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29/12/2020 | FRANCE | N°19NC01306

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 29 décembre 2020, 19NC01306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1700321 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Besançon a constaté un non-lieu à statuer partiel et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2019, M. B... E..., r

eprésenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1700321 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Besançon a constaté un non-lieu à statuer partiel et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2019, M. B... E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 mars 2019 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités correspondantes restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'administration ayant reconnu qu'il a fait l'objet d'un contrôle fiscal en lui faisant bénéficier des garanties attachées à la vérification de comptabilité, un avis de vérification aurait dû lui être adressé en application de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- en prononçant un dégrèvement le 31 juillet 2011 correspondant à 50 % de son résultat déclaré après le dépôt de sa déclaration de revenus, l'administration doit être regardée comme lui ayant accordé le bénéfice de l'exonération de l'article 44 sexies du code général des impôts : l'administration ayant ainsi pris formellement position sur sa situation, il peut se prévaloir des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- la disproportion du montant de la rectification méconnait le principe d'individualisation et de proportionnalité des peines ;

- il peut se prévaloir de la réponse ministérielle de M. D... du 24 avril 1995 puisque le défaut de déclaration dans les délais est dû à la carence de son comptable, qui a usurpé la qualité d'expert-comptable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Du 6 juin 2006 au 30 septembre 2010, M. E... a exercé, dans le cadre d'une entreprise individuelle, sous le nom commercial de Proxiauto, une activité de commerce de détail d'équipements et pièces pour l'automobile. Cette activité a été poursuivie à compter du 27 octobre 2010 par la SARL Proxiauto dont le gérant et l'un des associés est M. E.... A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts dont l'intéressé a bénéficié au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2010. Par proposition de rectification du 29 novembre 2013, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010. M. E... relève appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. (...) ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 29 novembre 2013, que pour remettre en cause au titre de l'exercice clos en 2010 le bénéfice du régime de faveur prévu par l'article 44 sexies du code général des impôts, le vérificateur s'est borné à tirer les conséquences du défaut de dépôt de la déclaration de résultat dans le délai légal sans procéder à un quelconque examen critique des pièces comptables relatives à l'exercice clos au 30 septembre 2010. Il s'ensuit que l'administration doit être regardée comme ayant mis en oeuvre un simple contrôle sur pièces de l'activité exercée à titre individuel par M. E... au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2010. Contrairement à ce que soutient le requérant, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut en application de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales précité se prononcer sur le régime d'exonération des entreprises nouvelles. Sa saisine n'est ainsi dans ce cas pas réservée aux vérifications de comptabilité. Enfin, comme le fait valoir le ministre en défense, les recours auprès du supérieur hiérarchique et de l'interlocuteur départemental exercés les 6 juin et 24 septembre 2014 se sont déroulés dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL Proxiauto portant sur la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2010. Ces circonstances, ainsi que la réponse du conciliateur fiscal déclinant sa compétence, ne sauraient faire regarder la procédure engagée par l'administration pour le contrôle de l'activité individuelle de M. E... comme étant une vérification de comptabilité. Dans ces conditions, l'administration n'était pas tenue d'adresser à l'intéressé un avis de vérification préalablement aux opérations de contrôle sur pièces. Par suite, la procédure d'imposition n'est pas entachée d'irrégularité.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, le bénéfice des dispositions du présent article est également accordé aux entreprises qui exercent une activité professionnelle au sens du 1 de l'article 92, ainsi qu'aux contribuables visés au 5° du I de l'article 35. (...) Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. ". Aux termes l'article 53 A du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 302 septies A bis, les contribuables, autres que ceux soumis au régime défini à l'article 50-0, sont tenus de souscrire chaque année, dans les conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent. (...) ". Aux termes de l'article 201 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ou d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. Les contribuables doivent, dans un délai de soixante jours déterminé comme il est indiqué ci-après, aviser l'administration de la cession ou de la cessation et lui faire connaître la date à laquelle elle a été ou sera effective (...) 3. Les contribuables assujettis à un régime réel d'imposition sont tenus de faire parvenir à l'administration, dans le délai de soixante jours déterminé comme indiqué au 1, la déclaration de leur bénéfice réel accompagnée d'un résumé de leur compte de résultat. (...) Si les contribuables imposés d'après leur bénéfice réel ne produisent pas les déclarations ou renseignements visés au 1 et au premier alinéa du présent paragraphe, ou, si invités à fournir à l'appui de la déclaration de leur bénéfice réel les justifications nécessaires, ils s'abstiennent de les donner dans les trente jours qui suivent la réception de l'avis qui leur est adressé à cet effet, les bases d'imposition sont arrêtées d'office. (...) "

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le bénéfice du régime d'exonération prévu à l'article 44 sexies est subordonné au dépôt de la déclaration dans le délai légal, qui est de soixante jours après la cessation d'activité.

6. Il résulte de l'instruction que M. E... a cessé son activité individuelle le 30 septembre 2010 et était tenu, en application de l'article 201 du code général des impôts de déposer sa déclaration de résultat au titre de cet exercice dans les soixante jours, soit avant le 29 novembre 2010. L'intéressé n'a déposé sa déclaration de résultat que le 3 mai 2011, après avoir reçu une mise en demeure le 5 février 2011. Dans ces conditions, M. E... n'a pas déclaré ses bénéfices selon les modalités des articles 53 A et 201 du code général de l'impôt comme l'exige les dispositions du I de l'article 44 sexies du même code. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'exonération dont a bénéficié le requérant sur le fondement de ces dispositions. Il s'ensuit que dès lors que la rectification est légalement fondée et ne constitue pas une sanction, M. E... ne saurait utilement soutenir que le montant de la rectification est disproportionné et méconnaitrait le principe d'individualisation et de proportionnalité des peines.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) "

8. En premier lieu, sur le fondement de l'article L. 80 B précité, M. E... se prévaut d'un " dégrèvement " du 31 juillet 2011 de 3 522 euros, lequel démontrerait, selon lui, que l'administration lui a fait bénéficier du dispositif de l'article 44 sexies du code général des impôts postérieurement à sa déclaration.

9. L'avis d'imposition rectificatif du 31 juillet 2011 prononçant selon le requérant le dégrèvement évoqué au point 8 n'étant pas motivé, il n'a comporté aucune interprétation du texte fiscal dont le contribuable pourrait se prévaloir, de manière pertinente, sur le fondement des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales. Au demeurant, comme le fait valoir le ministre en défense, cet avis rectificatif, qui reprend les éléments déclarés par M. E... dans sa déclaration de revenus des bénéfices industriels et commerciaux déposée tardivement le 3 mai 2011, n'est que la conséquence de la mise à jour de la cotisation à l'impôt sur le revenu due au titre de l'année 2010, sans lien avec l'exonération de l'article 44 sexies du code général des impôts.

10. En second lieu, sur le fondement de l'article L. 80 A précité, M. E... invoque la réponse ministérielle faite à M. D... le 24 avril 1995, qui précise que " Le bénéfice de l'exercice de cessation est exclu de cet allégement si l'entreprise n'a pas respecté les obligations déclaratives prévues en cas de cessation. Toutefois, il peut être tenu compte des circonstances particulières justifiant le défaut de déclaration dans le délai fixé en cas de cessation, en fonction de la situation propre de chaque entreprise concernée. ". Si le requérant se prévaut des carences de son comptable et d'une usurpation de la qualité d'expert-comptable de ce dernier qui n'est au demeurant pas établie, la seule circonstance qu'il ait déposé plainte à son encontre le 26 janvier 2015, concomitamment à sa convocation devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ne suffit pas à considérer que des circonstances particulières justifient le retard dans le dépôt de sa déclaration de résultat au titre de son exercice clos en 2010. Dès lors qu'il lui appartenait de faire preuve de diligence en s'assurant que les déclarations relatives à son activité individuelle, dont les déclarations de son foyer fiscal allaient dépendre, étaient régulièrement déposées, M. E... ne peut se prévaloir de la réponse ministérielle invoquée, laquelle est d'interprétation stricte.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC01306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01306
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Personnes et activités imposables - Exonération de certaines entreprises nouvelles (art - 44 bis et suivants du CGI).


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ACTEMIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-29;19nc01306 ?
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