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18/12/2020 | FRANCE | N°19NC00876

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 19NC00876


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune de Raon-aux-Bois a rejeté sa réclamation préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis et de condamner cette commune à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier lié aux faits de harcèlement moral et des propos insultants et injurieux dont elle a été victime.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune de Raon-aux-Bois a rejeté sa réclamation préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis et de condamner cette commune à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier lié aux faits de harcèlement moral et des propos insultants et injurieux dont elle a été victime.

Par un jugement n° 1703056 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 26 mars 2019 et le 18 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 janvier 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune de Raon-aux-Bois a rejeté sa demande d'indemnité ;

3°) de condamner la commune de Raon-aux-Bois à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de faits de harcèlement moral et des propos insultants et injurieux de la part du maire de la commune ;

4°) de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune est engagée vis-à-vis d'elle dès lors qu'elle est victime de harcèlement moral de la part du maire depuis 2008 ;

- elle peut prétendre à la réparation du préjudice moral et financier découlant des faits dénoncés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 1er juillet 2019 et le 30 décembre 2019, la commune de Raon-aux-Bois représentée par Me A..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la charge indemnitaire soit ramenée à de plus justes proportions et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors que la demande de Mme B... a été enregistrée tardivement au greffe du tribunal administratif de Nancy et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour M. E... et celles de Me F... pour la commune de Raon-aux-Bois.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., adjoint administratif principal de 1ère classe, exerce en qualité de secrétaire de mairie à la commune de Raon-aux-Bois (Vosges) depuis 1989. S'estimant victime de harcèlement moral de la part du maire de la commune, elle a formulé, par un courrier du 3 juillet 2017, notifié le 5 juillet 2017 à la commune, une demande préalable indemnitaire d'un montant de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Elle a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le conseil de la commune de Raon-aux-Bois a rejeté sa demande d'indemnité et de condamner cette dernière à lui verser une somme de 50 000 euros au titre du harcèlement moral et du préjudice financier dont elle soutient avoir été victime. Mme B... relève appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 5 octobre 2017 et ses conclusions indemnitaires.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

4. Mme B... fait valoir qu'elle a été, depuis 2008, victime de la part du maire de la commune de Raon-aux-Bois de faits de harcèlement moral, selon elle à l'origine de la dégradation de son état de santé.

5. En premier lieu, Mme B... fait valoir qu'elle a subi des propos insultants et injurieux de la part du maire de la commune. Elle produit six témoignages émanant d'anciens conseillers municipaux, d'agents communaux et d'administrés, selon lesquels le maire de la commune aurait proféré à son égard des propos vexatoires au sujet de sa capacité de travail et son intelligence. Toutefois, ces témoignages sont peu circonstanciés, contrairement à la trentaine d'attestations produites par la commune, émanant notamment d'élus locaux et d'agents municipaux, certains ayant travaillé directement avec la requérante, indiquant n'avoir jamais été témoins d'un comportement injurieux ou vexatoire du maire vis-à-vis de Mme B....

6. En deuxième lieu, la requérante soutient également avoir souffert de conditions de travail anxiogènes, le maire l'appelant systématiquement deux minutes avant la fermeture de la mairie pour s'assurer qu'elle est bien présente et critiquant sans cesse son travail. Toutefois, ces allégations ne sont pas corroborées par les pièces du dossier desquelles il ressort, au contraire, que les évaluations professionnelles de la requérante ne comportent aucune remarque négative et sont en progression constante, que le maire a fait droit à sa demande de temps partiel à compter du 1er février 2012 et, qu'en 2010, il avait saisi la commission administrative paritaire en vue de la promouvoir au choix au grade de rédacteur.

7. En troisième lieu, si Mme B... soutient avoir reçu des primes inférieures à celles d'une autre collègue, cet élément ne saurait caractériser par lui-même un agissement de harcèlement moral.

8. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'erreur de régularisation relative à un trop-perçu ayant affecté la rémunération de Mme B... au mois de mai 2017 ou le retard de la commune à transmettre son dossier à sa mutuelle afin qu'elle puisse bénéficier de la garantie de maintien de salaire à laquelle elle pouvait prétendre, résulteraient d'une consigne du maire dans le but de nuire à la requérante.

9. En cinquième lieu, si Mme B... fait valoir qu'elle souffre d'un syndrome anxio-dépressif lié à une " situation conflictuelle au travail " et à des " difficultés relationnelles au travail ", il ne résulte pas de l'instruction, en particulier des certificats médicaux qu'elle produit, que cette situation et ces difficultés caractérisent un harcèlement moral exercé à son encontre et dont le maire serait à l'origine.

10. En sixième lieu, la requérante se prévaut du harcèlement moral dont sont victimes plusieurs agents de la commune et qui aurait été constaté en 2012 dans un document relatif à l'évaluation des risques professionnels. Toutefois, ce document se borne à indiquer " harcèlement moral : pression psychologique ' entretien avec le personnel à prévoir ", ce qui ne saurait suffire à démontrer l'existence de faits de harcèlement moral au sein des services de la commune, ni à plus forte raison que Mme B... en aurait été la victime.

11. Dans ces conditions, le harcèlement moral allégué n'est pas établi, et Mme B... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Raon-aux-Bois à ce titre.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel ou sur celle de la demande présentée devant le tribunal administratif, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Raon-aux-Bois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme que la commune de Raon-aux-Bois demande sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Raon-aux-Bois tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme C... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la commune de Raon-aux-Bois.

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N° 19NC00876


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00876
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : TADIC

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-18;19nc00876 ?
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