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10/12/2020 | FRANCE | N°19NC03067

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 19NC03067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 11 septembre 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant trente-six mois et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire

de séjour.

Par un jugement n° 1902719-1902725 du 3 octobre 2019, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 11 septembre 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant trente-six mois et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1902719-1902725 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03067 le 28 octobre 2019, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 11 septembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'une décision lui a été notifiée, avant même qu'il ait fait valoir ses éventuelles observations ;

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- ses droits fondamentaux reconnus par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (droit d'être entendu) et l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration (droit de présenter des observations) ont été méconnus ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- il ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement, dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'aura pas accès aux soins dans son pays d'origine ; les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- il vit en France avec sa femme et ses enfants ; ces derniers sont nés en France et y sont scolarisés ; il n'a plus d'attaches en Arménie ;

S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :

- le préfet n'a pas motivé son choix de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- sa vie est en danger en cas de retour en Arménie, en raison de son appartenance ethnique ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et la motivation est stéréotypée ;

- le préfet n'a pas vérifié s'il existait des circonstances humanitaires pouvant faire obstacle à l'interdiction de retour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., né le 9 avril 1985, de nationalité arménienne, est entré en France au début de l'année 2019, selon ses déclarations. Incarcéré au centre pénitentiaire de Maxéville en raison d'une condamnation pour vol aggravé et récidive prononcée le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Nancy, il était libérable le 25 décembre 2019, après la révocation de son sursis. Par un arrêté en date du 11 septembre 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant trente-six mois. M. C... fait appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. C... soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu à son moyen tiré de ce qu'une décision lui a été notifiée avant même qu'il ait fait valoir ses éventuelles observations, il ressort de la lecture de ses écritures de première instance qu'il n'a pas soulevé un tel moyen devant les premiers juges. Si le requérant a précisé, au cours de l'audience publique du 1er octobre 2019, que la date réelle de notification de la décision contestée n'était pas démontrée et que l'effectivité des droits de la défense s'agissant d'une personne en détention n'avait pas été assurée, ces arguments n'étaient présentés qu'à l'appui de sa contestation de la fin de non-recevoir opposée par le préfet de Meurthe-et-Moselle tirée de la tardiveté de la requête. Par suite, le tribunal, qui a rejeté la demande de M. C... au fond, sans statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet, n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer en s'abstenant de répondre à ces arguments.

3. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :

4. En premier lieu, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 28 juin 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, donné délégation à Mme Marie-Blanche A..., secrétaire générale de la préfecture, pour signer notamment tous les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme A..., signataire de l'arrêté contesté, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. C..., avant de l'obliger à quitter le territoire français sans délai, de fixer le pays à destination duquel il sera reconduit et de lui faire interdiction de retour sur le territoire français pendant trente-six mois. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.

6. En troisième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

7. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts.

8. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

9. Si M. C... soutient qu'il a été privé du droit d'être entendu que lui reconnaît le droit de l'Union européenne, il ne se prévaut d'aucun élément pertinent qu'il aurait été privé de faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision, en se bornant à faire valoir qu'il a produit aux débats une décision préfectorale différente de celle produite par la préfecture, et qu'il n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations avant l'adoption de l'arrêté contesté. Le moyen ainsi soulevé doit donc être écarté.

10. Par ailleurs, il ressort des dispositions de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse portant obligation de quitter le territoire n'aurait pas été précédée de l'organisation de la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme étant inopérant.

11. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que ses droits reconnus par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnus.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

13. La décision du préfet de Meurthe-et-Moselle obligeant M. C... à quitter le territoire français sans délai mentionne les textes dont elle fait application, notamment le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise notamment que l'intéressé, qui a été condamné le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Nancy pour vol aggravé et récidive, ne se trouve pas dans l'un de cas où l'étranger ne peut pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire tels que définis par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

15. M. C... ne conteste pas qu'il n'a jamais évoqué devant l'administration la nécessité de soins en France avant de saisir le tribunal administratif de Nancy, et il est constant qu'il n'a jamais présenté de demande de titre de séjour pour raison de santé depuis son entrée en France début 2019. S'il soutient que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'aura pas accès aux soins dans son pays d'origine, il ne l'établit pas par les pièces qu'il produit, notamment un courrier de sa mère adressé le 17 juillet 2019 au directeur du centre pénitentiaire pour lui demander de transférer son fils à l'hôpital et une attestation de l'unité sanitaire psychiatrique de Maxéville indiquant qu'il fait l'objet d'un suivi depuis le 28 mai 2019. Par suite et alors que le préfet n'était pas tenu de saisir le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dès lors que l'intéressé n'avait ni présenté une demande de titre de séjour pour raisons de santé ni communiqué à l'administration d'éléments impliquant que le préfet vérifie, avant de prendre la mesure d'éloignement en litige, s'il entrait dans les prévisions du 10° de de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... n'est fondé à soutenir, ni qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application de cet article, ni que les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

17. Il ressort des déclarations mêmes de M. C... qu'il est entré en France au début de l'année 2019, à l'âge de trente-quatre ans. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis moins d'un an, à la date de l'arrêté préfectoral contesté. En outre, s'il se prévaut de la présence de son épouse et de ses trois enfants en France, il ressort des pièces du dossier que son épouse, qui fait elle-même l'objet d'une obligation de quitter le territoire français confirmée par le tribunal administratif de Nancy le 9 septembre 2019, s'est déclarée célibataire lors du dépôt de sa demande d'asile. Par ailleurs, le requérant n'apporte aucun élément établissant qu'il s'occupait de ses enfants et subvenait à leurs besoins avant son incarcération en France. De plus, s'il est constant que les parents de M. C... vivent régulièrement en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée récente en France. Dans ces conditions, et nonobstant la scolarisation de ses enfants en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait des liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à ce droit doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :

18. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

19. La décision contestée mentionne le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressé, qui a fait l'objet d'une condamnation pour vol aggravé et récidive prononcée le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Nancy, constitue une menace pour l'ordre public. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision litigieuse ne serait pas motivée.

En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :

20. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

21. Le requérant n'établit pas, par les pièces qu'il produit, que sa vie ou sa liberté serait en danger en cas de retour en Arménie ou qu'il risquerait d'y être personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

22. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

23. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

24. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué mentionne le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise en particulier le fait que M. C... avait été condamné pour vol aggravé et récidive et qu'il constituait ainsi une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et de son caractère stéréotypé doit être écarté.

25. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. C... relèverait de circonstances humanitaires. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas recherché si une circonstance humanitaire justifiait de ne pas prononcer une interdiction de retour en France.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 11 septembre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour doivent par voie de conséquence être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

27. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

28. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 19NC03067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03067
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BOUVIER JAQUET ROYER PEREIRA BARBOSA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-10;19nc03067 ?
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