La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°19NC03637

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 19NC03637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par

un jugement n° 1907189 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1907189 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n°19NC03637 le 17 décembre 2019, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 26 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 900 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation personnelle ;

- le préfet aurait dû l'admettre exceptionnellement au séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., de nationalité turque, né le 12 décembre 1988, est entré irrégulièrement en France le 5 novembre 2018, selon ses déclarations. Le 15 juin 2018, il avait épousé une ressortissante française en Autriche. Le 6 novembre 2018, il a sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint de français. Par un arrêté en date du 26 août 2019, le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 août 2019 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) " Aux termes de l'article L. 311-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou de l'article L. 121-1, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1 Un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an ; (...) " Aux termes du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la production d'un visa de long séjour, délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées au sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du même code. Si ces dispositions impliquent que l'autorité préfectorale, saisie d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 dudit code, procède à l'instruction de la demande implicite de délivrance d'un visa de long séjour en application des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code, il résulte de ces mêmes dispositions que le préfet n'est compétent pour délivrer un visa de long séjour que lorsque toutes les conditions qu'elles prévoient sont remplies, notamment celle d'une entrée régulière en France du demandeur.

4. M. A... admet être entré irrégulièrement en France, le 5 novembre 2018 selon ses déclarations, et il ressort des pièces du dossier qu'il a épousé une ressortissante française le 15 juin 2018, en Autriche. S'il a sollicité, le 6 novembre 2018, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français, sur le fondement du 4° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il déclare lui-même qu'il ne justifiait, à la date de l'arrêté contesté, ni d'un visa long séjour, ni d'une entrée régulière sur le territoire français. Par suite, le préfet de la Moselle n'a pas commis d'erreur de droit en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 5 novembre 2018, à l'âge de trente ans. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis moins d'un an à la date de l'arrêté contesté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée récente en France. Par ailleurs, si le requérant se prévaut de son mariage avec une ressortissante française et de leur communauté de vie, il ne démontre pas être dans l'impossibilité de retourner en Turquie le temps d'obtenir un visa de long séjour en qualité de conjoint de Française, alors que sa séparation d'avec son épouse ne durera que le temps de l'obtention de ce visa. Dans ces conditions, et nonobstant les circonstances qu'il dispose de deux promesses d'embauche, qu'il manifeste une volonté de s'intégrer en France et qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, M. A..., par ailleurs sans enfant, n'établit pas que l'arrêté litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation particulière de M. A..., avant de prendre l'arrêté contesté. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

9. Si M. A... soutient qu'il avait droit à une régularisation de sa situation par l'octroi d'une autorisation de séjour à titre humanitaire, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant qu'il n'a pas sollicité son admission au séjour à ce titre. En outre, s'il résulte de l'arrêté attaqué que le préfet a néanmoins examiné la possibilité d'admettre l'intéressé au séjour à titre dérogatoire ou pour des motifs exceptionnels ou humanitaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de l'intéressé ne correspondait pas à des circonstances susceptibles de constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Si le requérant, qui n'a jamais sollicité le statut de réfugié, soutient qu'il fait l'objet de persécutions dans son pays d'origine, en raison de son appartenance à la communauté kurde et de ses liens de parenté avec des membres actifs du PKK, les documents qu'il produit ne démontrent pas qu'il risquerait d'être personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Turquie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 26 août 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard doivent par voie de conséquence être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 19NC03637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03637
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BOURCHENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-10;19nc03637 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award