nature à caractériser l'atteinte que porteraient les décisions attaquées à leur droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit qu'eu égard à ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé les arrêtés du 5 février 2019.
4. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés du 5 février 2019.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP d'avocats MCM et associés, représentant M. et Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros au titre des frais d'instance des intimés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Marne est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme globale de 1 500 euros à la SCP d'avocats MCM et associés, représentant M. et Mme C..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... C... et à Mme A... F... B... épouse C....
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 19NC02265