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08/12/2020 | FRANCE | N°19NC02863

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 décembre 2020, 19NC02863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Synergie Environnement a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 3 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Marne a rejeté son recours gracieux contre la décision du 3 août 2018 lui refusant l'autorisation de placer seize de ses salariés en position d'activité partielle du 2 juillet 2018 au 30 septembre 2018.

Par un jugement n° 1802504 du 17 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 septembre 2019, la SARL Synergie Envi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Synergie Environnement a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 3 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Marne a rejeté son recours gracieux contre la décision du 3 août 2018 lui refusant l'autorisation de placer seize de ses salariés en position d'activité partielle du 2 juillet 2018 au 30 septembre 2018.

Par un jugement n° 1802504 du 17 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 septembre 2019, la SARL Synergie Environnement, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 juillet 2019 :

2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2018 du préfet de la Marne ;

3°) de l'autoriser à bénéficier d'une diminution d'activité de 70 % pour la période du 2 juillet au 30 septembre 2018 pour 16 salariés ;

4°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a commis une erreur de droit car l'administration ne pouvait opposer un refus à sa demande d'autorisation de placer ses salariés en position d'activité partielle en se fondant sur une prétendue non-conformité à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), alors que celle-ci ne fait pas partie des cas d'exclusion du bénéfice de l'activité partielle prévue par l'article R. 5122-8 du code du travail ;

- aucune faute ne saurait lui être reprochée de sorte qu'il n'y a pas de lien de causalité entre une prétendue non-conformité de la société à la réglementation des ICPE et l'incendie ;

- la décision prise par le préfet dans son arrêté du 3 juillet 2018 de cessation de l'activité est manifestement excessivement lourde et disproportionnée eu égard à la réalité des faits ;

- l'administration ne pouvait la soumettre à une nouvelle autorisation pour reprendre son activité car l'incendie du 1er juillet 2018 avait une origine intentionnelle ;

-les décisions de refus des 3 août 2018 et 3 octobre 2018 sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elles mettent en péril la pérennité de l'entreprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Synergie Environnement ne sont pas fondés ;

- trois salariés visés par la demande d'activité partielle ne peuvent bénéficier du dispositif sur la période demandée.

Un mémoire, présenté pour la société Synergie Environnement, a été enregistré au greffe le 10 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour la société Synergie environnement.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Synergie Environnement est implantée dans le département de la Marne et est spécialisée dans le secteur de la récupération des déchets triés. Un incendie s'est déclaré sur son site le 1er juillet 2018. Le 3 juillet 2018, un arrêté préfectoral de mesures d'urgence a été pris par le préfet de la Marne. La société a, par la suite, sollicité, le 30 juillet 2018, l'autorisation préalable de placer en position d'activité partielle seize de ses salariés du 2 juillet 2018 au 30 septembre 2018 en se fondant sur un motif de " sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel ". Le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer cette autorisation par une décision du 3 août 2018. Le recours gracieux qu'a formé la société contre cette décision le 20 août suivant a été rejeté par une décision du 3 octobre 2018. La société Synergie Environnement a sollicité devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de la décision du 3 octobre 2018 rejetant son recours gracieux contre la décision du 3 août 2018. La société Synergie Environnement relève appel du jugement du 17 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande qu'il a regardée comme tendant à l'annulation des deux décisions des 3 août 2018 et 3 octobre 2018.

Sur l'étendue du litige :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il résulte de ce qui précède que la société Synergie Environnement qui a demandé l'annulation de la décision du préfet de la Marne du 3 octobre 2018 rejetant son recours gracieux contre la décision de ce préfet qui, le 3 août 2018 a rejeté sa demande d'autorisation préalable au titre d'une allocation d'activité partielle, doit être regardée comme ayant également demandé l'annulation de cette dernière décision.

Sur la légalité des décisions des 3 août 2018 et 3 octobre 2018 :

4. Aux termes de l'article L. 5122-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce : " I. - Les salariés sont placés en position d'activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l'autorité administrative, s'ils subissent une perte de rémunération imputable : / soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d'établissement ; / -soit à la réduction de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement ou partie d'établissement en deçà de la durée légale de travail. (...) ". L'article R. 5122-1 du même code dispose : " L'employeur peut placer ses salariés en position d'activité partielle lorsque l'entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l'un des motifs suivants : / 1° La conjoncture économique ; / 2° Des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie ; / 3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ; / 4° La transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ; / 5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel. ". Aux termes de l'article R. 5122-2 du même code : " L'employeur adresse au préfet du département où est implanté l'établissement concerné une demande préalable d'autorisation d'activité partielle. / La demande précise : / 1° Les motifs justifiant le recours à l'activité partielle ; / 2° La période prévisible de sous-activité ; / 3° Le nombre de salariés concernés. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R.5122-8 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent bénéficier de l'allocation et de l'indemnité d'activité partielle : 1° Les employeurs et leurs salariés quand la réduction ou la suspension de l'activité est provoquée par un différend collectif de travail (...) ; 2° En cas de réduction de l'horaire de travail habituellement pratiqué dans l'établissement (...) ".

5. En premier lieu, il ressort de la décision du 3 août 2018 que le préfet de la Marne, pour refuser de délivrer à la société Synergie Environnement l'autorisation d'activité partielle, lui a opposé, d'une part, que l'importance de l'incendie, survenu sur son site le 1er juillet 2018 ainsi que ses conséquences, relèvent pour partie de la responsabilité de l'entreprise qui n'a pas respecté les conditions d'exploitation fixées par l'arrêté préfectoral d'autorisation d'exploitation du 14 juin 2011 et, d'autre part, sur la circonstance que la cessation immédiate des activités a été décidée par un arrêté préfectoral de mesures d'urgence pris le 3 juillet 2018. Cet arrêté préfectoral du 3 juillet 2018 a notamment imposé à la requérante de cesser toutes les activités jusqu'à la démonstration qu'elles puissent être reprises dans le respect des prescriptions de l'arrêté préfectoral d'autorisation d'exploitation. Il ressort également des pièces du dossier que l'inspection des installations classées a levé l'interdiction d'exploitation du centre de tri à la suite d'une visite du 4 avril 2019 de sorte que la société requérante n'a pas déféré à l'ensemble des obligations conditionnant la possibilité de reprendre son activité, telles que fixées par l'arrêté de mesures d'urgence du 3 juillet 2018, avant la fin de la période pour laquelle elle a sollicité l'autorisation de bénéficier du dispositif d'activité partielle, soit avant le 30 septembre 2018.

6. Dans ces conditions, la réduction du temps de travail des salariés résulte des constatations faites par les inspecteurs des installations classées lors des visites d'inspection circonstancielles réalisées le 1er et 2 juillet 2018 à la suite de l'incendie qui ont conduit à la prise d'un arrêté de mesures d'urgence le 3 juillet 2018. Par suite, la perte de rémunération de ses salariés doit être regardée comme imputable au non-respect, par la société, des prescriptions de l'arrêté préfectoral du 14 juin 2011 l'autorisant à exploiter une installation de transit, regroupement et tri de déchets non dangereux et non à la survenue d'un sinistre au sens du 3° de l'article R. 5122-1 du code du travail, fondement de la demande adressée par la société à l'autorité administrative. La requérante ne pouvant donc se prévaloir pour obtenir le bénéfice de l'activité partielle de l'une des causes limitativement énumérées par l'article R. 5122-2 du code du travail, elle ne peut utilement soutenir que ces décisions sont illégales au motif que la non-conformité à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement ne fait pas partie des cas d'exclusion du bénéfice de l'activité partielle prévue par l'article R. 5122-8 du code du travail. Enfin, si le préfet ne pouvait fonder sa décision de refus au motif que la société serait pour partie responsable de l'incendie, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif tiré de ce que le placement en activité partielle était inhérent à l'arrêté préfectoral de mesures d'urgence du 3 juillet 2018, lequel justifie ses décisions de refus. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en opposant à la société son comportement fautif qui aurait contribué à l'importance de l'incendie dont elle a été victime et de ce qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre les fautes reprochées et l'incendie, sont sans incidence sur la légalité des décisions attaquées et doit être écarté.

7. En deuxième lieu, si la société requérante se prévaut de ce que l'administration ne saurait exiger d'elle une nouvelle autorisation d'exploitation pour reprendre son activité et que les mesures imposées par l'arrêté préfectoral du 3 juillet 2018 sont disproportionnées, ces moyens sont inopérants à l'encontre des décisions attaquées des 3 août et 3 octobre 2018.

8. Enfin, la société Synergie Environnement soutient que les décisions de refus des 3 août et 3 octobre 2018 sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elles mettent en péril la pérennité de l'entreprise et que l'administration aurait dû prendre en compte ses difficultés liées à ses assurances et à l'URSSAF. Toutefois, il ne résulte pas des dispositions législatives et réglementaires précitées que le préfet devait, pour accorder ou refuser une autorisation d'activité partielle, apprécier les conséquences de sa décision sur la pérennité de l'entreprise. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet de la Marne doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Synergie environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution".

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint à autoriser la société requérante à bénéficier d'une diminution d'activité de 70 % pour la période du 2 juillet au 30 septembre 2018 pour 16 salariés ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, des sommes au titre des frais d'instance et des dépens. Par suite, les conclusions présentées sur ce point par la société Synergie Environnent doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Synergie Environnement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Synergie Environnement et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

2

N° 19NC02863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02863
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-10-02 Travail et emploi. Politiques de l'emploi. Indemnisation des travailleurs privés d'emploi.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : RICHELIEU AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-08;19nc02863 ?
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