La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2020 | FRANCE | N°19NC02074

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19NC02074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 novembre 2018 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1807824, 1808346, 1807825, 1901135 du 22 février 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a notamment ann

ulé les décisions du 12 novembre 2018 portant obligation de quitter le territoire f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 novembre 2018 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1807824, 1808346, 1807825, 1901135 du 22 février 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a notamment annulé les décisions du 12 novembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1807824, 1807825 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er juillet 2019 et 30 octobre 2020, M. A... F... et Mme D... E..., représentés par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du 12 novembre 2018 par lesquelles le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler ces décisions du 12 novembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés attaqués sont entachés d'un vice d'incompétence ;

- le préfet n'ayant pas produit l'avis du collège des médecins de l'OFII, il n'est pas possible de s'assurer que le médecin signataire du rapport médical ne siégeait pas au sein du collège, la procédure est entachée d'irrégularité ;

- le collège des médecins de l'OFII ne s'est pas prononcé sur la durée prévisible du traitement ;

- le rapport médical n'a pas été produit malgré leur demande de communication ;

- deux avis du collège portant des dates différentes auraient été émis, ce qui prive cet avis de date certaine ;

- les avis du collège ne font état d'aucun élément de procédure sur la base desquels ils ont été pris ;

- le préfet n'a pas été informé de la transmission du rapport au collège de médecins en méconnaissance de l'article R. 323-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'est pas justifié de l'existence d'un rapport établi par un médecin de l'OFII ;

- le directeur général de l'OFII n'a pas désigné trois médecins afin de siéger au collège de médecins qui s'est prononcé sur le dossier de leur fils ;

- le rapport comporte des éléments erronés, ce qui entache d'irrégularité la procédure ;

- les décisions attaquées sont entachées de défaut de motivation et de défaut d'examen particulier de leur situation ;

- les décisions méconnaissent les dispositions du 11°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de leur fils ;

- les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, le préfet de la Moselle conclut à ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête.

M. F... et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions des 19 novembre 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... et Mme E..., nés respectivement en 1981 et 1989, de nationalité arménienne, sont entrés régulièrement en France le 18 mars 2016 munis d'un passeport revêtu d'un visa d'une durée de dix jours valable jusqu'au 7 avril 2016. Ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 juin 2017 confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 11 septembre 2017. Le 28 septembre 2017, M. F... et Mme E... ont déposé une demande de titre de séjour en raison de l'état de santé de leur fils B.... Leurs demandes ont été classées sans suite faute de communication des pièces demandées. Ils ont renouvelé leurs demandes le 31 janvier 2018. Par arrêtés du 12 novembre 2018, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 22 février 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du 12 novembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. M. F... et Mme E... relèvent appel du jugement du 14 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du 12 novembre 2018 leur refusant le séjour.

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le préfet :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le recours formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

3. En défense, le préfet de la Moselle fait valoir que postérieurement aux refus de séjour attaqués et au jugement attaqué, il a procédé au réexamen des demandes de titre de séjour de M. F... et Mme E.... Il leur a adressé un courrier le 18 septembre 2019 demandant aux intéressés de se présenter en préfecture le 28 octobre 2019 afin de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour de six mois renouvelable. En l'absence de document au dossier permettant d'attester le retrait des refus de séjour opposés à M. F... et Mme E... et de la délivrance en conséquence d'un titre de séjour aux intéressés, les conclusions à fin d'annulation des décisions attaquées n'ont pas perdu leur objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, dans leur requête d'appel, M. F... et Mme E... se bornent à reprendre les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen particulier, ainsi que celui du vice de compétence dont seraient entachés les arrêtés contestés, déjà soulevés en première instance, sans les assortir d'aucune justification nouvelle, ni d'aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11. (...) / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. " Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...). La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". L'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de 1'Office français de 1'immigration et de 1'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'avis du collège de médecins de l 'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de 1'affection en cause. L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. Afin de contribuer à 1'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à 1'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office. ".

6. D'une part, s'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle a produit en première instance une attestation de la directrice territoriale de l'OFII du 29 mars 2019 qui indique que le rapport médical, établi le 30 mai 2018 par le Dr Ortega, a été transmis au collège de médecins le 21 juin 2018 et que ce collège a rendu son avis le 17 août 2018. Eu égard aux noms des trois médecins portés sur l'avis du 17 août 2018, le préfet justifiait déjà en première instance que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui s'est prononcé sur l'état de santé du fils des requérants. Il s'ensuit que contrairement à ce que soutiennent les requérants, un rapport médical a bien été transmis au collège de médecins, et l'avis émis par le collège l'a été dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, comme il a été dit au point 5, aucune disposition n'impose que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration comporte la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical et vise ce rapport.

8. Les requérants soutiennent par ailleurs que le rapport du médecin rapporteur comporte des mentions erronées quant à la nécessité d'une tierce personne et à la prise en charge de leur enfant en Arménie avant leur arrivée en France. Ces éléments, qui ont pour but de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin rapporteur sur l'état de santé de leur fils, ne relèvent pas de la régularité de la procédure d'instruction de leur demande devant l'OFII mais portent sur la teneur de l'avis médical donné par le médecin rapporteur. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à se prévaloir de ces éléments au soutien de leur moyen tenant à l'irrégularité de la procédure.

9. Les circonstances qu'un autre avis aurait été émis le 15 septembre 2018 et que le bordereau de transmission adressé par l'OFII au préfet du 18 septembre 2018 mentionne la date du 8 août 2018 sont sans incidence dès lors que les arrêtés contestés font référence à l'avis du 17 août 2018. S'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait été informé par le service médical de l'OFII de la transmission au collège du rapport conformément à l'article R. 313 23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce défaut n'a, en tout état de cause, pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises et n'a pas privé les intéressés d'une garantie.

10. L'avis du 17 août 2018 mentionne que les trois médecins composant le collège ont délibéré collégialement. Les requérants n'apportent aucun élément ni même aucun commencement de justification tendant à infirmer cette mention, cet avis ayant été signé par les trois médecins qui composent le collège des médecins de l'OFII. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de mentionner dans l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII les modalités de la délibération de ce collège.

11. Il ressort de la décision du 8 août 2018 du directeur général de l'OFII, et notamment de son annexe 1, que les docteurs Gerlier, Ferjani et Mbomeyo, signataires de l'avis du 17 août 2018, figurent sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale. Aucune des dispositions citées au point 5, non plus qu'aucun principe général du droit, exige que l'avis émis pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code susmentionné soit rendu par un collège de médecins spécifiquement nommés pour chaque dossier. Il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'avis aurait été adopté par des médecins qui n'ont pas été nommés conformément aux dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Ni le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni aucun autre texte ne prévoient la communication aux intéressés du rapport médical fondant l'avis du collège de médecins le concernant. En outre, la demande de communication de ce rapport adressée par les requérants est postérieure aux arrêtés contestés. Le rejet de cette demande est alors, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de ces arrêtés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, à raison de ces refus, de l'articles L. 1111-7 du code de la santé publique doit être écarté comme étant inopérant.

13. D'autre part, en vertu des dispositions citées au point 5, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. S'il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

14. Les requérants soutiennent qu'il n'est pas justifié des pièces servant de base aux avis rendus par le médecin rapporteur et par le collège de médecins et qu'il n'est pas fait référence dans l'avis du 17 août 2018 aux outils d'aide à la décision, aux références documentaires ainsi qu'aux orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

15. Il résulte des dispositions précitées de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 et de l'annexe II de cet arrêté que les outils et références documentaires peuvent être mobilisés par les médecins de l'OFII. Ces orientations générales étant uniquement opposables aux médecins de l'OFII, M. F... et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir de ces orientations générales pour soutenir que la procédure d'instruction de leurs demandes de titre de séjour serait irrégulière.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 13 du présent arrêt que M. F... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que l'avis du collège de médecins de l'OFII est entaché d'irrégularités de nature à entacher la légalité des décisions portant refus de titre de séjour.

17. En troisième lieu, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

18. Par un avis du 17 août 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé du fils de M. F... et Mme E... nécessitait une prise en charge, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui. Il a cependant relevé qu'il existait un traitement approprié à sa pathologie dans leur pays d'origine.

19. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que le fils de M. F... et Mme E..., B..., né en 2014 souffre d'un diabète de type I. Il a été hospitalisé en avril 2016, quelques semaines après l'arrivée en France de la famille, pour une décompensation diabétique. Son état de santé est désormais stabilisé et il bénéficie d'une prise de mesure glycémique par scan plusieurs fois par jour ainsi que de l'assistance journalière à son école d'une infirmière pour réaliser une injection d'insuline en cas d'hyperglycémie. Par ailleurs, un suivi trimestriel auprès d'un diabétologue, d'un ophtalmologiste et d'une diététicienne est assuré. Il était prévu, au regard des éléments indiqués par un médecin du pôle femme, mère enfant du centre hospitalier régional de Metz-Thionville dans son certificat du 3 janvier 2019, que l'enfant puisse bénéficier au premier semestre 2019 d'une pompe sous-cutanée diffusant de l'insuline en continu en remplacement des injections au stylo. Le médecin précise qu'à sa connaissance, ce dispositif de délivrance d'insuline n'est pas disponible en Arménie. Il ne ressort cependant pas de ce certificat, au demeurant postérieur aux décisions attaquées, que la pompe à insuline est indispensable au traitement de la pathologie de son fils, ce dernier bénéficiant d'une délivrance d'insuline par stylo depuis son arrivée en France. Les requérants se prévalent du caractère indisponible des insulines lispro et glargine prescrites à leur fils, en produisant la liste des médicaments essentiels disponibles en Arménie datée de 2010 qui indique que les injections d'insuline soluble sont disponibles. Il ne ressort cependant pas des certificats médicaux produits que l'état de santé de leur fils serait incompatible avec la prise d'insuline dite rapide, telle que l'insuline soluble. Ils ne sont pas non plus fondés à se prévaloir du coût des médicaments en France pour arguer qu'ils n'auraient pas effectivement accès au traitement en Arménie. De même, les documents généraux de l'organisation mondiale de la santé et de la fédération internationale du diabète n'établissent pas l'indisponibilité du traitement de leur fils en Arménie. Enfin, si les requérants se prévalent de l'état de santé de leur fils à leur entrée en France nécessitant une hospitalisation comme il a été dit, ils n'apportent aucun élément permettant d'établir le lien entre un défaut d'accès aux soins en Arménie et la décompensation diabétique observée en avril 2016. La circonstance que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, dans un avis postérieur aux décisions attaquées, considéré que l'enfant des requérants ne peut disposer effectivement d'un traitement adapté à son état de santé dans leur pays d'origine, est sans incidence sur la légalité de ces décisions. Comme le précise le préfet en défense, cet avis a été émis dans le cadre d'un réexamen de la situation des intéressés et ne saurait par conséquent remettre en cause la légalité des arrêtés attaqués pris antérieurement à ce nouvel avis. Eu égard à ces éléments, M. F... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir qu'en refusant de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, le préfet de la Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de l'état de santé de leur fils.

20. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

21. M. F... et Mme E... soutiennent que l'état de santé de leur fils nécessite qu'ils puissent séjourner en France et que celui-ci ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 19, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un traitement et un suivi médical adaptés à la pathologie dont souffre leur fils ne seraient pas disponibles dans leur pays d'origine et qu'il ne pourrait y accéder effectivement. Par ailleurs, ils n'établissent pas que celui-ci ne pourrait pas poursuivre sa scolarité débutante en Arménie dans des conditions d'accueil tenant compte de sa pathologie. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de séjour auraient méconnu l'intérêt supérieur de leur enfant. Dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

22. En dernier lieu, pour les mêmes motifs énoncés aux points 19 et 21, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.

23. Il résulte de tout ce qui précède, que M. F... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et Mme D... E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 19NC02074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02074
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : THIEBAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-03;19nc02074 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award