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03/12/2020 | FRANCE | N°19NC02174

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19NC02174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1807629 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces, enregist

rées les 8 et 31 juillet 2019, et 27 octobre 2020, M. A... D..., représenté par Me Sultan, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1807629 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrées les 8 et 31 juillet 2019, et 27 octobre 2020, M. A... D..., représenté par Me Sultan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté du 23 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur le refus de séjour :

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi :

- les décisions sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né en 1980 et de nationalité kosovare, est entré régulièrement en France le 6 juin 2016 muni d'un visa Schengen valable treize jours, accompagné de son épouse et de leur fils. Ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 octobre 2017 confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 7 février 2018. Le 28 février 2018, M. D... a déposé une demande d'autorisation de séjour en raison de l'état de santé de son fils. Par arrêté du 23 novembre 2018, le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 16 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 23 novembre 2018.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Par un avis du 20 août 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé du fils de M. D... nécessitait une prise en charge, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui. Il a cependant relevé qu'il existait un traitement approprié à sa pathologie dans le pays d'origine de la famille.

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des pièces médicales produites par M. D..., que son fils B..., né en 2011, a été diagnostiqué à l'hôpital Cochin de Paris le 13 octobre 2016 comme étant porteur du gène de la dystrophine, responsable de la myopathie de Duchenne. Il est suivi régulièrement par le service pédiatrie et par le centre de référence pour les maladies neuromusculaires de l'hôpital de Haute-Pierre à Strasbourg. Il lui est prescrit depuis juin 2017 un traitement médicamenteux à base de corticoïdes et une supplémentation vitamino-calcique. L'enfant bénéficie également de séances de kinésithérapie motrice plusieurs fois par semaine. Pour remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII, M. C... produit un rapport du 25 mars 2019 établi par des médecins spécialistes en pédiatrie de l'hôpital de Gjakove, au Kosovo qui indique qu'en raison de la maladie de dystrophie musculaire, " il est nécessaire de soigner le patient à l'étranger ". Le caractère indisponible d'une prise en charge pluridisciplinaire de cette maladie au Kosovo est également souligné par un courrier de l'AFM Téléthon du 12 mars 2019. Par ailleurs, il ressort de ce même courrier de l'AFM Téléthon et du certificat médical du 4 décembre 2018, postérieurs à la décision attaquée mais qui font état de faits antérieurs, que l'enfant de M. D... peut être éventuellement inclus dans un essai thérapeutique mené par l'hôpital Trousseau de Paris. Ces faits sont confirmés par un certificat médical du 20 octobre 2020, l'enfant étant intégré dans un protocole d'essai clinique à compter de novembre 2020. Eu égard au caractère dégénératif de la maladie entraînant notamment une faiblesse musculaire affectant les fonctions motrices, cardiaques, respiratoires et digestives ainsi que des difficultés d'apprentissage et relationnelles, il est de l'intérêt supérieur du fils de M. C..., qui bénéficie à la date de la décision attaquée d'une prise en charge adaptée dont il est justifié qu'un tel protocole de soins n'existe pas au Kosovo, de pouvoir poursuivre ses soins en France. Par suite, dans les conditions très particulières de l'espèce, M. D... est fondé à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, de celles portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination prises à son encontre.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Compte tenu des motifs du présent arrêt, l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2018, implique nécessairement la délivrance à M. D... d'une autorisation de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin d'y procéder dans un délai de deux mois sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

7. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Sultan, avocate de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sultan de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 avril 2019 et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 23 novembre 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. D... une autorisation de séjour dans un délai de deux mois, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sultan une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sultan renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

2

N° 19NC02174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02174
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-03;19nc02174 ?
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