Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1908057 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1908057 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans les quinze jours de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin instructeur n'a pas siégé au sein de ce collège ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; ses pathologies ne peuvent pas être soignées dans son pays d'origine ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a également commis une erreur de fait car sa mère et son frère vivent en France et non en Algérie ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant algérien, né le 5 septembre 1987 à El Harrouch, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 14 février 2017. Le 14 novembre 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 19 août 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". En vertu de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...)". Enfin, selon l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions de l'avis rendu le 9 octobre 2019, que le médecin qui a établi le rapport prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas siégé au sein du collège de médecins, qui a émis l'avis concernant M. C.... Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du collège de médecins de l'OFII serait irrégulier en l'absence de preuve que le médecin rapporteur n'y a pas siégé doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort de l'avis rendu le 9 mai 2019 que le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque. Si l'intéressé verse au dossier deux bulletins d'hospitalisation pour des périodes du 22 août 2019 au 30 août 2019 et du 18 décembre 2019 au 20 décembre 2019 ainsi qu'un certificat médical, établi le 20 décembre 2019 prescrivant du Diazepan, qui attestent qu'il est suivi par un médecin psychiatrique et qu'il suit un traitement antidépresseur, ces documents peu circonstanciés, ne sont pas de nature, à eux-seuls, à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., célibataire et sans enfant, n'était présent en France que depuis deux ans et demi à la date de la décision contestée et a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans en Algérie. Si le requérant se prévaut du fait que sa mère, son père, son frère et une de ses soeurs résideraient en France, il ressort des pièces du dossier que si son père réside effectivement en France depuis 2004 sous couvert d'une carte de résident et qu'ils ont donc été séparés pendant 13 ans, il ne justifie pas de la présence en France de sa mère et de sa soeur, et que son frère, Farid C... fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, il n'établit pas entretenir sur le territoire national des relations personnelles ou familiales anciennes, stables et intenses et n'apporte aucun élément sur son insertion au sein de la société française. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien modifié. Le préfet du Bas-Rhin n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des mesures sur sa situation personnelle et familiale.
8. La circonstance que le préfet aurait commis une erreur de fait en mentionnant que son frère résiderait en Algérie alors qu'il est en France et fait l'objet d'une mesure d'éloignement du 28 janvier 2019 est sans incidence sur la légalité de la décision portant refus de séjour.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour du 19 août 2019.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit au point précédent que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. C..., doit être écarté.
11. En second lieu, et pour les mêmes motifs que ceux développés au point 7, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français du 19 août 2019 ne peut qu'être écarté.
12. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. Il résulte de ce qui est dit aux points 9 et 12 du présent arrêt que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 19 août 2019 du préfet du Bas-Rhin. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'il présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC01451