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03/12/2020 | FRANCE | N°19NC02089

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19NC02089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) BN Export a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2012 et 2013, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 20 août 2011 au 31 juillet 2014, du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des c

otisations supplémentaires de retenue à la source au titre des années 2012 et 2013.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) BN Export a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2012 et 2013, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 20 août 2011 au 31 juillet 2014, du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires de retenue à la source au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1800329 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2019, la société SARL BN Export, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2019 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la comptabilité :

- sa comptabilité est régulière en ce qu'elle permet à l'administration de retracer l'ensemble des opérations d'intermédiaire de la société ;

- ses encaissements et décaissements sont justifiés notamment par des factures pro forma et des attestations permettant d'établir que la comptabilité est probante ;

Sur la méthode de reconstitution :

- l'administration procède à la reconstitution de son chiffre d'affaires en partant à tort du principe qu'elle exerce une activité d'intermédiaire opaque ; c'est à tort qu'elle utilise les données de sa comptabilité afin d'effectuer sa reconstitution alors qu'elle lui dénie toute valeur probante ; la reconstitution est excessivement sommaire et irréaliste en ce que l'administration réintègre dans ses recettes tous les encaissements de ses clients comme des ventes de marchandises mais refuse d'admettre en déduction la moindre charges au titre de ses achats payés aux fournisseurs ;

Sur l'impôt sur les sociétés :

- les contraintes du commerce international doivent être prises en compte pour apprécier la qualité d'intermédiaire de la société ;

- elle exerce l'activité d'intermédiaire transparent et à ce titre son chiffre d'affaire n'est constitué que des seules commissions de 2% perçues pour chaque prestation ;

- il y a lieu d'admettre en déduction les acomptes effectués pour le compte des sociétés algériennes, les factures pro forma justifiant sa qualité d'intermédiaire transparent ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

- elle a agi en qualité d'intermédiaire transparent, et ne pouvait à ce titre être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en France pour les prestations réalisées ;

- si toutefois la qualité d'intermédiaire opaque de la société était retenue, les marchandises ne transitent pas par la France, et ne peuvent donner lieu à l'application de la taxe sur la valeur ajoutée en France en tant que livraisons de biens meubles corporels ;

Sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

- les rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises sont la conséquence des rehaussements opérés sur le chiffre d'affaire de la société, et doivent alors être déchargés ;

Sur les retenues à la source sur virements effectués à l'étranger :

- il n'existe aucun désinvestissement au sens de l'article 119 bis du code général des impôts dans la mesure où sa qualité d'intermédiaire a conduit la société à reverser les acomptes aux fournisseurs ;

Sur les manoeuvres frauduleuses sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

- eu égard à l'avis de la commission départementale des impôts, il ne peut être reproché à la société aucune intention d'empêcher l'administration d'exercer son contrôle, l'application de la majoration de 80% de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société BN Export ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SARL BN Export.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL BN Export, créée le 20 août 2011, a pour objet social le commerce de gros. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période allant du 20 août 2011 jusqu'au 31 décembre 2013, étendue au 31 juillet 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A la suite des opérations de contrôle, le service vérificateur a rejeté la comptabilité comme non sincère et a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires imposable à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause la qualité d'intermédiaire transparent dont la société se prévalait et estimé au contraire que celle-ci agissait en tant qu'intermédiaire opaque. Le service lui a notifié une proposition de rectification datée du 14 septembre 2015, établie selon la procédure de taxation d'office s'agissant du bénéfice imposable de l'année 2013 et selon la procédure contradictoire s'agissant des autres impositions. A la suite des observations du contribuable, les rappels et rehaussements ont été maintenus le 9 décembre 2015. Après avoir admis certaines observations de la société à la suite d'un recours hiérarchique du 24 janvier 2017, l'administration a mis en recouvrement les impositions supplémentaires assorties des pénalités pour manoeuvres frauduleuses en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, le 11 juillet 2017. Après le rejet, par décision du 3 août 2017, de sa réclamation préalable, la SARL BN Export a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités. Elle relève appel du jugement du 2 mai 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

2. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ". Aux termes de l'article L. 123-14 du code de commerce : " Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise (...) ". L'article 420-2 du plan comptable général prévoit que : " Chaque écriture s'appuie sur une pièce justificative datée, établie sur papier ou sur un support assurant la fiabilité, la conservation et la restitution en clair de son contenu pendant les délais requis. (...) ". Selon l'article 394-1 de ce même document : " Les opérations traitées par l'entité pour le compte de tiers en qualité de mandataire sont comptabilisées dans un compte de tiers. Seule la rémunération de l'entité est comptabilisée dans le résultat. Les opérations traitées, pour le compte de tiers, au nom de l'entité, sont inscrites selon leur nature dans les charges et les produits de l'entité ". Aux termes enfin de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. "

3. Il est toujours loisible à l'administration de justifier le rejet de la comptabilité du contribuable vérifié, même si elle est régulière en la forme, en se fondant sur des motifs pertinents tirés du manque de valeur probante de cette comptabilité, accompagnés de tous les éléments de fait permettant de présumer que les résultats déclarés ont été minorés.

4. Au cours de son contrôle, l'administration a relevé qu'il existait une disproportion importante entre, d'une part, le montant des encaissements effectués par la société, enregistrés en comptabilité dans des comptes de tiers, et d'autre part, celui de son chiffre d'affaires déclaré. La société requérante fait valoir qu'elle exerce une activité d'intermédiaire transparent dans le domaine du commerce international de bois à destination de l'Algérie par laquelle, moyennant une commission de 2 %, permet à des entreprises algériennes de se fournir en matériaux auprès de sociétés établies en Turquie et en Asie, ces acquisitions étant financées et garanties au moyen de lettres de crédit documentaire. Il résulte cependant de l'instruction, en particulier des annexes à la proposition de rectifications, que la société requérante a encaissé, par chèques et virements, d'importantes sommes versées par des sociétés de gardiennage et du bâtiment, établies en France et sans lien apparent avec le commerce international du bois à destination de l'Algérie. Ces encaissements, apparaissant sur les comptes bancaires de la société, ont été enregistrés dans sa comptabilité dans des comptes de tiers. Comme l'a relevé le jugement du tribunal administratif de Nancy, ces sommes représentent pour la période du 20 août 2011 au 31 décembre 2012, six fois son chiffre d'affaires déclaré en matière d'impôt sur les sociétés, et pour la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2014, cinquante-quatre fois son chiffre d'affaires déclaré en matière d'impôt sur les sociétés. Il ressort également de la proposition de rectifications que la société a effectué des virements au profit d'entreprises étrangères figurant également en compte de tiers pour des montants de 1 326 930 euros, 1 162 920 euros, et 28 760 euros au titre des trois périodes. Si la société requérante soutient que ces versements constituent des acomptes sur les achats de bois effectués pour le compte de ses mandants, elle n'en justifie pas. Les seules factures pro forma sur lesquelles n'apparaissent pas le nom des sociétés clientes, produites par la société pour justifier de sa qualité d'intermédiaire transparent, ne sauraient à elles seules, établir que la société requérante a agi au nom et pour le compte d'un donneur d'ordre. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a estimé que la comptabilité de la SARL BN Export, en dépit de sa régularité apparente, ne retraçait pas la réalité de son activité et était, par suite, dépourvue de caractère probant et sincère.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 ou le comité prévu à l'article L. 64 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité./Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ". Aux termes de l'article L.193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". L'article R* 193-1 du même livre dispose que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

6. D'abord, les impositions en litige au titre de l'année 2012 n'ont pas été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire. Par suite il appartient à l'administration, en vertu de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du bien-fondé des impositions en ce qui concerne l'existence des produits, du chiffre d'affaires et des distributions en matière, respectivement, d'impôt sur les sociétés de l'année 2012, de taxe sur la valeur ajoutée et de retenue à la source. En revanche, il appartient à la SARL BN Export, qui a été régulièrement taxée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2013, pour avoir déposé sa déclaration de résultat plus de trente jours après la notification d'une mise en demeure, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenue par l'administration.

7. Ensuite, si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

8. Par ailleurs, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération de cette taxe.

9. Enfin, en matière d'imposition directe locale, telle que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, il incombe au juge de l'impôt de se prononcer au vu des résultats de l'instruction.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés :

10. En vertu des dispositions combinées du 1 de l'article 38 et de l'article 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises. Et aux termes de l'article 39 du même code, " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ". Pour la détermination de leur bénéfice imposable, les intermédiaires opaques doivent par conséquent inclure dans leurs produits l'intégralité des sommes dues par les clients et non leur seule rémunération d'intermédiaire. Corrélativement, ils doivent inclure dans leurs charges déductibles les sommes dues aux fournisseurs à condition d'en justifier selon les modalités rappelées au point 7 ci-dessus.

11. En premier lieu, l'administration fiscale a reconstitué le montant des produits imposables à l'impôt sur les sociétés à partir de l'intégralité des encaissements perçus sur les comptes bancaires de la société requérante et enregistrés dans des comptes de tiers, à concurrence de 1 464 773 euros pour 2012 et 1 066 128 euros, ces sommes ressortant de sa comptabilité sur les données de laquelle, contrairement à ce que soutient la société requérante, elle pouvait des fonder. En effet, il résulte de l'instruction que la société requérante n'a pu, pour justifier son intervention dans le cadre de ces transactions commerciales, se prévaloir d'aucun mandat de la part des entreprises à l'origine des virements effectués sur son compte bancaire, ni d'une reddition de compte. Elle n'a pu se prévaloir d'aucun autre élément qui aurait pu établir qu'elle avait agi au nom et pour le compte de ces entreprises. Plus particulièrement, les factures pro forma produites par la société, sans identification des clients, ne permettent pas de rapprocher les encaissements et les décaissements. L'administration à qui revient la charge de la preuve au titre de l'exercice 2012, justifie ainsi la réintégration de la somme de 1 464 773 euros provenant de la différence entre les sommes encaissées sur son compte bancaire et le chiffre d'affaires déclaré en matière d'impôt sur les sociétés. A l'inverse, alors que la charge de la preuve lui incombe au titre de l'exercice 2013, la société requérante, en se bornant à faire état de son rôle d'intermédiaire transparent, ne rapporte pas la preuve, en se basant sur des factures pro forma sans identification de clients et sur des attestations, du rapprochement entre les virements qu'elle a effectués au profit d'entreprises étrangères et ceux reçus d'entreprises situées en Ile-de-France.

12. En second lieu, l'administration était en droit d'exclure du montant des charges déductibles pour la détermination du bénéfice imposable de la SARL BN Export, les montants de 1 326 930 et 1 162 920 euros correspondant aux virements bancaires effectués par la société au profit d'entreprises étrangères, en contrepartie de ce qu'elle allègue être des achats de bois réalisés pour le compte de ces sociétés. La société, en produisant des factures pro forma sur lesquelles ne figurent pas l'identification des clients, n'établit pas sa qualité d'intermédiaire transparent ainsi qu'il vient d'être dit. De même, comme il a également été dit ci-dessus, la société requérante ne justifie pas du lien existant entre les versements qu'elle a effectués au profit de ces entreprises étrangères et les encaissements qu'elle a reçus de la part de sociétés établies en France ayant pour activité le gardiennage et le bâtiment. Il résulte de ce qui précède que la SARL BN Export ne justifie pas du principe même de la déductibilité des charges dont elle demande la déduction, conformément aux règles énoncées au point 7 ci-dessus. Par suite, les montants de 1 326 930 et 1 162 920 euros qui ont fait l'objet d'un virement bancaire de la SARL BN Export au profit d'entreprises étrangères ne peuvent être regardés comme des charges déductibles de ses bénéfices.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL BN Export n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des années 2012 et 2013.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

14. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) V. 1° L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés. ". Aux termes de l'article 262 du même code : " I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les exportations de biens meubles corporels ainsi que les prestations de services qui leur sont directement liées ". L'article 263 du même code dispose à cet égard : "Les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d'autrui, lorsqu'ils interviennent dans des opérations exonérées par l'article 262 ainsi que dans les opérations réalisées hors du territoire des Etats membres de la Communauté européenne sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée ". Aux termes de l'article 266 du même code : " La base d'imposition est constituée : / (...) b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : / Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis ;/Opérations réalisées par les personnes établies en France qui s'entremettent dans la livraison de biens ou l'exécution de services par des redevables qui n'ont pas établi dans l'Union européenne le siège de leur activité, un établissement stable, leur domicile ou leur résidence habituelle ". Aux termes enfin de l'article 269 du même code : "1 Le fait générateur de la taxe se produit :/(...) a ter) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires réputées effectuées en application des dispositions du V de l'article 256 et du III de l'article 256 bis, au moment où l'opération dans laquelle l'assujetti s'entremet est effectuée ".

15. Il résulte de l'instruction que la SARL BN Export ne justifie d'aucun contrat de mandat conclu avec les sociétés pour lesquelles elle entend jouer un rôle d'intermédiaire transparent. En outre, la société ne justifie d'aucun autre élément permettant de qualifier son activité d'intermédiaire transparent, les factures pro forma produites à cet effet sans identification de clients, n'établissant pas cette qualité. Dès lors, c'est à juste titre que l'administration a considéré que la SARL BN Export réalisait en son propre nom des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'intégralité de leurs montants. En conséquence, la société est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur la totalité du prix de vente des marchandises concernées conformément au b) du 1 de l'article 266 du code général des impôts.

16. Si la société requérante soutient que les marchandises ayant fait l'objet des opérations de ventes qu'elle a réalisées n'ont jamais été livrées en France et ne s'y sont jamais trouvées, il ne résulte pas de l'instruction, alors que la société requérante n'est en mesure de produire aucun justificatif en ce sens, que les encaissements que l'administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée se rapporteraient à des livraisons de biens meubles corporels exonérées au titre des exportations ou des livraisons intra-communautaires, ni même à des prestations de services exonérées comme se rapportant à de telles livraisons. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que son chiffre d'affaires serait exonéré de la taxe sur la valeur ajoutée.

En ce qui concerne les cotisations de retenue à la source :

17. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Selon le premier alinéa de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du I de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Et aux termes du 2 de de l'article 119 bis du code précité : " (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source (...) lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ".

18. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus en ce qui concerne la détermination du bénéfice imposable, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la SARL BN Export les sommes encaissées de sociétés françaises. Ces sommes ayant été immédiatement reversées à des sociétés étrangères au cours des années 2012 et 2013, elles doivent être regardées comme désinvesties au profit des entreprises chinoises, turques malaisiennes et italiennes concernées. Par suite, c'est à bon droit que le service les a soumises à la retenue à la source en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires relatives à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

19. Il résulte de ce qui précède que l'administration a établi l'existence de sommes devant être réintégrées dans le chiffre d'affaires de la société requérante. Par suite, c'est à bon droit que ces sommes ont été prises en compte dans la valeur ajoutée de la société requérante des années 2012 et 2013 servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en application des dispositions des articles 1586 quinquies et 1586 sexies du code général des impôts.

Sur les pénalités :

20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :/ a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ". Les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

21. L'administration fiscale a assorti les suppléments d'impôt sur les sociétés et de les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée de la majoration de 80% pour manoeuvres frauduleuses en se fondant sur l'importance des sommes encaissées au regard du chiffre d'affaires déclaré de la société, leur enregistrement en " compte tiers " ainsi que celui des sommes versées à des entreprises étrangères sans justificatifs probants et le fait que l'origine des sommes ainsi encaissées provenait de sociétés exerçant dans le domaine du bâtiment et du gardiennage installées en Ile-de-France, sans lien avec la SAR BN Export. Mais, alors que l'intégralité des mouvements financiers ont été retracés dans la comptabilité, l'administration en faisant état de ces éléments n'établit pas le recours par la société requérante à des procédés frauduleux destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. Par suite, la société BN Export est fondée à soutenir que les manoeuvres frauduleuses n'étant pas établies, c'est à tort que la majoration de 80 % prévue par les dispositions ci-dessus reproduites lui ont été infligées.

22. Toutefois, il appartient au juge, dans une telle hypothèse, alors même que l'administration ne le saisirait pas d'une demande en ce sens, de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser la mauvaise foi du contribuable et de substituer, au besoin d'office, à la majoration de 80 % appliquée par l'administration la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts. Les éléments retracés au point précédent établissent la volonté de la SARL BN Export d'éluder la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que l'impôt sur les sociétés. Il y a lieu, par suite, de substituer d'office à la majoration de 80 %, celle prévue, en cas de manquement délibéré, par l'article 1729 du code général des impôts.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL BN Export est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nancy, a maintenu les pénalités pour manoeuvres frauduleuses.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à titre principal dans la présente instance, verse une somme à la SARL BN Export au titre des frais exposés par elle

D E C I D E :

Article 1er : La pénalité de 40% pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts est substituée à la pénalité au taux de 80% dont ont été assortis les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à la SARL BN Export.

Article 2 : Le jugement n° 1800329 du tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SARL BN Export est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SARL BN Export et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

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N° 19NC02089


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