Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 9 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune de Raon-aux-Bois a rejeté sa demande d'indemnité et de condamner cette commune à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi à raison de faits de harcèlement moral et des propos insultants et injurieux de la part du maire de la commune.
Par un jugement n° 1703015 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 décembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 9 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune de Raon-aux-Bois a rejeté sa demande d'indemnité ;
3°) de condamner la commune de Raon-aux-Bois à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subi à raison de faits de harcèlement moral et des propos insultants et injurieux de la part du maire de la commune ;
4°) de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité de la commune est engagée dès lors qu'il est victime de harcèlement moral de la part du maire depuis 2009 ;
- il peut prétendre à la réparation du préjudice moral et financier découlant des faits dénoncés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2019, la commune de Raon-aux-Bois, représentée par Me C..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la charge indemnitaire soit ramenée à de plus justes proportions et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors que la demande de M. E... a été enregistrée tardivement au greffe du tribunal administratif de Nancy et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour M. E... et celles de Me F... pour la commune de Raon-aux-Bois.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a été nommé en qualité d'adjoint technique titulaire de la commune de Raon-aux-Bois par un arrêté municipal du 18 avril 2017. S'estimant victime de harcèlement moral de la part du maire de la commune, il a formulé, par un courrier du 3 juillet 2017 notifié le 4 juillet 2017 à la commune, une demande préalable indemnitaire d'un montant de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi. M. E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 9 octobre 2017 par laquelle le conseil de la commune de Raon-aux-Bois a rejeté sa demande d'indemnité et de condamner cette dernière à lui verser une somme de 50 000 euros au titre du harcèlement moral et du préjudice financier dont il soutient avoir été victime. M. E... relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 9 octobre 2017 et ses conclusions indemnitaires.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
4. M. E... fait valoir qu'il a été victime de harcèlement moral de la part du maire de la commune de Raon-aux-Bois ce qui est selon lui à l'origine de son suivi psychiatrique et de sa tentative de suicide en 2012.
5. En premier lieu, M. E... fait valoir la reconnaissance tardive de l'imputabilité au service de l'accident qu'il a subi en 2011 et de la rechute de cet accident en mai 2017. Il résulte de l'instruction que si, par un jugement du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Nancy a annulé le refus qu'avait opposé, le 22 juin 2012, la commune de Raon-aux-Bois à la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident de service subi par M. E... le 22 février 2011, l'adoption de cette décision illégale ne saurait caractériser, par elle-même, un harcèlement moral, alors que la commune a pris, dès le 24 juillet 2014, soit 9 jours après la date de lecture du jugement, un arrêté tirant toutes les conséquences de ce jugement en plaçant M. E... en congé pour accident de service. De même, après que M. E... a déclaré le 16 mai 2017 une rechute de cet accident et que la commission de réforme a rendu son avis favorable le 19 juillet 2017, le maire a pris, dès le 10 août 2017, un arrêté en reconnaissant l'imputabilité au service de sa rechute. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le maire aurait volontairement et dans le but de lui nuire tardé à reconnaître l'imputabilité de son état de santé à la rechute de l'accident de service de 2011. S'il soutient également que le maire refuserait de prendre en charge les frais médicaux afférents à son accident de service et pour lesquels, au demeurant, ils n'apportent aucun élément utile, Du reste, il résulte de l'instruction que ce refus a pour cause un désaccord entre la commune et son assureur, lequel fait notamment l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Nancy, et ne caractérise pas plus un harcèlement moral.
6. En deuxième lieu, si le requérant soutient qu'il subit des contrôles médicaux récurrents suite à son arrêt de travail et qu'il a été convoqué à trois reprises à des expertises médicales qui ont eu lieu le 20 novembre 2017, le 4 décembre 2017 et le 21 juillet 2018, il ne résulte pas de l'instruction que ces différentes mesures, intervenues sur plusieurs années, ont excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique du maire.
7. En troisième lieu, pour justifier les faits de harcèlement, M. E... a produit, d'une part, un certificat médical du 8 janvier 2013 attestant de ce que les rendez-vous avec son psychiatre depuis novembre 2009 étaient liés à des difficultés avec son employeur et un autre certificat médical d'un autre médecin du 17 octobre 2010, qui adresse M. E... à un confrère pour " état dépressif grave suite à un harcèlement au travail ". Il produit également quatre témoignages d'une ancienne adjointe au maire, d'un ancien conseiller municipal, d'un ancien habitant de la commune et d'un agent de la commune selon lesquels le maire de la commune aurait proféré, à l'encontre de M. E..., des propos vexants et dévalorisants mettant en cause sa capacité de travail en le traitant notamment de " feignant ", de " tire-au-flanc " et de " malade imaginaire " et mettant en doute le lien avec le service de son arrêt de travail de 2011, trois témoignages d'anciens élus et collègues attestant de son sérieux au travail et, enfin, deux attestations de représentants syndicaux faisant état d'une mauvaise volonté du maire pour gérer la situation administrative du requérant suite à ses arrêts de travail. Toutefois, les témoignages produits sont peu circonstanciés et ne font, en ce qui concerne l'appréciation du maire quant au motif de l'arrêt de travail de M. E..., que traduire la position de la commune jusqu'au jugement du tribunal administratif du Nancy du 15 juillet 2014, à la suite duquel cette position a été rapidement corrigée. En outre, aucun de ces témoignages ne fait apparaître que les propos désobligeants prêtés au maire auraient été portés à la connaissance de M. E... et auraient été de nature à dégrader ses conditions de travail, ni ne rapporte de faits précis sur l'attitude du maire à son égard. De plus, les témoignages de l'ancien maire de la commune de 1995 à 2008, de l'adjoint aux travaux de 2001 à 2008 et dont relevait le service d'affectation du requérant, ou d'un de ses anciens collègues des services techniques, s'ils font part du sérieux dont ce dernier faisait preuve dans son travail, ne rapportent aucune plainte de l'intéressé quant à ses conditions de travail ou au comportement de M. A..., alors adjoint aux finances puis maire à partir de mars 2008.
8. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'erreur de régularisation relative à un trop-perçu ayant affecté la rémunération de M. E... au mois de mai 2017, ou le retard de la commune à transmettre son dossier à sa mutuelle afin qu'il puisse bénéficier de la garantie de maintien de salaire à laquelle il pouvait prétendre, résulteraient d'une consigne du maire dans le but de nuire au requérant.
9. En cinquième lieu, M. E... fait valoir que sa tentative de suicide en septembre 2012 résulterait de la perspective de reprendre son travail dans un contexte de harcèlement moral. Toutefois, il résulte du témoignage de son ex-épouse que sa tentative de suicide serait en lien avec des différends familiaux. Si le fils du requérant atteste que la tentative de suicide de son père serait liée à son travail, ce nouveau témoignage, produit devant la cour, est contredit par son témoignage initial dans lequel il indiquait que les tentatives de suicide de son père étaient liées à un conflit conjugal, afin de faire pression sur sa mère. Dans ces conditions, il ne saurait remettre en cause le témoignage circonstancié de l'ex-épouse de M. E.... Il n'est ainsi pas établi que la tentative de suicide du requérant en septembre 2012 était liée à ses conditions de travail.
10. En sixième lieu, le requérant se prévaut du harcèlement moral dont sont victimes plusieurs agents de la commune et qui aurait été constaté en 2012 dans un document relatif à l'évaluation des risques professionnels. Toutefois, ce document se borne à indiquer " harcèlement moral : pression psychologique ' entretien avec le personnel à prévoir ", ce qui ne saurait suffire à démontrer l'existence de faits de harcèlement moral au sein des services de la commune, ni à plus forte raison que M. E... en aurait été la victime.
11. Dans ces conditions, le harcèlement moral allégué n'est pas établi, et M. E... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune de Raon-aux-Bois à ce titre.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel ou sur celle de la demande présentée devant le tribunal administratif, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Raon-aux-Bois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. E... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme que la commune de Raon-aux-Bois demande sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Raon-aux-Bois tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. B... E... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la commune de Raon-aux-Bois.
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N° 19NC00536