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18/12/2020 | FRANCE | N°20NC02055

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 20NC02055


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1907769 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2020,

Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1907769 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 du préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation dans les mêmes conditions et de lui délivrer entre temps une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et de l'article L. 313-14 du même code ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation car elle est en France depuis presque sept ans ;

- la décision attaquée méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 28 juin 1992 à Tbilissi, est entrée irrégulièrement en France le 4 décembre 2012 accompagnée de sa mère. Le 19 juillet 2019, Mme B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Par un arrêté du 12 septembre 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. Mme B... fait valoir qu'elle réside en France depuis environ sept ans et qu'elle est insérée socialement et professionnellement, et elle se prévaut de la présence sur le territoire français de ses parents, de son frère et de sa fille née en 2018. Toutefois, ces circonstances ne sauraient suffire pour établir une intégration sociale suffisante et des liens personnels intenses et stables forts en France, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où réside son époux et père de sa fille et où la cellule familiale a vocation à se reconstituer. Si Mme B... fait également valoir qu'elle a signé un contrat à durée déterminée à temps partiel le 30 juillet 2015 avec l'entreprise l'Eclat d'Alsace en tant qu'agent de service, qu'elle a été employée en qualité d'agent de production au sein du " chantier Acces de Colmar " du 15 octobre 2015 au 14 octobre 2017 et qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche à temps partiel du 23 janvier 2019 par la société Acces pour un poste d'agent de production en sous-traitance, ces éléments, s'il démontrent une volonté d'insertion professionnelle, ne permettent pas de caractériser une intégration particulière de la requérante en France. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce et en dépit de la durée de son séjour en France, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Haut-Rhin a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ladite décision a été prise. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° précité doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

5. Aucun des éléments dont se prévaut la requérante, rappelés au point 3, ne permet de relever des considérations humanitaires ou un motif exceptionnel de nature à permettre à Mme B... d'obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Dès lors que l'époux de la requérante, père de sa fille née en 2018, réside en Georgie et que l'enfant est ainsi, pour l'heure, séparée de son père, le préfet ne saurait avoir méconnu les stipulations précitées en refusant d'admettre Mme B... au séjour en France.

8. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre du refus de titre de séjour, dès lors que cette décision n'implique pas par elle-même le retour de la requérante dans son pays d'origine.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, en se bornant à renvoyer à ses précédents développements relatifs à la décision portant refus de titre de séjour, Mme B... n'établit pas, pour les mêmes motifs que ceux exposés au points 3 à 7 du présent arrêt, que le préfet aurait entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation, ni qu'il aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

11. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision d'éloignement laquelle n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2019 du préfet du Haut-Rhin. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme A... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 20NC02055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02055
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : YAHIAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-18;20nc02055 ?
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