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08/12/2020 | FRANCE | N°20NC00493-20NC00494

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 décembre 2020, 20NC00493-20NC00494


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme E... A... et M. B... F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 2 décembre 2019 par lesquels le préfet de la Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme A... par un jugement n° 1909334 du 31 janvier 2020 et celle de M. F... par un jugement n° 1909336 du mê

me jour.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 25 févr...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme E... A... et M. B... F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 2 décembre 2019 par lesquels le préfet de la Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme A... par un jugement n° 1909334 du 31 janvier 2020 et celle de M. F... par un jugement n° 1909336 du même jour.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 25 février 2020, sous le n° 20NC00493, Mme E... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 1909334 du 31 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) d'annuler l'arrêté contesté ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer tout titre provisoire de séjour.

Elle soutient que :

- au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'état de santé de son concubin, qui fait obstacle à l'éloignement de ce dernier, fait également obstacle au sien ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas justifiée dès lors qu'elle a déposé une demande d'asile et conteste devant la Cour nationale du droit d'asile la décision de rejet de cette demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 25 février 2020, sous le n° 20NC00494, M. B... F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 1909336 du 31 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) d'annuler l'arrêté contesté ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer tout titre provisoire de séjour.

Il soutient que :

- son état de santé fait obstacle à son éloignement ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas justifiée dès lors qu'il a déposé une demande d'asile et conteste devant la Cour nationale du droit d'asile la décision de rejet de cette demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 14 mai 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées, nos 20NC00493 et 20NC00494 étant relatives à des décisions prises à l'encontre d'un couple, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Mme A... et M. F... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mai 2020, postérieurement à l'introduction de leurs requêtes, leurs conclusions tendant à leur admission provisoire au bénéfice de cette aide ont perdu leur objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur la légalité des arrêtés contestés :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ".

4. Si les éléments médicaux produits par les requérants indiquent que M. F... fait l'objet d'un suivi régulier pour un diabète et pour des troubles cardiologiques, ainsi qu'à la suite d'une chirurgie cardiaque dont il a fait l'objet, il n'en ressort pas qu'un défaut de prise en charge médicale aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la Serbie. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que son état de santé ferait obstacle à son éloignement.

5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date des arrêtés contestés, les requérants ne se trouvaient sur le territoire français, avec leurs trois enfants, que depuis un an et demi. Hormis leur cellule familiale, dont aucun membre n'y séjourne régulièrement ni ne justifie pouvoir y être admis au séjour, ils ne se prévalent d'aucune autre attache privée ou familiale en France. Par ailleurs ils n'allèguent même pas être dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine commun, la Serbie, ni être dans l'impossibilité d'y poursuivre leur vie familiale. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il les a obligés à quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ".

8. En se bornant à soutenir, sans plus de précisions, que les recours qu'ils ont formés contre les décisions par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes d'asile étaient pendants à la date des arrêtés contestés, Mme A... et M. F... ne démontrent pas que le préfet, qui ne se trouvait pas en présence du cas prévu au premier alinéa du III précité, a commis une erreur d'appréciation en assortissant leurs obligations de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme A... et M. F..., ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes tendant à l'admission provisoire de Mme A... et M. F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes susvisées est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et M. B... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N° 20NC00493 et 20NC00494 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00493-20NC00494
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : ADJEMI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-08;20nc00493.20nc00494 ?
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