La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2020 | FRANCE | N°20NC00001

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 20NC00001


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a enjoint de remettre son passeport.

Par un jugement no 1905459 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2020, M. A... B..., représenté par Me F...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a enjoint de remettre son passeport.

Par un jugement no 1905459 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2020, M. A... B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a enjoint de remettre son passeport ;

3°) d'enjoindre à titre principal au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application de l'article 6 paragraphe 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; il ne peut pas être effectivement soigné en Algérie compte tenu du lien entre sa pathologie et les évènements qu'il y a vécus.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de remise du passeport et de présentation aux services de police :

- cette obligation est inutile dès lors que le préfet connaît son identité, son domicile et qu'il n'a jamais tenté de fuir.

Par un mémoire enregistré le 11 mai 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien, né en 1987, est entré en France, en septembre 2017, sous couvert d'un passeport muni d'un visa touristique. Le 10 décembre 2018, il a sollicité un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 13 juin 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 5 décembre 2019, dont M. D... fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 15 avril 2019 que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement adapté. Si M. D... fait valoir qu'il souffre d'un stress post-traumatique consécutif aux évènements qu'il a vécus en Algérie lorsqu'il était dans les forces spéciales, il ne produit aucun document de nature à démontrer que sa pathologie présenterait avec ces événements un lien tel que, dans son cas, il ferait obstacle à ce qu'il puisse bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. M. D... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un certificat de résidence pour raison de santé, le préfet du Haut-Rhin a fait une inexacte application des dispositions précitées.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait, pour se prononcer, disposé d'autres éléments au sujet de l'état de santé de M. D... que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, il a pu, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation ni, par suite, commettre une erreur de droit, s'approprier les termes de cet avis.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui précède que l'illégalité du refus de délivrer un titre de séjour à M. D... n'est pas établie. Le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de son illégalité pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, par suite, être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... était présent sur le territoire français depuis moins de deux ans à la date de la décision en litige. Il est célibataire et sans enfant à charge. S'il justifie être hébergé par une amie qui l'assiste dans ses démarches administratives, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir qu'il aurait transféré le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France. En outre, il n'établit pas être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans et où vivent notamment sa mère, deux soeurs et un frère. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste que le préfet aurait commise dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. E... doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. M. D... fait valoir que son éloignement vers l'Algérie l'exposera à une aggravation de son état de santé compte tenu du lien entre sa pathologie et les évènements qu'il a vécus en Algérie. Toutefois, il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 que l'intéressé ne produit aucun élément probant pour établir un tel lien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de remise du passeport et de présentation aux services de police :

10. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ ". Aux termes de l'article R. 513-3 du même code : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine ". Aux termes de l'article R. 513-4 du même code : " L'étranger qui bénéficie d'un délai de départ volontaire en application du II de l'article L. 511-1 ou du sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut être tenu de remettre à l'autorité administrative qui lui a accordé ce délai l'original de son passeport ou de tout autre document d'identité ou de voyage en sa possession en échange d'un récépissé valant justification d'identité sur lequel est portée la mention du délai accordé pour son départ ".

11. Il résulte des dispositions précitées que la décision par laquelle le préfet astreint l'étranger à une obligation de présentation et de remise de son passeport tend à garantir qu'il accomplira les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui a été imparti en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. En imposant à M. D... de remettre l'original de son passeport et de se présenter une fois par semaine à la direction départementale de la police aux frontières, le préfet du Haut-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'objet de cette mesure, nonobstant la circonstance que l'identité du requérant est connue, qu'il dispose d'une adresse stable et n'a jamais tenté de fuir.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction ainsi que celles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... pour M. G... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.

N° 20NC000001 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00001
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCHWEITZER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-18;20nc00001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award