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03/12/2020 | FRANCE | N°19NC03727

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19NC03727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 4 novembre 2019 par lesquels le préfet du Doubs a décidé de le remettre aux autorités bulgares et de l'assigner à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1902026 du 25 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 23 décembre 2019, M. E... D..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 4 novembre 2019 par lesquels le préfet du Doubs a décidé de le remettre aux autorités bulgares et de l'assigner à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1902026 du 25 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2019, M. E... D..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 4 novembre 2019 par lesquels le préfet du Doubs a décidé de le remettre aux autorités bulgares et de l'assigner à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 4 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- c'est à tort que le tribunal a retenu qu'il avait fait l'objet d'une mesure d'éloignement de la part des autorités bulgares et qu'il se serait soustrait à l'obligation d'enregistrement de ses empreintes digitales ;

Sur la légalité de l'arrêté portant remise aux autorités bulgares :

- l'arrêté méconnaît les articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

- il est excipé de l'illégalité de l'arrêté portant transfert vers la Bulgarie.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 juin et 27 juillet 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par lettre du 8 juin 2020, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, lequel a été interrompu par la demande présentée devant le tribunal administratif se prononçant sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert et a recommencé à courir à compter de la date de notification de ce jugement à l'administration, a pour conséquence que la France devient responsable de l'examen de la demande de protection des demandeurs d'asile (cf. Conseil d'Etat n° 420708 Mme B... 24 septembre 2018, et Conseil d'Etat n° 421276, Ministre de l'intérieur c/ Mme A...).

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né en 1997 et de nationalité afghane, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 29 août 2019. Après consultation du fichier Eurodac, les services de la préfecture ont eu connaissance que l'intéressé avait été identifié en Bulgarie le 14 mai 2019 pour le dépôt d'une demande d'asile. A la suite d'une demande de reprise en charge, les autorités bulgares ont accepté leur responsabilité par accord explicite du 4 octobre 2019. Par arrêtés du 4 novembre 2019, le préfet du Doubs a décidé de le remettre aux autorités bulgares et de l'assigner à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours. M. D... relève appel du jugement du 25 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 4 novembre 2019.

Sur la régularité du jugement :

2. La circonstance, à la supposer même établie, que le premier juge aurait commis des erreurs de fait n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité. M. D... n'est par suite pas fondé à s'en prévaloir au soutien de son moyen tiré de l'irrégularité du jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert vers la Bulgarie :

3. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". En vertu de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ", la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

4. M. D... soutient qu'il existe de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Bulgarie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Cependant, il se borne à citer de courts extraits des rapports d'Amnesty internationale pour l'année 2017/2018, de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 30 août 2019, de la Cimade de décembre 2018 et se réfère à un rapport établi dans le cadre du Red Line Project. Le caractère général de ces documents ne leur confère pas une force probante suffisante pour établir les allégations du requérant quant à l'existence de défaillances systémiques qui affecteraient les procédures d'examen des demandes d'asile en Bulgarie, État membre de l'Union européenne, qui est d'ailleurs également partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, il se prévaut de la procédure d'infraction engagée par la commission européenne le 8 novembre 2018 pour laquelle aucune suite n'a été donnée, la commission n'ayant pas recommandé de suspendre les transferts des demandeurs d'asile vers la Bulgarie. M. D... évoque également le suivi du comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l'Europe de décembre 2018. Son rapport souligne notamment que la délégation n'a relevé aucune allégation de mauvais traitements physiques récents de ressortissants étrangers détenus dans des centres de détention pour migrants et n'a entendu que de rares allégations de comportement grossier et méprisant des personnels. Par ailleurs, M. D... se borne à soutenir qu'il a été emprisonné durant vingt jours sans apporter aucun élément à l'appui de ses allégations qui justifierait que les conditions d'accueil et de traitement de sa demande d'asile ne sont pas conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il cite également à un reportage d'une chaîne d'information étrangère, disponible sur YouTube, sur lequel il apparaitrait. Il ne ressort cependant pas de ces seules images, à supposer même que le requérant y apparaisse effectivement, que les journalistes aient filmé son expulsion par les autorités bulgares. Enfin, il n'est pas justifié que son transfert vers la Bulgarie impliquerait nécessairement son renvoi en Afghanistan sans qu'il puisse contester la mesure. Dès lors, en ne mettant pas en oeuvre les clauses dérogatoires prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, le préfet du Doubs n'a pas méconnu ces dispositions.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités bulgares du 4 novembre 2019.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 19NC03727


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03727
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : MAILLARD-SALIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-03;19nc03727 ?
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