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18/12/2020 | FRANCE | N°18NC02983

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 18NC02983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le titre exécutoire du 31 décembre 2016 émis à son encontre par la commune de Jarville-la-Malgrange pour un montant de 33 718,16 euros.

Par un jugement n° 1700771 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2018, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal admini

stratif de Nancy du 20 septembre 2018 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire du 31 décembre 2016 émis ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le titre exécutoire du 31 décembre 2016 émis à son encontre par la commune de Jarville-la-Malgrange pour un montant de 33 718,16 euros.

Par un jugement n° 1700771 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2018, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 septembre 2018 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire du 31 décembre 2016 émis à son encontre par la commune de Jarville-la-Malgrange pour un montant de 33 718,16 euros ;

3°) de prononcer la décharge des sommes revendiquées à son encontre, au moins partiellement depuis la date certaine de connaissance par la commune de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Jarville-la-Malgrange la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement lorsqu'il a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du titre exécutoire, notamment en ce qui concerne l'augmentation du montant réclamé entre les deux titres exécutoires émis et la superficie retenue pour le logement ;

Sur le bienfondé du jugement :

- le titre exécutoire est insuffisamment motivé ;

- la convention d'occupation précaire signée en 1999 ne conditionne pas, de façon claire et sans ambiguïté, la gratuité du logement à son statut d'instituteur ;

-la commune a maintenu la gratuité de son logement pendant plus de deux ans après sa titularisation dans le corps de professeur des écoles alors qu'elle ne pouvait ignorer ce changement et la date à laquelle il était intervenu puisqu'elle le rémunérait pour des études dirigées en qualité de professeur des écoles depuis septembre 2013 ; l'absence de redevance réclamée par la commune après 2012 ne constitue pas une simple erreur de liquidation de sorte que la commune doit donc être regardée comme ayant pris une décision individuelle créatrice de droit et ce, depuis le 1er septembre 2012 et, en tout état de cause, au plus tard, depuis septembre 2013 ;

- le titre exécutoire est dépourvu de base légale pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2015 en l'absence de délibération de la commune instituant une redevance au titre de cette période ; la décision du maire du 25 septembre 2015 ne présente pas d'effet rétroactif ;

-les critères de référence du montant du loyer, issues de l'annexe à la délibération du 27 septembre 1999, sont caducs et lui sont donc inopposables ;

- la surface du logement servant de base de calcul pour la redevance est entachée d'erreur de fait ;

- le titre exécutoire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation puisqu'il porte sur une somme disproportionnée eu égard à ses revenus et compte tenu de la faute commise par l'administration ayant laissé perdurer sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2020, la commune de Jarville-la-Malgrange, représentée par Me C..., qui s'en rapporte également à ses écritures de première instance, conclut au rejet de la requête et à ce que M. A... soit condamné à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 30 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 4 septembre 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'éducation ;

- la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire ;

- la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 portant statut particulier des professeurs des écoles ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., alors instituteur, a été autorisé, par deux conventions d'occupation précaires et révocables conclues successivement les 13 janvier 1997 et 27 octobre 1999 avec la commune de Jarville-la-Malgrange, à occuper à titre gratuit un logement de fonction situé dans le bâtiment de l'école maternelle où il enseigne, au 3 rue du Maréchal Foch. A compter du 1er septembre 2012, il a été intégré dans le corps des professeurs des écoles. Le 25 septembre 2015, le maire de la commune de Jarville-la-Malgrange a proposé à M. A... la signature d'un avenant à la convention d'occupation précaire et révocable, prévoyant le paiement de redevances à compter du changement de situation de l'intéressé, que celui-ci a refusé de signer. Par un jugement du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Nancy a annulé, en raison d'une insuffisance de sa motivation, un premier titre exécutoire émis par la commune, mettant à la charge de M. A... le paiement d'arriérés de loyers du 1er septembre 2012 au 31 août 2015. La commune de Jarville-la-Malgrange a alors émis un nouveau titre exécutoire le 31 décembre 2016, portant sur une somme de 33 718,16 euros. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy l'annulation de ce titre exécutoire du 31 décembre 2016. M. A... relève appel du jugement du 20 septembre 2018 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer cette somme de 33 718,16 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par les parties, a répondu, au point 2, de manière complète et précise, au moyen soulevé par le requérant et tiré de l'insuffisance de motivation du titre exécutoire. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'une irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire émis le 31 décembre 2016 précise que l'objet de la créance mise à la charge de M. A... correspond aux arriérés de loyers au titre de la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2015, dont l'état liquidatif figure dans un courrier joint, et fait référence à la convention d'occupation précaire en date du 27 octobre 1999 et à la délibération n° 8 du conseil municipal de Jarville-la-Malgrange en date du " 27 octobre 1999 ", également jointes en annexe. Nonobstant l'erreur de plume dans la date de la délibération, laquelle a été prise le 27 septembre 1999 et non le 27 octobre 1999, le titre exécutoire comprend tous les éléments permettant à son destinataire de comprendre les bases et le calcul de la somme mise à sa charge. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du titre exécutoire ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-5 du code de l'éducation dans sa version applicable au litige : " L'établissement des écoles élémentaires publiques, créées par application de l'article L. 212-1, est une dépense obligatoire pour les communes. / Sont également des dépenses obligatoires, dans toute école régulièrement créée : (...) / 2° Le logement de chacun des instituteurs attachés à ces écoles ou l'indemnité représentative de celui-ci (...) ". Il résulte de l'article 14 de la loi du 30 octobre 1886, modifié par l'article 31 de la loi n° 90-581 du 4 juillet 1990, dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 212-5 du code de l'éducation, que le bénéfice d'un logement ou d'une indemnité représentative de logement est réservé aux seuls instituteurs et que les professeurs des écoles, dont le statut particulier a été fixé par le décret n° 90-680 du 1er août 1990, sont exclus de cet avantage.

7. En l'espèce, un logement, situé dans l'enceinte de l'école maternelle et faisant partie du domaine public de la commune, a été mis à disposition de M. A... par une convention conclue le 27 octobre 1999, dont l'article 6 prévoyait que " la redevance annuelle est évaluée à la somme de : 48 060 francs. Toutefois la présente convention est accordée à titre gracieux, l'occupant étant instituteur ". Il est constant qu'au 1er septembre 2012, M. A... a été intégré dans le corps des professeurs des écoles. Par conséquent, il ne pouvait plus, en vertu des dispositions précitées, prétendre au bénéfice d'un logement gratuit.

8. Contrairement à ce que soutient M. A..., l'abstention de la commune à lui réclamer le paiement d'un loyer à compter du 1er septembre 2012 ne saurait s'analyser comme révélant l'existence d'une décision implicite créatrice, à son profit, d'un droit au maintien de la gratuité de l'occupation du logement, dès lors que cette occupation résulte d'un contrat. Par suite, le requérant ne peut pas utilement soutenir que la commune, en émettant le titre exécutoire, aurait illégalement procédé au retrait d'une décision individuelle créatrice de droit, ne peut qu'être écarté.

9. Par ailleurs, alors que les stipulations de l'article 6 de la convention du 27 octobre 1999 précité, qui sont dépourvues d'équivoque, subordonnent la gratuité de l'occupation du logement à la qualité d'instituteur de l'occupant, il ne résulte pas de l'instruction que la commune, bien qu'elle ait attendu trois ans avant de réclamer à l'intéressé le paiement des redevances dues depuis le 1er septembre 2012, alors même qu'elle aurait été antérieurement informée de son changement de situation, aurait entendu renoncer à leur application. Par conséquent, la commune était fondée à réclamer la redevance telle que prévue dans la convention.

10. En troisième lieu, si le requérant soutient que le titre exécutoire est dépourvu de base légale, il résulte de l'instruction que celui-ci est fondé sur la délibération du conseil municipal de la commune de Jarville-la-Malgrange du 27 septembre 1999, laquelle a fixé le montant des redevances d'occupation de logements communaux, et s'applique ainsi indépendamment de la situation de leur occupant. M. A... ne peut donc pas utilement faire valoir que cette délibération ne lui serait pas applicable. La circonstance que le requérant a refusé de signer l'avenant à la convention du 27 octobre 1999 qui lui a été présenté le 25 septembre 2015 ne saurait faire obstacle à ce que lui soit réclamé le montant des redevances non perçues depuis le 1er septembre 2012, date à laquelle il a cessé de remplir la condition, prévue par la convention, lui permettant de bénéficier de la gratuité de l'occupation de son logement.

11. En quatrième lieu, M. A... soutient que la surface du logement prise en compte pour le calcul de la redevance a été surévaluée par la convention d'occupation précaire dès lors que le relevé de charges que la commune lui a adressé fait état d'une surface de 144 m² au lieu de 178 m² tel qu'indiqué dans le tableau annexe à la délibération du 27 septembre 1999. Toutefois, le requérant n'apporte aucun élément permettant d'établir la superficie exacte du logement. En outre, il résulte de l'instruction que le montant de la redevance d'occupation fixé par cette délibération et figurant dans la convention d'occupation du 27 octobre 1999, soit 4 005 francs par mois, a été calculé sur la base d'une surface habitable de 133,5 m². Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

12. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction et notamment de la fiche du logement mis à disposition de M. A... que la valeur locative ayant servi de référence à la fixation de la redevance par la délibération du 27 septembre 1999 ne correspondait pas aux caractéristiques du logement et serait caduque. Au demeurant, M. A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'estimation de la commune, alors que les références locatives pour des biens similaires produites par cette dernière démontrent que le montant de la redevance n'est pas excessif.

13. En dernier lieu, le montant du titre exécutoire correspondant, ainsi qu'il vient d'être dit, à celui des redevances d'occupation dues par M. A..., ce dernier ne peut pas utilement faire valoir que ce montant serait manifestement disproportionné par rapport à ses revenus.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation et de décharge présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. La commune de Jarville-la-Malgrange n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du requérant la somme que la commune de Jarville-la-Malgrange demande sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Jarville-la-Malgrange sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la commune de Jarville-la-Malgrange.

3

N° 18NC02983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02983
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-01-03-01 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Enseignement du premier degré. Instituteurs et professeurs des écoles. Logement de fonction.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : NEW WAVE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-18;18nc02983 ?
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