Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1700401 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a constaté un non-lieu à statuer partiel, déchargé M. A... en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales relatives aux bénéfices non commerciaux au titre des années 2010, 2011 et 2012 et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 3 janvier et 19 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du 29 novembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Nancy a déchargé M. A..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales relatives aux bénéfices non commerciaux au titre des années 2010, 2011 et 2012 et lui a accordé une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rétablir à la charge de M. A... ces impositions et les pénalités correspondantes ;
Il soutient que les pièces recueillies auprès des autorités fiscales luxembourgeoises ont bien été communiquées au contribuable le 11 mars 2014, conformément à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 mai 2019, 13 janvier et 15 octobre 2020, M. B... A..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 4 du jugement du 29 novembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande. Il demande en outre que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;
- l'assistance administrative internationale ne pouvant à elle seule mettre en évidence l'activité générant des bénéfices non commerciaux en France, le service vérificateur a, en réalité, procéder irrégulièrement à une vérification de comptabilité sous couvert d'un simple contrôle sur pièces ; l'administration a ainsi porté atteinte aux droits et garantis reconnus dans le cadre d'une vérification de comptabilité ;
- la société SCIT constituée au Luxembourg a une activité réelle, faisant obstacle à l'application de l'article 155 A du code général des impôts ;
- les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, au cas d'espèce, portent atteinte à la liberté d'établissement et à la liberté des prestations de service protégées par les articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et il est demandé à la cour, le cas échéant, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice européenne ;
- l'application de l'article 155 A du code général des impôts entraîne une double imposition, contraire à la doctrine administrative ;
- les montants imposés en application de l'article 155 A du code général des impôts ne sont pas soumis à la bonne catégorie d'imposition puisqu'ils relèvent de la catégorie des traitements et salaires ;
- la somme à imposer doit prendre en compte les frais et charges engagés pour la réalisation de la mission ;
- les revenus imposables ne peuvent excéder les montants effectivement perçus dès lors qu'il est démontré que la société SCIT avait un résultat quasi nul sur la période soumise au contrôle et après prise en compte de ses frais et charges ;
- s'agissant des revenus de capitaux mobiliers, les sommes en litige correspondent à des remboursements de frais de mission et de déplacement qu'il a engagés dans le cadre des missions confiées par la société SCIT ;
- s'agissant des prélèvements sociaux, ceux appliqués sur les revenus imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ne sont pas motivés dans les propositions de rectification ;
- n'étant pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie en France, il ne peut être assujetti aux prélèvements sociaux sur ses revenus du patrimoine ;
- aucun manquement délibéré ne peut être caractérisé.
Par une lettre du 9 septembre 2020, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'administration a, à tort, fait application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du CGI pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus considérés comme distribués (cf. Conseil constitutionnel décisions n° 2017-650 QPC du 10 février 2017 et n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017).
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est administrateur délégué et salarié de la société SCIT SA domiciliée au Luxembourg et détient 99 % de son capital. Il est également le gérant non salarié des sociétés SCIT Construction, Site matériaux, ABC Loc, son épouse étant la gérante de la société Millian, toutes ayant leur siège social en France. La société SCIT SA détient l'ensemble du capital de ces quatre sociétés françaises. Ces sociétés ont conclu entre elles, entre le 12 juin 2009 et le 31 octobre 2010, des conventions aux termes desquelles la société SCIT SA exerce pour le compte de ses filiales, diverses prestations de conseil et d'assistance dans les domaines administratif, comptable, financier et commercial. M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2010, 2011 et 2012. Par proposition de rectification n°3924 du 6 décembre 2013, l'administration a notamment rehaussé des revenus dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. A... a également fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des mêmes années. Dans sa proposition de rectification n°2120 du 6 décembre 2013, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale a estimé que M. A... effectuait, pour l'essentiel, les prestations réalisées au nom de la société SCIT SA au profit de ses filiales et a considéré que les sommes versées par les sociétés françaises, en rémunération de ces prestations avaient le caractère de bénéfices non commerciaux imposables en France, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts. En conséquence, l'administration a assigné à M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 29 novembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Nancy a déchargé M. A... en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales relatives aux bénéfices non commerciaux au titre des années 2010, 2011 et 2012. Par la voie d'un appel incident, M. A... demande l'annulation du jugement du 29 novembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes.
Sur le motif de décharge retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés. Il en va ainsi alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur.
4. Il résulte de l'instruction que, par la proposition de rectification n°2120 du 6 décembre 2013, le service a informé M. A... qu'en réponse à une demande d'assistance administrative internationale, les autorités luxembourgeoises ont fourni le 26 septembre 2013 à l'administration fiscale des renseignements, qui ont été utilisés par celle-ci pour fonder les rehaussements dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Dans ses observations du 4 février 2014, en réponse à cette proposition de rectification, M. A..., par l'intermédiaire de son conseil a, d'une part, contesté les rehaussements envisagés et, d'autre part, demandé au service, de porter à sa connaissance " les résultats de cette assistance administrative (...) communiqués le 26 septembre 2013 " au service. M. A... a soutenu devant le tribunal que malgré sa demande du 4 février 2014, l'administration ne lui a pas communiqué les résultats de l'assistance administrative exercée auprès des autorités luxembourgeoises. Le ministre produit pour la première fois en appel un courrier du 11 mars 2014 que ses services ont adressé au conseil de M. A... afin de lui communiquer les copies des pièces obtenues dans le cadre de l'assistance administrative internationale exercée auprès des autorités luxembourgeoises. Il est établi que ce pli a été reçu le 19 mars 2014. Ces nouveaux éléments ne sont pas contestés en appel par M. A.... Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a déchargé M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et des contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes au titre des années 2010, 2011 et 2012 au motif tiré de la violation des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
6. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge présentées par M. A... :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
7. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / (...) A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. (...). ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. ".
8. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification n°2120 du 6 décembre 2013 que M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces des éléments de déclaration qu'il a fournis à l'administration au titre des revenus perçus en 2010, 2011 et 2012. Au cours de ce contrôle, l'administration a mis en oeuvre la procédure de demande d'assistance administrative internationale auprès des autorités luxembourgeoises en vue d'obtenir des informations relatives à la société SCIT SA domiciliée dans cet Etat. Le vérificateur s'est fondé par ailleurs sur les charges déclarées par les filiales françaises de la société SCIT SA. D'une part, il résulte de ces éléments que l'administration a réalisé une collecte d'informations mais n'a pas procédé à un examen critique des pièces comptables obtenues dans le cadre de son contrôle. Il s'ensuit que pour remettre en cause la nature des rémunérations perçues en contrepartie des prestations réalisées au bénéfice des filiales de la société SCIT SA et les imposer entre les mains de M. A... en tant que bénéfices non commerciaux, l'administration s'est bornée à faire usage du droit, que lui confèrent les dispositions codifiées à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable, sans procéder à une vérification de comptabilité. D'autre part, ni les dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ni aucune autre disposition n'imposent à l'administration d'engager un débat oral avec le contribuable qui a fait l'objet d'un contrôle sur pièces. Enfin, eu égard à ces éléments, la procédure d'imposition n'est pas entachée d'un détournement de procédure. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que certaines garanties prévues en matière de vérification de comptabilité n'auraient pas été respectées est, en tout état de cause, inopérant.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant des bénéfices non commerciaux :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières :-soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ;-soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ;-soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. / II. Les règles prévues au I ci-dessus sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France ".
10. Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte. L'administration fiscale apporte la preuve que des sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières en vertu du I de l'article 155 A du CGI par la production d'éléments attestant de ce que ces personnes ont réalisé les prestations de services en cause et de ce qu'elles contrôlent la personne qui perçoit la rémunération de ces services. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable d'apporter des éléments permettant d'établir que la facturation de ces prestations par la société établie hors de France aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte.
11. Pour établir que les sommes perçues par la société SCIT SA en rémunération des prestations fournies à ses filiales françaises correspondent à un service rendu pour l'essentiel par M. A..., l'administration s'est fondée tout d'abord sur la circonstance que la société luxembourgeoise était placée sous le contrôle de M. A.... Comme il a déjà été dit, M. A... est l'administrateur délégué de la société SCIT SA et détient 99 % de son capital. Dans le cadre de la demande d'assistance administrative internationale, l'administration a eu connaissance de la résolution de la société du 9 mars 2004 aux termes de laquelle il a été décidé d'octroyer à M. A... un pouvoir de signature individuel doublé d'un pouvoir de cosignature obligatoire à l'égard des deux autres administrateurs. L'ensemble des documents administratifs de la société portait la signature unique de M. A.... L'administration justifie ainsi que M. A... contrôle la société SCIT SA qui a perçu les rémunérations en litige. D'autre part, en relevant que les chiffres d'affaires de la société SCIT SA au cours des années en litige sont constitués très majoritairement des recettes correspondantes aux facturations des prestations en cause, l'administration établit que la société luxembourgeoise n'exerce pas, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services. Dans ces circonstances, l'administration doit être regardée comme établissant que les prestations rémunérées par les sociétés SCIT Construction, Site matériaux, ABC Loc et Millian correspondent à un service rendu pour l'essentiel par M. A... et que les recettes en résultant sont donc susceptibles d'être imposées entre ses mains en France. En se bornant à se prévaloir de l'existence réelle de la société luxembourgeoise, laquelle n'est au demeurant pas contestée, et de ses activités au bénéfice de ses filiales, sans étayer sur ce point son argumentation, M. A... n'apporte aucun élément permettant d'établir que la facturation des prestations en litige par la société SCIT SA aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte. Enfin, l'application des dispositions précitées de l'article 155 A n'est, en tout état de cause, pas subordonnée à la démonstration du caractère fictif de la société interposée contrairement à ce que soutient M. A....
12. En deuxième lieu, les dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts, telles qu'interprétées par le présent arrêt, visent uniquement l'imposition des services rendus en France ne trouvant aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d'une personne établie ou domiciliée hors de France. En l'absence, en l'espèce, d'une telle contrepartie permettant de regarder les services concernés comme rendus pour le compte de cette dernière personne, les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ne sauraient porter atteinte ni à la libre de prestation de services à l'intérieur de l'Union européenne ni à la liberté d'établissement.
13. En troisième lieu, il résulte de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 que, pour l'application de l'article 155 A du code général des impôts, " dans le cas où la personne domiciliée ou établie à l'étranger reverse en France au contribuable tout ou partie des sommes rémunérant les prestations réalisées par ce dernier, la disposition contestée ne saurait conduire à ce que ce contribuable soit assujetti à une double imposition au titre d'un même impôt ". Contrairement à ce que soutient M. A..., cette réserve d'interprétation, qui conditionne l'application de l'article 155 A à l'absence de double imposition des sommes taxées selon ces dispositions, ne peut concerner, en tout état de cause, que les impositions françaises. L'intéressé ne peut donc utilement faire valoir, pour faire échec à l'application de cet article, qu'il s'est acquitté au Luxembourg de l'impôt dû à raison de sa rémunération en tant que salarié de la société SCIT SA. Par ailleurs, l'administration fiscale a procédé devant le tribunal administratif à une correction de la liquidation des cotisations d'impôt sur le revenu de M. A... en n'appliquant pas la règle du taux effectif et a prononcé des dégrèvements au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour un montant total de 24 780 euros en droits et en pénalités. La double imposition résultant de l'application de l'article 155 A du code général des impôts et de l'application de la règle du taux effectif a par suite été supprimée.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 92 de ce même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. (...) ".
15. Lorsqu'elle met en oeuvre les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, il appartient à l'administration fiscale de déterminer la catégorie de revenus à laquelle rattacher les sommes perçues et imposables en France en vertu de ces mêmes dispositions.
16. Contrairement à ce que soutient M. A..., les conventions conclues entre la société mère et ses filiales ne prévoient nullement des prestations de gérance de sociétés mais ont pour objet des prestations de " conseils stratégiques d'ordre commercial, technique, financier " et d'assistance dans le domaine administratif, comptable, financier, commercial, et de conduite de transactions. Compte tenu de l'activité indépendante de conseil aux entreprises ainsi exercée, c'est à bon droit que le service a estimé que les sommes perçues par la société SCIT SA devaient être imposées entre les mains de M. A... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 15, 17 et 18, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat. ".
18. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. A..., qui est redevenu résident fiscal français à compter de l'année 2010 après avoir été résident luxembourgeois de 2004 à 2009 et qui a été imposé à juste titre à raison des sommes en litige dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise applicable aux seuls salaires et traitements.
19. En sixième lieu, aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ".
20. Par lettre du 15 septembre 2014, l'administration a admis la prise en compte des frais de véhicule engagés par M. A... à raison des déplacements entre son domicile et les sociétés françaises dans lesquelles il intervenait. M. A..., qui se borne à produire des extraits de comptes de charges de la société SCIT SA au titre des années en litige, ne justifie pas des dépenses nécessaires à la réalisation des prestations de conseil réalisées par lui en France.
21. En dernier lieu, s'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale, les prévisions énoncées aux paragraphes n° 150, 190, 200, 210 et 240 de l'instruction BOI-IR-DOMIC-30 du 12 septembre 2012 relatives aux règles permettant d'éviter une double imposition dans l'application de l'article 155 A du code général des impôts, au demeurant postérieures aux années 2010 et 2011 en litige, ne contiennent aucune interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application. M. A... n'est, dès lors, pas fondé à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
S'agissant des revenus de capitaux mobiliers :
22. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ".
23. Le vérificateur a constaté qu'au cours des années 2010, 2011 et 2012, M. A... a reçu sur son compte bancaire des versements de la part des sociétés SCIT Construction, Site matériaux, ABC Loc et Millian représentant une somme totale de 2 162 euros en 2010, 7 233 euros en 2011 et 10 435 euros en 2012. Si M. A... soutient que ces sommes correspondent à des remboursements de frais, il se borne à produire des tableaux listant des charges qui auraient été engagées pour le compte des sociétés françaises sans apporter aucun élément quant à la réalité de ces dépenses qu'il aurait personnellement engagées. En outre, les conventions d'assistance conclues entre la société SCIT SA et ses filiales ne prévoyaient qu'une rémunération forfaitaire de 75 euros de l'heure au titre des interventions de M. A..., sans qu'il soit précisé qu'elles étaient tenues en sus à prendre en charge ses frais. Dans ces conditions, ces sommes ont pu à bon droit être regardées par l'administration comme ayant la nature d'un revenu distribué et, par suite, être imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
S'agissant des contributions sociales :
24. En premier lieu, d'une part, M. A..., qui a obtenu le dégrèvement en première instance des prélèvements sociaux sur les bénéfices non commerciaux, ce qui a permis au tribunal administratif de constater sur ce point un non-lieu à statuer partiel à statuer, doit être regardé comme demandant en appel la décharge des contributions sociales correspondant aux seuls revenus de capitaux mobiliers. D'autre part, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers, par décision du 31 juillet 2017, M. A... a d'ores et déjà fait l'objet d'un dégrèvement des contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2012 à raison de l'application à tort du coefficient de 1,25 prévu par les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts sur la base imposable des contributions sociales relatives aux revenus distribués par les sociétés SCIT Construction, Site matériaux, ABC Loc et Millian et la demande de décharge du requérant est donc sur ce point sans objet.
25. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, qui reprend les dispositions de l'article 2 du règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 : " Le présent règlement s'applique aux travailleurs salariés ou non-salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres et qui sont des ressortissants de l'un des Etats membres (...) ". En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ledit règlement ne s'applique qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs Etats membres de l'Union européenne sans que le fait d'être un ressortissant ou un résident fiscal d'un Etat membre, non affilié au régime de sécurité sociale de cet Etat, suffise à faire entrer dans le champ du règlement. En application de l'article 11 du règlement n° 883/2004, les personnes qui relèvent du champ du règlement ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre, déterminée selon les règles définies aux articles 11 à 16 du règlement n° 883/2004, ce qui exclut dès lors toute possibilité de cumul de plusieurs législations nationales pour une même période et, de manière corollaire, qu'un même revenu soit exposé au paiement de doubles cotisations.
26. M. A... soutient que n'étant pas à la charge d'un régime obligatoire français d'assurance maladie, ses revenus du patrimoine ne doivent pas être soumis aux prélèvements sociaux en France.
27. Dès lors qu'il n'est pas établi que M. A..., qui ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations, relevait du seul régime de sécurité sociale luxembourgeois au cours des années 2010 à 2012, il n'est pas fondé à demander la décharge des prélèvements sociaux assis sur leurs revenus du patrimoine au motif que ces prélèvements ont été établis en méconnaissance du principe de l'unicité de la législation en matière de sécurité sociale.
S'agissant des pénalités :
28. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
29. Pour appliquer les pénalités pour manquement délibéré sur les bénéfices non commerciaux, l'administration s'est fondée sur l'intervention de la société luxembourgeoise SCIT SA qui a eu pour conséquence de soustraire à l'impôt en France les rémunérations versées par les sociétés françaises SCIT Construction, Site matériaux, ABC Loc et Millian en contrepartie des prestations rendues matériellement par M. A... sans intervention propre de la société bénéficiaire de ces versements. Le service a relevé également que M. A... était le salarié des sociétés françaises jusqu'en 2010, qui ont décidé de ne plus le rémunérer concomitamment à la signature des conventions de prestations d'assistance et de conseil avec la société luxembourgeoise. Ayant le contrôle de l'ensemble de ces sociétés avec son épouse, l'administration a considéré qu'il ne pouvait ignorer que les sociétés françaises réglaient à leur société mère des prestations de service réalisées par lui-même par le biais d'une société établie à l'étranger. Enfin, l'administration souligne l'importance et la fréquence des omissions de déclaration. S'agissant des revenus de capitaux mobiliers, le service s'est également fondé sur la circonstance que M. A... ne pouvait ignorer que ses remboursements de frais n'étaient pas justifiés compte tenu de leur prise en charge dans les frais déjà facturés par la société SCIT SA. En invoquant ces différentes circonstances, l'administration justifie du bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré qu'elle a appliquée.
30. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que le ministre l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. M. A... n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012. Il s'ensuit qu'il y a lieu de rétablir les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. A... au titre des années 2010, 2011 et 2012 à raison de l'intégralité des droits et pénalités, restant en litige, qui lui ont été assignés.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er: Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 novembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 et dont le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge, sont remises à sa charge à raison de l'intégralité des droits et pénalités, restant en litige, qui lui ont été assignés.
Article 3 : Les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Nancy relatives aux impositions et pénalités mentionnées à l'article 2 ainsi que l'ensemble de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 19NC00003