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28/12/2020 | FRANCE | N°19NC03103

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 28 décembre 2020, 19NC03103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne en date du 28 juin 2019, en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement no 1901675 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03103 le 31 octobre 2019, Mme C... D..., représentée

par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne en date du 28 juin 2019, en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement no 1901675 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03103 le 31 octobre 2019, Mme C... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 octobre 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Marne du 28 juin 2019, en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 7-d de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 6-5 de cet accord.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 14 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme G..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante algérienne, est entrée en France le 17 février 2015 sous couvert d'un visa " famille de français ", pour y rejoindre son époux, de nationalité française. Le 29 octobre 2018, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 28 juin 2019, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite à l'expiration de ce délai. Mme D... fait appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée sur le territoire français le 17 février 2015 et que sa communauté de vie avec son époux français a cessé deux mois seulement après son arrivée en France. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier qu'elle vit depuis 2015 avec M. F... A..., compatriote algérien, avec lequel elle a eu trois enfants reconnus par leur père à la naissance. Dès lors, elle doit être regardée comme justifiant de l'intensité et de la stabilité de sa relation avec l'intéressé. Si le préfet soutient que la cellule familiale pourrait se reformer en Algérie, il est constant que M. A..., qui réside régulièrement en France depuis mai 2014, est titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'en mai 2024. En outre, Mme D... justifie que son compagnon exerce une activité commerciale à titre indépendant en France, en produisant un extrait Kbis, une carte d'activité commerciale ambulante et des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires pour les mois de février à juin 2019 de son compagnon. Par suite, elle est fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 juin 2019, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Marne, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de réexaminer la situation de Mme D... et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 octobre 2019 est annulé, en tant qu'il rejette les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2019 l'obligeant à quitter le territoire français.

Article 2 : L'arrêté du 28 juin 2019 est annulé, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Marne, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de réexaminer la situation de Mme D... et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 19NC03103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03103
Date de la décision : 28/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : LUDOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-28;19nc03103 ?
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